Aide alimentaire : Zappée, qu’a fait la classe moyenne à Macky Sall, pour mériter ça ?

Ce serait surprenant de voir une si belle initiative passer comme lettre à la poste sans que le citoyen teigneux, se croyant avoir des droits sur tout, ne daigne ouvrir sa bouche. C’est carrément une coutume socio-culturelle ancrée désormais dans les mœurs. Faudra s’y faire au risque, sinon, de passer pour l’ennemi public N°1. Les sacs de riz de Macky n’y échapperont pas. Les plus éprouvés par la conjoncture ont exigé leur part, pendant que les souffreteux de la classe moyenne qui n’ont pas l’habitude de donner de la voix, se voient tout bonnement mis sur la touche.

 

L’une des identités certaines du peuple sénégalais est ce goût au riz et le penchant de verser très vite dans la polémique. D’habitude, ce sont les casseroles qui font du bruit, mais en ce temps de coronacrise euh, pardon de coronavirus, les sacs de riz en font de terriblement tonitruants. Surtout, avec des médias comme caisses de résonnance. À s’y méprendre, on se croirait dans un Far West médiatique où les frustrés du riz, les transporteurs amoureux de thunes et les politiciens sans morale vivent un feuilleton de passes d’armes en oubliant le nécessiteux, l’unique destinataire, qui n’a l’œil rivé que sur ces centaines de camions mobilisés pour lui apporter les grains salvateurs. Mais que voulez-vous ? Il faut bien que ça râle, sinon ce ne serait pas sénégalais.
Ce n’est pas visiblement la mode Canard enchaîné, mais plutôt Cafard libéré, à suivre les rebondissements de chaque épisode, avec des adeptes du comptage des points tapis dans l’ombre. Et le ministre, le pauvre, attaqué de toutes parts, tente tant bien que mal de défendre son honneur et celui de son gendre de président. Lui aussi n’est pas épargné. Il y a juste qu’on a oublié lamentablement que c’est lui pourtant qui prend les décisions. Sinon, à quoi bon l’élire président. Une prérogative que l’ignare qui gueule au lieu traditionnel du grand-place ignore jusqu’à la taille de son « caya » (pantalon bouffant), se goinfrant de ragots assaisonnés d’anecdotes pas gentilles sur les riches ou les décideurs « politikcins » qui n’ont que faire de ce type de Sénégalais aimés des journalistes et qui donne du bouillon succulent à « wakh sa xalat » ou à « laju bës bi ». Et croyez-moi, dans cette parenthèse riz-huile, ce dernier leur donne des cheveux blancs avant l’heure. Le transporteur, le self made Man version saloum-saloum ou baol-baol, lui, connait parfaitement les canaux de communication par lesquels il faut passer pour défendre ses intérêts et ceux de son club : il invoquera ses croyances et sa proximité avec le petit peuple. Cocasse et triste ! Les délégués de quartier, non plus, ne passent pas entre les mailles du filet ; on leur reproche de faire du favoritisme et du copinage sans pourtant que ne leur parviennent les sacs tant convoités. Jugés avant l’heure, ils souffrent le martyre. Et comme le coronavirus est devenu, ironiquement, la maladie la plus démocratique que nous n’ayons jamais connue, il va sans dire qu’il va infliger les mêmes souffrances à tous.
Et au moment où l’on rue dans les brancards pour notre cebu jën, le coronavirus continue à nous pomper nos espoirs pour nous fourguer de la peur et du stress. Le cas communautaire devient une vraie torture pour les blouses blanches. Mais aussi pour les goorgorlus de la classe moyenne – en passe d’être les nouveaux pauvres – laissés sur les bas-côtés dans cette messe de la distribution. Pourtant, on a juste oublié que lui aussi à du mal parfois à recharger sa bonbonne de gaz ou de s’acheter quelques litres de carburant pour sa caisse qui menace de rendre l’âme. Son compte bancaire ayant subi maintes cures d’amaigrissement pour cause de gel de beaucoup d’activités à cause de la pandémie. Le problème, c’est qu’ils n’ont pas été verbeux comme les autres, qui y arrivent sur fond de chantage et de menacés voilées. L’Assoc des consommateurs n’a pas aidé non plus, embrigadée qu’elle est dans la grande clameur de ceux qui jouent les morts-vivants.
Parfois, la bouffée d’air vient de Madame, chez la classe moyenne. Seulement, en perspective d’une fin du couvre-feu qui a vu de nombreux événements décalés – mariages, baptêmes -, elle ne veut pas trop forcer sur son portefeuille ; histoire de garder de quoi sauver les meubles face à ses « nawlés » (pairs), quand la circonstance ne manquera pas de se présenter.Sacré Sénégal ! Un pays vraiment spécial !

*Inspiré d’une caricature de l’hebdomadaire satirique Le Cafard libéré, milieu des années 90
** ‘‘ma qué ?’’ : expression italienne signifiant « mais c’est quoi ? ».

Bassirou NIANG

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