Le président guinéen Alpha Condé briguera bien un troisième mandat en octobre. La confirmation de sa candidature par son parti laisse augurer de nouvelles manifestations à haut risque dans ce pays d’Afrique de l’Ouest coutumier des répressions brutales.
L’opposition a annoncé mardi la reprise prochaine de la mobilisation, après des mois d’une contestation qui a fait des dizaines de morts.
Le parti de M. Condé, le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), a annoncé lundi dans un communiqué lu à la télévision nationale que le chef de l’Etat de 82 ans, élu en 2010 et réélu en 2015, avait accepté d’être son candidat le 18 octobre.
Le parti au pouvoir l’avait « sollicité » début août lors d’un congrès acquis à sa cause.
Sans rival au RPG, il avait « pris acte » sans formellement accepter. Mais il avait demandé à sa formation et à ses alliés de s’engager sur un programme centré sur les femmes, les jeunes et les plus démunis.
C’est chose faite un mois plus tard: les partis de la majorité lui ont soumis une « proposition de pacte » appuyant son programme. Le président Condé a « accédé » à la demande de son parti et il « sera bien notre candidat à l’élection présidentielle », a indiqué le RPG.
« Phase décisive »
Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), collectif de partis, de syndicats et de membres de la société civile, a dénoncé en termes très virulents cette candidature à un troisième mandat « illégitime ».
Dans un communiqué, il décrit la présidence Condé comme une « dictature féroce » et fustige la manière « poltronne » dont la candidature a été annoncée.
Le FNDC indique que la contestation qu’il a menée pendant des mois va entrer dans une « phase décisive ».
« Il est désormais évident pour les plus sceptiques que M. Alpha Condé, qui revendique des décennies de lutte pour la démocratie en Guinée, n’est autre que la plus grande désillusion de l’histoire politique de notre pays« , affirme le FDNC, en appelant à à « se préparer à la reprise des manifestations » à une date qui sera annoncée rapidement.
Le collectif a fait descendre à plusieurs reprises les Guinéens massivement dans les rues depuis octobre 2019 pour faire barrage à un troisième mandat de M. Condé et à une réforme constitutionnelle qui lui permettrait de se représenter. La contestation, plusieurs fois durement réprimée, a fait des dizaines de morts.
Le pouvoir a effectivement fait adopter une nouvelle Constitution dans des conditions contestées en mars. Elle limite le nombre de mandats présidentiels à deux, mais les partisans de M. Condé soutiennent que son adoption remet les compteurs à zéro.
Chez le voisin ivoirien aussi, les partisans du président Alassane Ouattara invoquent la révision constitutionnelle de 2016 pour défendre sa candidature à un troisième mandat le 31 octobre. L’annonce de cette candidature début août a dégénéré en trois jours de violences qui ont fait six morts.
M. Condé a, à de nombreuses reprises, critiqué la limitation à deux mandats.
Dérive autoritaire
Ancien opposant historique, Alpha Condé est devenu en 2010 le premier président démocratiquement élu après des décennies de régimes autoritaires dans cette ancienne colonie française d’Afrique de l’Ouest, où plus de la moitié de la population vit dans la pauvreté malgré la richesse de son sous-sol.
Ses opposants l’accusent de dérive autoritaire. Les défenseus des droits humains dénoncent la dégradation observée au fil des années, les violences des forces de l’ordre lors des manifestations qui ont fait quelque 200 morts en toute impunité depuis son arrivée au pouvoir selon l’opposition.
Un collectif d’opposants guinéens a par ailleurs récemment déposé plainte en France contre Alpha Condé et plusieurs de ses proches pour corruption, trafic d’influence et blanchiment de corruption. Sollicitées par l’AFP, les autorités guinéennes n’avaient pas souhaité réagir à cette plainte.