Le président ivoirien Alassane Ouattara va être investi ce samedi 22 août candidat de son parti à la présidentielle dont la date est confirmée pour le 31 octobre, pour briguer un troisième mandat jugé inconstitutionnel par ses opposants qui bravent l’interdiction jusqu’au 15 septembre des manifestations de rue, indique une dépêche AFP lue par Tract.
L’annonce le 6 août de sa candidature a provoqué des manifestations qui ont dégénéré en violences pendant trois jours, faisant six morts, une centaine de blessés et 1.500 déplacés. En outre, 69 personnes ont été interpellées, selon un bilan officiel.
Par ailleurs, la commission électorale a rejeté ces dernières heures les recours de l’ex-président Laurent Gbagbo et de l’ancien chef rebelle Guillaume Soro (par ailleurs ex-president de l’Assemblée nationale et ex-Premier ministre) qui contestaient leur radiation des listes électorales. Une décision qui pourrait tendre encore la situation. L’entourage de M. Soro, qui se dit candidat même s’il vit en exil à Paris, a annoncé sa volonté de faire appel devant les tribunaux.
La cérémonie d’investiture par le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, au pouvoir) est prévue au stade Félix Houphouët-Boigny à Abidjan, en présence de plusieurs milliers de personnes, selon Mamadou Touré, porte-parole du RHDP.
« Nous restons concentrés sur les élections, avec un bilan à défendre et un projet à proposer aux Ivoiriens », assure M. Touré.
Comme la précédente, la Constitution, révisée en 2016, limite à deux les mandats présidentiels. Les partisans de M. Ouattara affirment que la révision a remis le compteur des mandats à zéro, ses adversaires jugent anticonstitutionnelle une troisième candidature.
« Constitutionnellement, le président Alassane Ouattara ne peut pas avoir un troisième mandat. Il ne peut pas être candidat et il le sait », s’insurge Maurice Kakou Guikahué, numéro deux du principal mouvement d’opposition, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI).
« C’est une candidature dangereuse qui arrive dans un contexte volatile », fustige de son côté l’opposant et candidat à la présidentielle Pascal Affi N’Guessan, 67 ans, ancien Premier ministre du président Gbagbo, chassé du pouvoir en 2011 à l’issue de plusieurs mois de crise post-électorale meurtrière.
– « Sortir dignement » –
M. N’Guessan, patron d’une faction du Front populaire ivoirien (FPI) fondé par M. Gbagbo, a appelé M. Ouattara à « renoncer à ce troisième mandat afin de sortir dignement de l’arène politique », disant craindre dans le cas contraire « que l’avenir ne soit sombre, aussi bien pour lui que pour la Côte d’Ivoire ».
Aux cris de « nous ne voulons pas de 3e mandat », des manifestations de femmes, certaines dispersées par la police, ont encore eu lieu vendredi.
Le président devrait dévoiler ce samedi son programme ainsi que ses slogans de campagne qui va se dérouler en pleine pandémie de Covid-19.
Il devrait s’appuyer sur son bilan économique, insister sur la relance et les bons chiffres de croissance qui ont permis au pays de retrouver un rôle important dans la région et sur le continent.
Le chef de l’Etat a promis plus de retombées de cette croissance pour les classes les plus démunies d’ici la fin de l’année.
Toutefois, ses opposants mettent en avant une tension politique toujours vivace, une croissance peu partagée et une corruption toujours présente.
La crainte de violences, à l’approche du scrutin du 31 octobre, est forte, dix ans après la crise née de la présidentielle de 2010, qui avait fait 3.000 morts et vu Alassane Ouattara accéder au pouvoir.
Son ancien allié, l’ancien chef d’Etat ivoirien Henri Konan Bédié (1993-1999), 86 ans, candidat du PDCI, sera son principal adversaire.
L’ex-chef rebelle Guillaume Soro, 47 ans, qui a aidé M. Ouattara à accéder au pouvoir, se dit aussi candidat mais vit en France après sa condamnation par la justice ivoirienne à 20 ans de prison pour « recel de détournement de deniers publics ». Il est aussi accusé de « tentative d’insurrection » dans le cadre d’une procédure toujours en cours.
Quant à Laurent Gbagbo, c’est la grande inconnue du scrutin: acquitté en première instance par la Cour pénale internationale (CPI), il attend à Bruxelles un éventuel appel. Il dit vouloir revenir au pays mais entretient le mystère sur ses projets politiques. Ses partisans espèrent une candidature.