Depuis l’éclatement de ce qui est convenu d’appeler « l’affaire de Ndingler », la SEDIMA semble peiner à tenir le gouvernail de sa communication. Tout spécialiste de la communication serait tenté de se poser cette question : la SEDIMA dispose-t-elle d’un service de communication ? Une question bien légitime et sous-tendue par le cafouillage noté dans la tentative de gérer cette communication de crise.
Au sens strict du terme, la communication de crise est l’ensemble des dispositifs, techniques et actions de communication pour lutter contre les effets d’un évènement (accident, pollution, licenciement…) pouvant avoir des effets négatifs sur l’image de l’entreprise/organisation ou ses produits.
Au début de la crise, la société s’est emmurée dans un silence de cimetière en refusant toute action de communication. Ce qui est considéré comme la stratégie du refus ou négation de la crise. « Il s’agit alors d’une posture que l’entreprise doit être capable de tenir », selon Didier Heiderich, consultant, créateur du site Communication-sensible.com et président de l’Observatoire international des crises.
En choisissant la stratégie du refus, quatre possibilités s’offrent à l’entreprise :
1-garder le silence dès le début de la crise ;
2-cesser de parler à partir d’un moment précis et donc ne plus alimenter la crise, à condition de commencer d’en parler ;
3-avancer le principe du chaînon manquant ;
4-minimiser les effets de la crise, à condition d’être le seul interlocuteur.
Dans cette crise, la SEDIMA qui n’est pas la seule interlocutrice, car en face, se trouvent les paysans, a pourtant choisi la première possibilité (1). Mais ne pouvant plus faire face à l’alimentation de la crise par les réseaux sociaux, elle a tenté d’apporter une première réplique par un post de sa Directrice Générale, supprimé 45mn après sa publication : un premier cafouillage qui laisse à penser que cette société ne s’est jamais préparée une telle situation de crise. Hors, parmi les rôles clés de la communication de crise, il y a celui d’anticipation qui offre à l’organisation, des outils permettant d’analyser et gérer les risques liés aux différentes parties prenantes identifiées.
Ce travail de prévention est essentiel et permet si, un accident se produit, d’avoir une meilleure compréhension mutuelle avec les parties prenantes et d’éviter qu’un incident ou un dysfonctionnement ne se transforme en crise.
Vu les enjeux liés au foncier et toute la clameur qu’il suscite depuis quelques années, les responsables de la société devraient se préparer à une telle situation en assimilant un plan de communication de crise.
En observant l’évolution de la situation, on ne peut noter que l’impréparation à gérer cette situation de crise sur le plan de communication. Sinon comment comprendre dans un premier temps, un mutisme total de la société, puis une sortie de sa DG qui a été un ratage, ensuite des sorties répétitives du Directeur adjoint aux abattoirs ?
Ces sorties ont été donc faites par un responsable de la société, en lieu et place de celui ou celle en charge de la communication. Ce qui a vraiment attiré mon attention, car je me suis demandé où sont les responsables de la communication de cette société ? La première sortie de ce responsable a été loin de convaincre, car il n’était pas si convainquant pour convaincre, hors en techniques d’argumentation, il faut d’abord être convaincu pour convaincre.
En communication de crise, il y a trois stratégies de gestion de la crise :
-la reconnaissance (consiste à accepter la crise et ce, le plus rapidement possible);
-le projet latéral (cherche à modifier l’angle de vue de la crise. « Mais elle doit pouvoir être fondée sur la réalité et des faits concrets pour réussir à déplacer le lieu de débat » ;
-le refus (consiste à affirmer qu’il n’y a pas de crise. « Il s’agit alors d’une posture que l’entreprise doit être capable de tenir ».
Parmi ces stratégies et leurs options, les responsables de la SEDIMA pourraient-ils nous dire avec clarté celle qu’ils ont choisie ? Cependant, l’analyse de leur communication permet de découvrir qu’après le refus, ils tentent de s’en sortir en s’appuyant sur le projet latéral. Depuis quelques jours, ils essaient de faire modifier l’angle de vue de la crise.
En communication, si vous ne communiquez pas, on communique à votre place. A la suite de l’appel au boycott des produits de la société lancé sur les réseaux sociaux, ses responsables ne pouvaient pas ne pas communiquer, parce que l’image de marque de l’entreprise commence à être affectée.
Aujourd’hui, le combat de la société se trouve à deux niveaux : auprès de l’opinion et de la population de Ndingler. Une grande partie de l’opinion ne voit qu’une puissante société qui veut priver de pauvres paysans de leurs terres même si, sur le plan du droit, elle détient un titre foncier. C’est cette image que la société doit changer par des actions de communication.
Mais un ancien inspecteur du travail m’a une fois : « même si on est dans ses droits, on doit souvent humaniser le droit, en faisant des concessions »
La meilleure stratégie de gestion de cette crise, c’est celle de la reconnaissance basée sur des décisions fortes de concession. Il s’agit de restituer les terres de Ndingler qui sont la source de la crise, accompagner ses paysans, comme cela a été annoncé sur les réseaux sociaux, en plus engager certains fils de ce village comme travailleurs de la SEDIMA, avec un emploi correspondant au profil de chacun.
Une fois cette décision prise, les responsables de la communication de l’entreprise doivent préparer une déclaration qui doit être faite par le patron de la SEDIMA, M. Babacar NGOM, lors d’une conférence de presse. Cette conférence doit réunir, en plus des responsables de la communication, ceux de l’entreprise, les habitants de Ndingler et les autorités administratives qui avaient fait la délibération.
Cette décision va permettre d’atteindre un des objectifs de la communication de crise, qui est de trouver une sortie favorable à la crise. Par la suite, l’objectif majeur de la communication de crise sera aussi atteint : c’est de préserver la crédibilité de l’entreprise ; sauver donc son image de marque. Une image de M. Babacar NGOM entouré des paysans de Ndingler qui retrouvent leurs terres, va marquer à jamais les esprits et redorer son blason.
Il faut noter qu’un technicien n’est pas un communicant ! Le technicien a la bonne information, mais pour mettre cette information en former et la livrer au public, c’est l’affaire du communicant.
Sidy SARR, Journaliste-Professeur de Journalisme et Communication