En Afrique du Sud, ces dernières heures ont été marquées par la violence contre les ressortissants étrangers (Africains). Depuis dimanche 1er septembre, des centaines de magasins ont été vandalisés et on compte trois morts selon autorités à Johannesburg. Ce lundi, la journée de mobilisation de certains Sud-africains, qui veulent se débarrasser des étrangers, continue. Ce mouvement de contestation a été lancé par les chauffeurs routiers, qui arrêtent depuis plusieurs semaines les conducteurs étrangers et brûlent leurs cargaisons. Le mouvement s’était amplifié la semaine dernière dans le centre de la capitale Pretoria, avec le pillage de nombreux magasins tenus par des migrants.
C’est un mouvement national lancé par plusieurs corporations. Deux en particulier : les chauffeurs de poids lourds ainsi que les associations de taxis. Comme la semaine dernière à Pretoria, ce sont les chauffeurs de taxis de la ville de Johannesburg qui sont allés brûler des dizaines de magasins appartenant à des étrangers.
Ces violences ne sont pas récentes. Depuis un an, les conducteurs étrangers, Zimbabwéens, Congolais ou Zambiens sont persécutés sur les routes car accusés de voler le travail des locaux. 200 sont morts dans ces violences depuis un an.
Aujourd’hui, c’est donc l’heure d’en découdre, selon les conducteurs sud-africains, qui ont installé des barrages informels sur de nombreuses routes du pays. Mais en réalité le gros des violences se concentrent jusque-là dans au moins sept quartiers de Johannesburg depuis dimanche soir, où de simples citoyens viennent détruire piller et brûler.
Aucun magasin sud-africain n’a été vandalisé
Dans le sud de Johannesburg, dans le quartier de Turffontein, plus de 500 habitants s’en sont pris à une dizaine de magasins, pillant tout sur leur passage. Il est très clair que les établissements visés appartiennent à des étrangers, des Pakistanais, Somaliens ou Nigérians. Aucun magasin sud-africain n’a été vandalisé. C’est le cas du magasin de Sebastian qui lui, est sud-africain.
« Ils ont décidé de cibler les magasins des migrants, des Congolais et des Pakistanais. Ils n’ont pas touché aux Sud-Africains. C’est injuste car ces gens travaillent dur. Regardez, si vous jetez un œil, c’est vide maintenant », constate-t-il.
Sivuyile Nama est porte-parole de la communauté, responsable des pillages. Il explique l’action des criminels et le ras le bol de ses concitoyens. « L’Afrique du Sud accueille un nombre impressionnant de migrants. Peut-être même le plus de réfugiés dans le monde ! Donc qui est supposé s’occuper d’eux ? », interroge-t-il avant de pointer du doigt le gouvernement. « Les gens veulent du travail et le gouvernement ne nous donne aucune solution. Et on a besoin d’une sortie de crise très rapidement dans ce pays », ajoute-t-il.
Est-ce alors une nouvelle vague d’attaques xénophobes ? Du côté des autorités, on calme le jeu. Le ministre de la Police, Bheki Cele, préfère parler de criminalité.
« Pour moi, c’est de la simple criminalité. Les gens volent mais pour le moment, il n’y a rien qui me fasse dire qu’il y a un conflit entre Sud-Africains et les étrangers. On parle de criminalité, pas de xénophobie », dit-il.
Pourtant, le motif des manifestants était clair. Leur communiqué disait. « Trop c’est trop. Les étrangers dehors ! ».
Les étrangers, des boucs émissaires
La situation est extrêmement tendue dans le reste de la métropole. Les boutiques du centre-ville sont fermées pour la plupart. Les policiers sont accusés d’inaction par la société civile. En fait, ils sont complétement dépassés par ces rassemblements spontanés. Ils n’ont pas pu empêcher la mort de trois personnes la nuit dernière. Trois personnes brûlées dans leur magasin, juste après avoir vu des dizaines de Sud-Africains casser la vitrine et voler leurs produits.
Cette léthargie n’étonne pas Johan Burger, un spécialiste des questions policières, à l’Institut d’études de sécurité de Pretoria. « On affirme parfois que la police est sur place mais qu’elle reste les bras croisés. Dans le passé, la police a déjà répondu à cette accusation, expliquant qu’elle ne peut pas se permettre de prendre en chasse chacun des pilleurs parce que les policiers risqueraient d’être entraînés dans des quartiers difficiles où ils pourraient d’être agressés et même tués par des bandes criminelles. Je rappelle que peu de pays au monde sont plus dangereux pour un policier que l’Afrique du Sud. La police est sous pression, mais force est de constater qu’elle n’est pas à la hauteur. Les policiers ne sont pas assez nombreux et n’ont pas assez de moyens pour apporter une riposte, disons professionnelle, à ces incidents. Mais il faut garder à l’esprit que la violence xénophobe n’est qu’un des multiples visages de la violence en Afrique du Sud. »
Joint par RFI, Sheikh Amir, président d’une association de Somaliens d’Afrique du Sud, considère que les étrangers servent actuellement de boucs émissaires.
« J’ai vu des magasins incendiés et pillés. L’intimidation, les insultes et le harcèlement, nous, les migrants, nous avons l’habitude. Mais en ce moment, il s’agit de crimes. Des bandes circulent en minibus. Elles pillent des magasins et les incendient. On ne parle pas d’intimidation. Des policiers sont sur place, mais ils ne font pas grand-chose. Nous sommes même portés à croire que la police et les autorités sont les instigateurs de cette violence. Dès que l’économie commence à ralentir, les migrants servent toujours de boucs émissaires. Le sentiment anti-migrant qui est très fort, est propagé, depuis un mois, de la base au sommet de la classe politique », souligne-t-il.
Pour un premier bilan, ce lundi 2 septembre, on compte une cinquantaine de magasins vandalisés, plus de soixante arrestations et donc trois morts pour le moment. Un policier confiait à RFI que le bilan devrait rapidement monter compte tenu du chaos qui règne dans les rues de Johannesburg.