C’est une prise de position qui fait écho à des dizaines d’autres ces dernières semaines : le groupe L’Oréal a annoncé samedi après-midi qu’il allait retirer certains mots de ses emballages de produits cosmétiques, comme « blanc/blanchissant » (« white/whitening ») ou « clair (fair/fairness, light/lightening) ». Depuis que la mort de George Floyd a redonné de la vigueur au mouvement antiraciste à travers le monde, sur fond de crise de coronavirus, les marques ont décidé de modifier leur stratégie marketing pour ne plus heurter le public.
Illustrations retirées, produits renommés…
« Ce coup de pinceau lumineux mis sur le sujet du racisme a effectivement encouragé les marques à nettoyer leurs produits ou leur étiquetage, de façon à faire un pas supplémentaire pour ne pas pouvoir être taxées de racisme », analyse Yves Marin, associé dans le cabinet de conseil Bartle, spécialisé dans la consommation.
Cette décision de L’Oréal intervient après celle de la filiale indienne d’Unilever, qui a choisi de rebaptiser sa crème éclaircissante « Fair & Lovely ». L’entreprise anglo-néerlandaise a promis de ne plus recourir au mot « Fair » (clair), se disant « engagée à célébrer tous les tons de peau ». Géant américain, Johnson and Johnson a décidé d’aller plus loin, en interdisant cette semaine la vente de substances éclaircissantes conçues pour l’Asie et le Moyen-Orient.
Quaker Oats (PepsiCo) a promis de retirer d’ici la fin de l’année sa Tante Jemima, une femme noire qui ornait depuis 130 ans son sirop d’érable et ses préparations pour pancakes. Même l’éditeur des cartes à jouer Magic, référence des amateurs de jeu de rôle, a annoncé avoir retiré plusieurs images contenant des représentations ou allusions racistes
« Tous les détails comptent »
En Australie, les sucreries « Red Skins » (peaux rouges) et « Chicos », fabriquées depuis des décennies par le confiseur national Allen’s, seront bientôt débaptisées, en raison des « connotations » de leurs noms, a promis Nestlé. D’autres vont dans le même sens, bien qu’étant moins avancés. Comme Mars, qui dit « réfléchir » à faire évoluer son célèbre Oncle Ben’s. Ou Colgate-Palmolive qui veut « réexaminer » ses dentifrices Darlie vendus en Asie, dont le nom signifie « dentifrice pour personne noire » en chinois. La marque s’appelait jusqu’en 1989 Darkie, une injure raciale.
Comment expliquer cette vague massive de corrections, d’ajustements, de noms modifiés ? « Tous les détails comptent », répond Yves Marin, qui observe un « regain de prudence » des entreprises : « Pour une sensibilité à fleur de peau concernant les sujets d’ostracisme et de racisme en général, le plus petit détail peut vous emmener vers des conséquences en termes de communication qui sont insoupçonnées au moment de son origine. »
Pression des consommateurs
Embrassant le slogan « Black Lives Matter », certaines entreprises font même des dons, toujours surveillées de près par l’opinion. Apple a lancé une initiative pour « l’équité raciale et la justice » de 100 millions de dollars, pour l’éducation, les associations et entreprises détenues par des personnes noires. PepsiCo a annoncé un plan de 400 millions de dollars sur 5 ans « pour soutenir les communautés noires et augmenter leur représentation » au sein du groupe.
Pour Yves Marin, cela s’explique également par la pression accrue des consommateurs sur ces marques : « On voit bien que les gens attendent aussi du lien, et une mission autre de la part des entreprises de la grande consommation que simplement d’être dans la transaction, de leur vendre des produits. »
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