Martin Faye, journaliste retraité : ‘L’Etat ne doit pas confondre régulation et répression’

L’irruption des gendarmes dans le studio de 7tV, mardi soir, alors que Maïmouna Ndour Faye recevait en direct le journaliste Madiambal Diagne, en fuite en France et sous le coup d’un mandat d’arrêt international, continue de susciter de vives réactions dans le milieu médiatique. L’ancien journaliste de la RTS et formateur, Martin Faye, estime que cette intervention traduit un glissement inquiétant dans la gestion de la liberté de la presse au Sénégal.

Le décor était celui d’une émission ordinaire avant que la tension ne s’invite en direct. À peine quelques minutes après le début de l’entretien entre Maïmouna Ndour Faye et Madiambal Diagne, le signal de 7TV est brutalement coupé. La journaliste est interpellée et conduite à la Section de Recherches. Une scène inédite dans le paysage audiovisuel sénégalais, qui intervient en pleine tenue du Salon international des Médias africains à Dakar.

Pour Martin Faye, ce qui s’est passé dépasse le simple incident télévisuel. «Il faut distinguer deux choses : la responsabilité du média et celle de l’État. Si une chaîne invite une personne recherchée, cela soulève des questions déontologiques, mais cela ne justifie pas une descente de gendarmerie en plein direct. Ce n’est pas ainsi qu’on régule les médias dans un État de droit», a déclaré le formateur.

Selon lui, les autorités disposent de moyens légaux pour réagir sans recourir à la force. «Quand la gendarmerie interrompt une émission, elle envoie un message d’intimidation à toute la presse. Ce type d’intervention crée un précédent dangereux. Le gouvernement pouvait saisir le CNRA ou exiger un droit de réponse. Il ne devait pas s’arroger le pouvoir de censurer une émission en direct», a ajouté Martin Faye, dénonçant une forme de «réflexe autoritaire». Toutefois, l’ancien journaliste n’élude pas la part de responsabilité des médias. «Les journalistes ne sont pas au-dessus de la loi.

 Inviter une personne sous mandat d’arrêt exige prudence et rigueur. Le rôle du journaliste, ce n’est pas d’offrir une tribune à un fugitif, mais de contribuer à la manifestation de la vérité. Il faut contextualiser les propos, rappeler le statut judiciaire de l’invité et éviter toute complaisance», a-t-il reconnu. Mais pour lui, la réaction des autorités est restée largement disproportionnée. «On pouvait reprocher à 7TV un manquement déontologique, mais pas justifier une intervention armée dans une rédaction. Cela nous ramène à des pratiques que l’on croyait révolues», a regretté Martin Faye.

«LA LIBERTE DE LA PRESSE ET LA RESPONSABILITE JOURNALISTIQUE NE SONT PAS DES VALEURS OPPOSEES»

Abordant les critiques également adressées à la TFM pour la diffusion d’une émission jugée partisane quelques jours plus tôt, le formateur appelle à une approche équitable dans la régulation. «On ne peut pas avoir deux poids deux mesures : tolérer certaines dérives parce qu’elles viennent de médias proches du pouvoir et punir d’autres parce qu’elles paraissent gênantes. Si l’on veut une presse responsable, il faut d’abord un encadrement juste et cohérent», a-t-il souligné.

En conclusion, Martin Faye en appelle à la retenue de toutes les parties. «La liberté de la presse et la responsabilité journalistique ne sont pas des valeurs opposées. Elles se complètent. Mais l’État, lui, ne doit jamais confondre régulation et répression. C’est à ce prix seulement que notre démocratie pourra grandir.»

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