L’adieu à une figure aimée des cœurs est naturellement toujours douloureux. Celui vécu lors des funérailles de Mory Kanté l’est tout autant. Mais ceux qui étaient venus y assister le cœur en peine ont bien admis qu’il fallait bien un cachet sonore pour donner à la cérémonie l’élan solennel à la hauteur de l’homme. On s’en doute, des pleurs, gémissements, sous le coup de l’émotion, en seront les échos les plus touchants.
Des griots mandingues ont chanté les louanges de Mory Kanté au son de la kora et du balafon, mardi 26 mai, aux funérailles de l’artiste guinéen qui aura popularisé leur musique et leurs instruments traditionnels à travers le monde en les adaptant aux sonorités de son époque.
En l’absence de tous ceux, célèbres ou anonymes, avec lesquels il s’était lié à travers le monde et que la pandémie du Covid-19 a empêché de déplacement, c’est aux seuls griots qu’il est revenu de rendre hommage à l’auteur du tube planétaire Yéké Yéké.
« Un don de Dieu », « Un soldat et artiste multidimensionnel » : les poètes musiciens chroniqueurs dont Mory Kanté était lui-même le descendant, et qui avaient joué avec lui autrefois, ont rivalisé de virtuosité et d’éloquence à la levée de corps à l’hôpital sino-guinéen de la capitale guinéenne, ont constaté les correspondants de l’AFP.
Grande effusion de pleurs
Grande figure de la world music, le « griot électrique » s’est éteint vendredi 22 mai sur la route de l’hôpital à l’âge de 70 ans. Il souffrait de maladies chroniques et la pandémie de Covid-19 ne lui avait pas permis d’aller se faire soigner en France comme il l’avait fait à plusieurs reprises par le passé. Alors que son état s’était brusquement dégradé jeudi, il avait refusé jusqu’au dernier moment d’être conduit à l’hôpital par crainte d’y être contaminé, a rapporté l’un de ses fils, Kader Yomba.
Des femmes sont tombées à terre dans une grande effusion de pleurs quand le cercueil drapé dans le drapeau national rouge, jaune et vert a été disposé sous la tente cérémonielle dans l’enceinte de l’hôpital. Quelque 200 personnes, des proches, des amis et artistes, quelques officiels, ont assisté à la cérémonie.
Une grande partie de la famille, à l’exception de quelques-uns des quatorze enfants que Mory Kanté a eus de différentes femmes, manquait à l’appel à cause du Covid-19. « Ils sont tous bloqués à Paris, en Côte d’Ivoire, au Mali, et même aux Etats-Unis à cause de la pandémie, ils n’ont pas pu venir. C’est triste et dommage qu’ils n’aient pas pu voir le corps de notre papa », a dit aux journalistes Kader Yomba, l’un des deux fils présents.
Auprès de sa mère
La Guinée, l’un des pays les plus touchés par la pandémie en Afrique, a fermé ses frontières. Le ministre de la culture Sanoussi Bantama Sow a pris l’engagement qu’un hommage plus digne de la personnalité du disparu lui serait rendu après l’épidémie.
Puis le cortège, suivi par des centaines de Guinéens qui attendaient devant l’hôpital, s’est ébranlé en direction du cimetière de Kipé, tout proche. Mory Kanté, enveloppé dans un linceul selon la tradition musulmane, devait reposer auprès de sa mère.
Mory Kanté a contribué à faire connaître la musique africaine et guinéenne à des audiences nouvelles à travers le monde en électrifiant la tradition à l’aide de synthétiseurs et de boîtes à rythmes, en la métissant de tonalités antillaises ou anglo-saxonnes, de funk et de techno, tout en préservant la sonorité des vingt et une cordes de la kora, son instrument.
Yéké Yéké, l’un des plus grands tubes de l’histoire de la musique africaine sorti en 1987, s’est vendu à des millions d’exemplaires. Pour la première fois, un artiste africain atteignait la première place du hit-parade paneuropéen établi par l’hebdomadaire professionnel Billboard.
Tract.sn (avec média)