Afrosphère : ‘Dans la famille Diamanka, choisissez Daado’

PORTRAIT – Tract a plaisir à évoquer les parcours riches, car toujours uniques et divers, d’Afropéen(ne)s d’ethnie sénégalaise qui tracent leur sillon. Partis très jeunes du pays, dans les bagages de leurs parents qui ont choisi ou se sont résolu à l’émigration. Ou nés dans ces ailleurs aux quatre saisons après l’installation de leur parents là-bas. L’émigration africaine, ce ne sont pas toujours les drames en Méditerranée et les camps d’esclaves en Libye que l’on nous montre aujourd’hui. Au début et encore aujourd’hui, il y a de belles sagas familiales et des success-stories qui gagnent à être connues.

A l’honneur dans Tract, une des sœurs de la fratrie Diamanka, dont le frère le plus connu est le slameur-acteur Souleymane (‘l’Hiver Peulh’). Dans le jeu de cartes Diamanka, il y a aussi la benjamine Egué, 35 ans. Revenue dans leur Bordeaux natal après un passage à Paris de 2005 à 2008, Egué évolue comme consultante en communication dans le secteur artistique et culturel depuis 10 ans, avec notamment un poste de responsable communication du festival Musiques Métisses d’Angoulême. Et entre Souleymane et Egué, il y a Daado Diamanka.

Depuis 10 ans, Daado n’a pas mis les pieds au Sénégal. Pourtant, entre l’âge de 6 ans à 28 ans, elle y a régulièrement séjourné, à l’occasion des vacances d’été. ‘Ces voyages étaient toujours très enrichissant pour moi.’’ On espère que cet article l’incitera à le refaire très vite ?

‘ Oui, je regrette cette longue absence. Mais les années passent tellement vite quand on fait beaucoup de choses. J’aimerai y retourner en cette année 2018 pour y redécouvrir l’artisanat et rencontrer des architectes et designers afin de me faire une idée du marché local’. Plein Sud en alliant donc plaisir, retour aux sources et opportunités d’affaires ? Entre Nord (la Belgique) et Nord (Paris), cette fille du grand Nord sénégalais (le Fouta) ne perd pas le nord.

Depuis Paris, désormais sa ville de cœur, où elle vit et travaille, Daado garde un œil énamouré sur le Sénégal : ‘‘ A distance, je vois bien que le Sénégal est en train de muter et de devenir ‘the place to be’. Daado est beaucoup de choses, sauf une ‘wanna be’.

Svelte et les traits fins, la jeune femme aux yeux en amande semble drapée dans une éternelle jeunesse . Daado a pourtant 20 ans depuis 20 ans. Née à Bordeaux en 1978, de parents Peuls du Sénégal, elle se présente comme une ‘enfant de la pure tradition peuhle’. Car élevée dans le respect des valeurs de la Pulaagu : c’est- à-dire qu’on lui a appris à la maison ‘à faire preuve d’empathie et de tolérance, à ne jamais faire de vagues, à être pudique. Tout en étant toujours fière de soi’. Bel oxymore. Un héritage de l’émigration, déracinement-intégration au cours duquel ses parents ont du se battre pour élever leurs enfants et ces derniers s’efforcer d’être à la hauteur des espoirs parentaux placés en eux ? La Parisienne estime que son moteur est de toujours se dépasser et de ne jamais me contenter de ce qu’elle avait déjà. Le leitmotiv paternel l’a accompagné toutes ces années ; « Si tu veux avoir plus, tu peux avoir plus. Mais tu dois toujours faire en sorte d’être meilleure chaque jour. Même si cela te semble difficile à réaliser’.

Qui est-elle vraiment aujourd’hui ? ‘Au fond je ne sais même pas si je suis plus Peulhe, Sénégalaise, Bordelaise ou Parisienne.’ répond-elle’ Ce mix de cultures et de traditions font de moi la femme que je suis aujourd’hui. C’est une richesse.’

A la ville, cette passionnée de décoration et architecture d’intérieur évolue dans ce milieu professionnel depuis maintenant plus de 10 ans. Alors qu’elle s’ennuyait dans son travail d’administration des ventes, elle décide de faire bilan de compétences. S’ensuit une reprise d’études il y a deux ans, cursus au bout duquel elle devient officiellement Décoratrice d’intérieur, diplôme à la clé. Elle mène quelques ‘beaux projets’ de rénovation et décoration sur Paris, Bordeaux et Toulouse, dont elle est fière.

Un beau jour, sans qu’elle ait postulé à un emploi, son téléphone sonne : on lui propose de rencontrer Carlo Busschop, CEO d’une marque connue de mobilier contemporain dont le siège est en Belgique. La semaine d’après, elle est invitée Outre-Quiévrain. Et recrutée dans la foulée. En charge, depuis lors, du développement de la marque en France auprès des prescripteurs (architectes / spaces planner) et distributeurs de mobilier, Daado est heureuse de mettre ainsi sa palette de compétences en action.

Elle reste très famille et on ne doute pas un instant que l’homme de sa vie demeure son père dont elle est très proche, qui lui répétait le mantra qu’elle garde dans un coin de sa tête: ‘ ko yiteré houli, joungo susi ‘. En V.O peuhle : ‘c’est l’œil qui a peur et la main qui ose’ . C’est ce qu’elle s’attelle aujourd’hui à transmettre à sa fille Alicia Jeneba, charmante métisse âgée de 5 ans.

Par Damel Mor Macoumba Seck

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