Le décès du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly est une grosse perte pour la Côte d’Ivoire. Elle l’est aussi davantage pour le Rassemblement des houphouëtistes pour la paix et le développement (RHDP) qui se retrouve désormais sans candidat pour la présidentielle 2020. Et aussi une cause de risque de menaces de troubles civils (post)électoraux en Cote d’Ivoire.
Après le nécessaire délai de décence de quelques semaines pour faire le deuil de Gon Coulibaly, auquel le président Ouattara a rendu un hommage appuyé (« mon frère, mon fils, mon plus proche collaborateur depuis 30 ans, un modèle pour la jeunesse »), comment sera géré l’immense souci de choisir la personnalité qui sera le nouveau candidat du RHDP à trois mois du premier tour des élections présidentielles de 2020, prévu le 31 octobre. La date limite de dépôt des dossiers de candidature à la présidentielle est ce 1er septembre.
Un choix tentant pour le RHDP est Hamed Bakayoko, ministre de la Défense. L’ancien journaliste proche des stars du coupé décalé est la deuxième personnalité du gouvernement après Amadou Gon Coulibaly qui vient de décéder. Bakayoko, ministre d’Etat, ministre de la Défense avait été désigné par Alassane Ouattara comme Premier ministre intérimaire, pendant les deux mois où Gon Coulibaly a séjourné à Paris pour problèmes cardiaques. Toutefois, Bakayoko a-t-il l’étoffe pour diriger la Côte d’Ivoire et d’abord en convaincre les électeurs ? Tout remplaçant de Coulibaly comme candidat souffrira du handicap d’être perçu comme un candidat par accident .
Le second choix possible pour le RHDP est le métis Patrick Achi. Le transfuge du PDCI-RDA était même pressenti pour remplacer AGC à la Primature, afin de permettre à Coulibaly de mener campagne. Mais, l’actuel Secrétaire général de la présidence à la grande longévité dans l’appareil étatique depuis 20 ans, a très d’influence et de relais solides au sein du RHDP, qui ne se mobilisera pas pour sa candidature.
L’ex-Premier ministre Ouattara, Kablan Duncan, désormais vice-président de Côte d’Ivoire, est un autre choix possible. Mais son image d’éternel technocrate dont il ne semble avoir jamais voulu se défaire ne le prédispose pas au combat électoral
En dernier recours, le Président de la République, président du RHDP, peut revenir sur sa décision de ne pas briguer un troisième mandat. C’est tout a fait possible et la Constitution ivoirienne lui permet de se présenter pour un troisième mandat. Mais, la question se pose de savoir si la santé du président Ouattara, qui a déjà fait un AVC par le passé, lui permet de gouverner encore la Côte d’Ivoire pendant 5 ans. On sait en tout cas que son épouse Dominique Follereau a toujours été farouchement opposée à l’idée d’un troisième mandat de Ouattara.
Sur la scène politique, tous camps confondus, la seule candidature qui « reste en vie » par pur acharnement thérapeutique n’est pas viable et est d’un ridicule achevé : c’est celle du mammouth opposant et ex-chef de l’État Henri Konan Bédié, 86 ans, au nom du PDCI. HKB, ce sont 60 ans de vie politique (il était déjà ambassadeur aux USA dans les années 60) qui obligent décemment Bédié à une seule posture : la retraite politique.
Le vide sidéral donc, avec une seule candidature sur le tapis, celle de Bédié. Or, la présidentielle du 31 octobre 2020 a dépassé le délai légal où elle peut-être reportée : la CEDEAO interdit tout changement électoral à moins de 6 mois d’une échéance électorale. Pourtant, le report d’un an, à octobre 2021, serait la plus sage décision, pour tous les camps politiques du pays : aussi bien pour le RHDP qui aurait le temps de retrouver ses esprits que pour l’opposition où plusieurs présidentiables sont condamnés à des peines de prison ferme qui les rendent inéligibles ou leur interdisent de rentrer au pays : Guillaume Soro (20 ans de prison), Laurent Gbagbo (20 ans de prison ferme), Charles Blé Goudé (20 ans de prison). Mais sur une scène politique ivoirienne très clivée, où 5 députés proches de Soro sont en prison depuis décembre, ce sera la quadrature du cercle pour construire le consensus entre le pouvoir et l’opposition qui permettrait de reporter la présidentielle d’un an, à octobre 2021, sans craindre la montée de désordres.
Damel Mor Macoumba Seck, avec Ousseynou Nar Gueye
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