Le 21 avril 2004, alors président, Abdoulaye Wade nomme Macky Sall comme Premier ministre, qui évince ainsi Idrissa Seck, l’enfant terrible du pôle libéral. C’est Karim Wade qui aura manœuvré ferme pour que son président de père nomme Macky Sall à la Primature.
« Sacré pays que le Sénégal qui ne fait rien comme les autres », écrivait le journaliste Demba Ndiaye. Dans quel autre pays un chef d’État annonce-t-il un remaniement trois mois à l’avance ? Tout ce jeu de massacre pour concocter un gouvernement pléthorique de 39 membres pour un pays de dix millions d’habitants.La propagande distillée à grands coups médiatiques des semaines durant pour justifier le remaniement à venir, annonçait la mise en place d’un «gouvernement qui travaille» pour absorber les quelques 800 milliards de francs CFA financés notamment par la Banque mondiale et que le Sénégal n’a pas été capable d’absorber du fait de querelles au sommet de l’État et au parti dominant, le Parti démocratique sénégalais (PDS), dont le président Abdoulaye Wade est le secrétaire général.
Le second objectif était d’instaurer la «bonne gouvernance».La réalité est que le président Wade a une obsession: un second mandat en 2007 «pour achever son œuvre». Pour cela, il lui fallait éliminer les principaux obstacles internes à son parti, son désormais ex-Premier ministre, Idrissa Seck , numéro deux du parti, qui avait commis la faute impardonnable de faire de l’ombre au parrain.Quand l’opposition, sentant le piège décline l’offre de Me Wade d’entrer dans son sixième gouvernement, seul Djibo Ka accepte «la main tendue». Malgré cette maigre pêche aux souteneurs, Me Wade se frotte les mains alors que celui qui se prend pour son fils putatif, Idrissa Seck, sent la terre se dérober sous lui: Djibo est un missile dirigé non seulement contre ses anciens alliés d’hier de l’opposition, mais aussi contre lui. Il dit, selon la presse qui cite des sources qui lui sont proches, refuser de diriger un gouvernement dans lequel siègerait celui-ci.
Cette même presse annonçait que le président Wade voulait renvoyer à leurs études les ministres proches de Seck comme celui de l’Environnement, par ailleurs responsable des jeunes du PDS, Modou Diagne Fada, manipulé par l’ex-Premier ministre, dit-on. Un autre, Aliou Sow, ministre, de la Jeunesse, avait annoncé que si son ami Modou Diagne Fada n’était pas dans le prochain gouvernement, lui aussi refuserait d’y siéger. Pendant ce temps, on a actionné les partisans des régions d’origine qui menacent de mettre le pays à feu et à sang si «leurs ministres» et Premier ministre étaient limogés.En grand stratège, Me Wade reçoit le même jour son encore chef du gouvernement. A sa sortie d’audience, celui-ci annonce avoir eu «de longues discussions» avec le chef de l’État, que celui-ci a compris sa démarche, a accepté sa démission, mais lui a dit qu’il n’est pas exclu qu’il revienne dans le prochain gouvernement.
Mercredi 21 avril 2004, les choses s’accélèrent: Idrissa Seck explique devant la presse son limogeage de commun accord, pour «mettre fin au dualisme» au sommet de l’État. Dans la même foulée, Wade nomme à la tête du gouvernement le ministre de l’Intérieur, Macky Sall.
Idrissa Seck KO debout
Cette victoire de Me Wade sur son «dauphin» supposé, Idrissa Seck, lui permettra de respirer pour un temps et préparer ainsi la réalisation de son rêve: rempiler en 2007, ou par anticipation. En effet, Macky Sall, le nouveau Premier ministre, alors âgé de quarante-trois ans (né en 1961), ancien ministre de l’Énergie et de l’Intérieur sous le deuxième gouvernement de Idrissa Seck, était le chef de gouvernement rêvé pour le président Wade: effacé et sans ambition (apparente) immédiate de succéder au chef. De formation scientifique, (géologue, mines), il se définissait comme «pratique» qui permettra la «lisibilité» des actions du chef de l’Etat, il etait en 2004, tout, sauf un danger pour le fauteuil de Wade, ce qui n’était pas la cas d’Idrissa Seck qui ne le cachait pas.Pour bien montrer qu’il s’agissait bien de nettoyage, le président Wade ramènera en selle tous les adversaires de Seck que celui ci avait écarté du gouvernement. A la présidence où ils étaient, soit ministres d’État (Aminata Tall), soit conseillers (Lamine Ba, Farba Senghor, Cheikh Sadibou Fall, etc), on les appelait les «ministres du gouvernement du président» par opposition à celui légal que dirigeait Seck.
Bien sûr, on maintient quelques pions de celui-ci dans le gouvernement, (les deux frondeurs justement) histoire de dire aux partisans de celui ci, voyez, j’ai pardonné. Sur les 39 membres du gouvernements, seuls sept n’appartiennent pas au PDS.Un gouvernement donc très politique, à forte dominante libérale, dont l’objectif était de préparer les conditions de réélection du président Wade en 2007. Un objectif qui passait par la fragilisation de l’opposition dont Me Wade estimait qu’elle «ternit l’image du pays à l’étranger». ce sera entre autres tâches celles de Djibo Ka et de la nouvelle garde rapprochée de fidèles dont vient de s’entourer Wade. Car, parmi les crimes reprochés à Idrissa Seck par le président Wade, c’est de ne pas le «défendre contre les attaques de l’opposition et de la presse».Si rien n’a été épargné à Idrissa Seck pendant plus d’un an, ce qui apparaîssait en avril 2004 comme une victoire du maître sur l’élève, ne sera qu’un cessez-le-feu provisoire. Car Idrissa Seck était allé trop loin dans ses ambitions présidentielles pour se laisser mourir aux premières salves. Il se présentera contre Abdoulaye Wade en 2007.
Mais c’est Macky Sall qui raflera la mise en 2012, tuant le père (Wade), battant le fils spirituel ( Idy) et emprisonnant après son élection le fils biologique ( Karim Wade). Macky Sall remettra ça à la présidentielle de 2019, se faisant réélire avec 58%. Depuis lors, la Primature n’existe plus au Sénégal. Et on ne sait pas de quoi 2024 sera fait : Macky Sall, candidat à un troisième mandat dans 4 ans? Ouate et scies…
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