[ ET DIT TÔT ] « Moi aussi ou le chaos! » : Bédié, prétendant vice-président de la République

ÉDITORIAL – Les deux mammouths de la scène politique ivoirienne, l’octogénaire opposant et ex-président Bédié et le septuagénaire et président pour un troisième quinquennat Ouattara, se sont rencontrés donc hier mercredi 11 novembre, dans un lieu très symbolique : l’hôtel du Golf.

Là où même les deux alliés (à cette époque) Ouattara et Bédié s’étaient barricadés, quand , entre décembre 2010 et janvier 2011, le troisième et dernier des trois mammouths politiques ivoiriens, l’alors président Gbagbo, refusait de remettre les clés du pouvoir à Ouattara qui venait de le battre dans les urnes et de débarrasser le plancher

A cet hôtel du Golf, Ouattara est arrivé avant Bédié. C’est parce qu’il sait que c’est lui qui est demandeur. Et Ouattara, une fois arrivé, s’est installé dans ce qui avait été son bureau à l’hôtel du Golf, durant la crise post-électorale de 2010-2011. Il n’aura pas manqué de méditer sur cette chose qu’il faut partager, le pouvoir, si on veut régner sans partage. Et Bedié se fait désirer depuis la veille du vote de la présidentielle du 31 octobre. A cette époque, alors qu’il était demandeur d’une rencontre avec Ouattara, le chef du PDCI avait refusé d’y déférer quand le président actuel a accepté. Cette fois, hier, Bédie est venu. Et c’est lui a assuré le SAV à la presse après, en indiquant que cette rencontre avait servi « à briser la glace » et que d’autres rencontres suivront. En fait, Bedié négocie sec pour être installé au poste qu’il convoite : celui de vice-président. Poste inscrit dans la Constitution ivoirienne depuis 2016. C’est à cette haute station honorifique de grand notable que Bédié, 86 ans, qui n’a jamais connu que la vie dans les palais nationaux depuis 60 ans de carrière politique (en 1960, il était déjà ambassadeur à Washington), veut finir sa vie. Maintenant qu’il sait qu’il ne redeviendra jamais président de la République, fonction suprême dont il a été chassé par putsch en 1999. Mais au moins, en devenant vice-président, Bédié obtiendra un poste avec le mot « président » dedans, pour atténuer son traumatisme de Noël 1999…

Et Bédié fera en sorte de faire nommer ministres quelques jeunes loup qui piaffent issus de son parti, le PDCI. Après la brouille du RHDP où le PDCI a laissé seul le RDR qui s’est accaparé le nom des Houphouëtistes, c’est l’heure des retrouvailles qui est sonnée pour ce grand pragmatique qu’est Bédié. Bien qu’il se soit nourri d’illusions sur son possible retour au pouvoir après 20 ans. Mais pour corbeille du retour au foyer de la mariée grabataire, il lui faut la vice-présidence comme cadeau. Totem de réconciliation. Le dernier titulaire du poste, Daniel Kablan Duncan, ex- PM avait présenté sa démission depuis février dernier, quand il a su que Ouattara ne pensait pas à lui pour lui succéder comme chef d’Etat. La démission de Kablan a finalement été acceptée en août, à la veille de la déclaration de candidature à un troisième mandat de Ouattara.

Ce jeudi 12 novembre, le PDCI, qui voit bien que le Sphinx de Daoukro (surnom de Bédié) est en train de dealer sur son dos, a sorti un communiqué. Ils savent qu’on est déjà dans l’après – Bédié à défaut d’être dans l’après- Ouattara. Et ils ne veulent pas que HKB les sacrifient. Voici ce que dit le communiqué pondu avec l’assentiment de Bédié, qui n’en pense pas moins :

« Ce mercredi 11 novembre 2020, Son Excellence Henri Konan BEDIE, Président du PDCI-RDA, a rencontré le Président Alassane OUATTARA, à la demande de celui-ci. Cette rencontre s’inscrit dans le cadre du dialogue politique réclamé de longue date par l’opposition pour une paix réelle et durable en Côte d’Ivoire. Le Président du PDCI-RDA tient à préciser que la rencontre ce de jour n’a été qu’une prise de contact pour briser le mur de méfiance entre ces deux hautes personnalités », indique le communiqué signé du Secrétaire Exécutif du Parti par intérim, Pr Niamkey Koffi.
En outre, le plus vieux parti de Côte d’Ivoire souligne que « les problèmes politiques soulevés par l’opposition demeurent, à savoir le troisième mandat inconstitutionnel du Président Alassane OUATTARA, la question de l’indépendance de la CEI et du Conseil Constitutionnel et la fiabilité de la liste électorale. A ces questions s’ajoutent aujourd’hui celles des poursuites judiciaires contre les leaders et militants de l’opposition injustement et illégalement incarcérés, le blocus des résidences des premiers responsables de l’opposition, les violences dont sont victimes les militants de l’opposition, les destructions de biens et les graves massacres des populations civiles ».
Le PDCI-RDA fait donc des revendications susmentionnées, des conditions préalables à satisfaire avant les prochaines discussions avec le pouvoir.
« Dans les jours à venir, après la satisfaction des conditions préalables soulevées par le PDCI-RDA, des discussions que le PDCI-RDA espère sincères, franches et inclusives vont s’ouvrir et porter sur toutes les questions en vue d’un apaisement du climat social en Côte d’Ivoire », se veut exigeant le parti doyen.
Par ailleurs, « le PDCI-RDA mesure la gravité de la situation sociopolitique qui prévaut en Côte d’Ivoire et rassure ses militantes et militants et l’ensemble des ivoiriens sur sa détermination à œuvrer pour le triomphe de la démocratie, le respect de la vie humaine et de la Constitution, notre Loi Fondamentale ».
Le PDCI tout comme Bédié, son patron inamovible (quoique chancelant ) font donc monter les enchères. Ouattara, qui n’aspire à rien moins que la tranquillité pour ce troisième mandat controversé qu’il commence, satisfera aux ambitions de l’un (vice-présidentielle) et des autres (ministérielles).
Damel Mor Macoumba Seck
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