Par Ibrahima Baye Diagne – Le débat sur le « cas Auchan » révèle une tare aussi grosse que le nez de gorgorlu : voila un pays qui marche sur de fausses certitudes comme prioriser l’informel au détriment de la modernité et pourtant se targuer de proclamer haut et fort l’émergence.
Depuis les indépendances on n’a pas voulu changer de paradigme. Hé oui, on ne peut pas réfléchir à l’ancienne pour régler les problèmes d’aujourd’hui. Nous sommes dans un monde ouvert, dans un réseau monde. Les Sénégalais voyagent beaucoup, ils voient ce qui se passe ailleurs, sans compter l’impact de la télévision, des médias sociaux. Pourquoi imposer aux Sénégalais d’acheter un morceau de viande couvert de mouches, des marchés repoussants de saletés et d’odeurs à réveiller un mort. Au nom de quelle prétendue sénégalité ? Si être Toubab , c’est aspirer au bien- être et à l’hygiène, alors nous sommes tous des toubabs.
Sérieusement, l’Etat a commis à mon avis une seule erreur : il aurait dû définir un cahier de charges pour les multinationales (géographie du capital, logique des chaines de valeur, emplois, complémentarité avec le commerce traditionnel…). Ainsi les supermarchés pourraient servir de « boosteur » à l’industrie agroalimentaire et à d’autres filières.
Aux entrepreneurs sénégalais qui ont regardé les banques étrangères envahir le pays, nous le leur disons tout net : le secteur de la distribution risque de vous échapper aussi, encore une fois. Restons dans l’informel et le bâtiment et on verra un pays transformer en souk à ciel ouvert. On assistera à l’émergence d’une économie « déséconomisée ». On ne peut pas arrêter la mer avec ses bras : ou on s’organise pour se moderniser ou les autres viendront le faire pour nous avec leur propre modèle.
Le patriotisme économique, ce n’est pas revendiquer des postures de rentiers ; c’est prendre des risques pour relever les défis économiques du Sénégal.
Ibrahima Baye Diagne
Directeur Général d’Innov’actions, cabinet de recrutement