Le journal français Le Point titre « Fintech : comment l’Afriqu est en train de l’adopter ». L’Afrique a fini de l’adopter depuis longtemps, Tract est-il tenté de rétorquer au Point, et nous sommes plutôt en train d’adapter la Fintech, à tous nos usages divers et variés.
Des paiements mobiles, des crédits numériques et de la cryptomonnaie à la place des cartes en plastique et des agences bancaires. Voici le choix qu’ont fait déjà beaucoup de pays africains. Depuis une dizaine d’années, la finance digitale s’est fait une bonne place sur le continent. En quelques clics sur leur téléphone, urbains, ruraux, riches ou modestes peuvent payer leurs factures et faire des virements, qu’ils aient ou non un compte bancaire. Preuve de cet engouement : en 2018, l’Afrique subsaharienne était responsable de 45,6 % des activités d’argent mobile dans le monde, pour des transactions estimées à plus de 300 milliards de dollars. Grâce aux nouvelles technologies, certaines villes du continent rivalisent désormais avec les places financières des pays avancés.
C’est l’un des enseignements du « Global Fintech Index City Rankings 2020 ». Le rapport, publié début décembre, identifie à l’aide de plusieurs classements les hubs de la fintech, qu’ils soient installés ou en pleine croissance. Objectif : aider les entrepreneurs, les investisseurs et les sociétés à choisir une destination, en fonction de leurs besoins et de leurs attentes. Grâce à un algorithme spécifique, le classement a étudié les écosystèmes fintech de plus de 230 villes dans 65 pays. Des données transmises par différents partenaires, dont StartupBlink et le réseau Africa Fintech, ont aussi été consultées.
L’Afrique du Sud, le meilleur élève africain
Et les résultats sont surprenants. Car au côté des villes attendues, à l’image de San Francisco, Londres ou New York, se positionnent de nombreuses autres mégalopoles du monde. « L’apparition d’un nombre croissant de marchés émergents dans le haut du classement […] montre que les services financiers commencent enfin à se départir de leur image de domaine des hommes riches, blancs et occidentaux », peut-on lire dans le rapport. Aujourd’hui, les hubs de la fintech mondiale – dont l’émergence est favorisée par une classe moyenne croissante couplée à un nombre élevé de citoyens non bancarisés – se situent aussi bien à New Delhi et São Paulo qu’à Nairobi, Lagos, Le Cap et Johannesburg, les quatre villes africaines du top 100 du classement.
La capitale sud-africaine fait d’ailleurs partie des villes identifiées comme « pôle de croissance » par les analystes. Elle abrite notamment les sièges de Pineapple, Naked, ou Byte Money, des sociétés sud-africaines de la fintech à forte croissance. Une prospérité que ces jeunes entreprises doivent en partie aux mesures prises par les autorités du pays. La South Africa Reserve Bank a en effet mis en place le Financial Technology Program pour évaluer l’émergence du secteur et examiner ses conséquences sur la réglementation en cours. Un groupe de travail intergouvernemental dédié aux technologies financières a également vu le jour, et ont permis l’émergence d’un écosystème sud-africain de la fintech. En avance sur les autres pays du continent, l’Afrique du Sud est d’ailleurs le pays africain le mieux classé de l’Index, au 37e rang. Les analystes l’ont également rangé dans la catégorie des dix pays sur lesquels il faut désormais compter.
Le Kenya et le Nigeria, des hubs continentaux
Deuxième nation africaine du classement, le Kenya tire aussi son épingle du jeu, à la 42e place. Il est même le premier État du top 10 des candidats « à surveiller de près ». Dans ce pays où le mobile banking est roi, la fintech locale progresse rapidement, soutenue par les nombreux incubateurs et régulateurs qui ont vu le jour ces dernières années, à l’instar de Africa eXellerator Lab ou de Digital Lenders Association of Kenya. Sa capitale, Nairobi, concentre à elle seule « 20 % des technologies financières africaines ». Ses nombreux investisseurs locaux, l’augmentation régulière de bailleurs internationaux et l’intérêt croissant des sociétés mondiales de technologies font de la ville « le deuxième plus grand centre de technologies financières en Afrique », affirme le rapport. Une réglementation dédiée, supervisée en partie par la Banque centrale du Kenya, a là aussi été propice au développement rapide de la fintech.
Si ces trois pays et leurs capitales sont aujourd’hui les principales places de la fintech africaine, l’Afrique de l’Ouest n’est toutefois pas en reste. Le Nigeria se classe en effet dix places derrière le Kenya, au 52e rang. Dans le pays le plus peuplé d’Afrique, près de 40 % de la population n’est pas bancarisée, et environ deux tiers ont moins de 25 ans. Des facteurs qui font du pays « une des plus grandes opportunités de la fintech dans la région », estime l’Index. Des événements dédiés, comme le Nigeria Fintech Week, et une réglementation spécifique élaborée par la Banque centrale et la Nigeria Interbank Settlement System permettent aujourd’hui aux entrepreneurs du secteur de se lancer, aux côtés de Jumia, Snap Credit ou Paga. Lagos, où la plupart de ces sociétés sont basées, fait d’ailleurs partie des hubs « à surveiller de près » par le rapport, aux côtés de Dubaï, Istanbul ou Copenhague.
Le voisin ghanéen, l’Égypte et l’Ouganda complètent la liste des pays africains du Top 100 de l’Index. Ici aussi, le potentiel de croissance de la fintech est énorme. Dans ces régions où le chômage des jeunes est considérable, le secteur pourrait devenir, à terme, une piste sérieuse en matière d’emploi. Car d’ici à 2022, 60 % du PIB mondial sera issu des secteurs du numérique. Une manière, pour l’Afrique et sa population, d’entrer pleinement dans la quatrième révolution industrielle.