En l’espace de deux mois, en mars pour Amon Tanoh alors ministre des Affaires étrangères et en mai pour Mabri Toikeusse, jusque là ministre de l’Enseignement Supérieur, les membres du gouvernement ivoirien hostiles au choix du président Ouattara de faire de son Premier ministre Amadou Gon Coulibaly son dauphin pour la prochaine présidentielle du 31 octobre 2020, ont été poussés à prendre la porte de l’attelage gouvernemental.
L’événement politique de la semaine en Côte d’Ivoire est le limogeage du ministre de l’Enseignement supérieur Albert Toikeusse Mabri. Le président de l’UDPCI et 2e vice-président du RHDP avait publiquement émis des réserves lors de la désignation d’Amadou Gon Coulibaly comme candidat du parti au pouvoir le 12 mars dernier. Il était depuis sur un siège éjectable.
Plusieurs semaines de discussions et deux réunions en présence d’Alassane Ouattara n’auront pas permis de faire rentrer dans le rang le réfractaire ministre de l’Enseignement supérieur. Albert Toikeusse Mabri à qui l’on prête des velléités de candidature à la présidentielle a refusé d’apporter un soutien clair à celle du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly. Refus également de dissoudre son parti, l’UDPCI, dans le RHDP.
En faisant entrer au gouvernement Albert Flindé, le rival de Mabri au sein de l’UDPCI, Alassane Ouattara applique sa tactique favorite : isoler un adversaire en menaçant son parti de scission. L’UDPCI est en pleine crise de leadership. Mabri s’est d’ailleurs proclamé la semaine dernière porte-parole « exclusif » du parti pour « préserver la cohésion interne ». Ouattara fait également le pari que Mabri ne mobilise plus autant dans sa région de l’Ouest montagneux et que ses électeurs pourraient suivre les ministres UDPCI Flindé et Tchagba.
« L’enjeu c’est aussi de lui couper les vivres. Il sera difficile à Mabri de contrer son rival Flindé qui lui aura des moyens », commente le politologue Sylvain N’Guessan. De plus, en vertu du nouveau Code électoral, s’il souhaite être candidat à la présidentielle, Mabri devra réunir les parrainages de 1% des électeurs inscrits dans 50% des régions. « Ca aussi ça demande des moyens. C’est quasiment une campagne en soi », ajoute Sylvain N’Guessan.
Quoi qu’il en soit, depuis son départ du gouvernement, Albert Toikeusse Mabri qui est toujours 2e vice-président du RHDP, se fait discret, se gardant d’apparaître comme un adversaire déclaré d’Alassane Ouattara. En 2010, le candidat Mabri n’avait récolté que 2,6% des voix à la présidentielle.
Quant au ministre ivoirien des Affaires étrangères Marcel Amon Tanoh, probable candidat à la présidentielle d’octobre, il a démissionné en mars et l’a annoncé sur ses comptes Facebook et Twitter, une semaine après la désignation du chef du gouvernement comme candidat du parti au pouvoir.
« En tant qu’homme public ayant assumé de nombreuses responsabilités au service de mon pays, je me dois de m’adresser à vous directement, pour vous informer de ma démission du gouvernement », écrivait-il.
Cette démission était dans l’air depuis plusieurs jours et la désignation le 12 mars par le parti du président Alassane Ouattara du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly comme candidat à la présidentielle du 31 octobre. M. Ouattara avait annoncé le 5 mars qu’il ne briguerait pas de troisième mandat.
Marcel Amon Tanoh, qui s’opposait à la candidature du Premier ministre, a laissé entendre à plusieurs reprises qu’il pourrait être candidat et a d’ailleurs déjà formé une équipe de campagne. Il ne s’est toutefois pas encore officiellement déclaré candidat.
« Seuls la grandeur de la Côte d’Ivoire, la justice, la démocratie et le bonheur des Ivoiriens ont constamment motivé mon engagement politique. Comme je l’ai toujours fait, je continuerai à mener ce combat avec vous », conclut-il sur les réseaux sociaux.
Agé de 68 ans, Marcel Amon Tanoh est un proche du président Ouattara dont il a longtemps été le directeur de cabinet avant de devenir ministre des Affaires étrangères en 2016. Il n’a toutefois pas réussi à le convaincre de ne pas choisir M. Gon Coulibaly comme successeur.
Le climat politique est tendu en Côte d’Ivoire avant la présidentielle d’octobre. Elle se tiendra dix ans après la crise post-électorale de 2010-2011, née du refus du président Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite face à Alassane Ouattara, qui avait fait 3.000 morts.
Pour le moment, l’ancien Premier ministre Guillaume Soro, 47 ans, ex-chef de la rébellion pro-Ouattara, mais devenu un de ses adversaires, est le seul au sein de l’opposition à s’être déclaré candidat.
L’ancien président Henri Konan Bédié, 86 ans, entretient le mystère mais a déjà évoqué plusieurs fois en public sa candidature.
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