Une interview de Fadel Lô, lue par Tract :
Artiste-musicienne, auteure-compositrice-interprète, béninois-sénégalaise évoluant dans le milieu du hip hop depuis 2001, Moonaya de son vrai Awa Mounaya Yanni est également juriste de formation. Elle a laissé les dossiers pour le micro. Connue pour son humour, elle est finaliste du Prix découvertes RFI. En attendant la publication des résultats prévus le 10 décembre prochain, nous avons rencontré celle qui a lancé le concept «Sénégaloniak». Entretien.
Vous êtes finaliste du prix RFI Découvertes 2020. Comment appréciez-vous cela ?
C’est une fierté de faire partie des 10 finalistes du prix « RFI découvertes » pour lequel je représente un de mes pays, le Sénégal. J’ai choisi de faire une musique qui est aujourd’hui quelque peu impopulaire. C’est-à-dire, une musique qui conscientise par les thèmes qu’elle aborde. donc, je suis déjà mentalement préparée à ce que ce ne soit pas facile. Mais au-delà de ma musique, il y a une vision, un idéal, un rêve africain. Donc la reconnaissance du travail effectué, à travers mes dernières nominations, est une source de motivation supplémentaire et le signe que je ne dois pas baisser les bras.
Comment en êtes-vous arrivée à ce résultat. Parlez-nous du processus de votre inscription. (Rires)
C’est comme si vous saviez qu’il y avait une anecdote en dessous. Je vais avant tout remercier l’artiste togolais Xsoharè qui réside à Dakar. C’est lui qui m’avait informé des inscriptions pour le concours et de la date butoir. Et le dernier jour, il m’a appelé pour me demander si je m’étais finalement inscrite. Je lui avais répondu que je doutais avoir mes chances parce que les gens n’arrêtaient pas de me dire que ma musique n’est pas commerciale… Il m’a répondu que je racontais n’importe quoi et que j’avais le profil pour qu’il croie en moi. du coup, je me suis inscrite et j’ai, dans un premier temps, été retenue parmi 60 artistes pendant la présélection. Et il y a deux semaines, l’équipe du prix découvertes m’a informée que je fais partie des 10 finalistes.
Vous avez déjà une carrière assez remplie…
J’avoue que depuis que j’ai remporté ma médaille d’argent pour le Sénégal dans la catégorie Chanson aux VIIIème Jeux de la Francophonie à Abidjan et ma signature en major à Sony Music, le tout en 2017, ma carrière a pris un tournant important. Après les tournées africaines et européennes avec le collectif AURA et la comédie musicale « Les Histoires Extraordinaires des Enfants du Poto-Poto » de 2005 à 2010, j’ai observé un stand-by jusqu’en 2014 où je suis complètement revenue à ma musique…
Où en êtes-vous avec la maison de disques Sony Music Afrique ?
Avec ma maison de disques, nous travaillons, nous essayons des choses, nous nous apprenons… Ils respectent ma personnalité artistique et m’accompagnent autant qu’ils peuvent dans ma vision musicale et professionnelle. Ça va pour le moment. Pas grand-chose à dire !
Concrètement, qu’est-ce que cela vous a apporté ?
De l’expérience ! Une meilleure connaissance de l’environnement musical et plus particulièrement dans les majors, parce qu’il faut dire que je ne connaissais que l’autoproduction. Quand bien même, j’avais le soutien des aînés… Une plus grande visibilité à l’international et une meilleure connexion avec mon public que j’ai découvert un peu partout en Afrique et dans le reste du monde.
Didier Awadi, votre mentor, a été lauréat du prix RFI Découvertes. Vous a-t-il encouragé à le faire ?
Si je vous le dis, vous n’allez pas me croire. Mais ça fait plus de 5 ans que Didier Awadi m’exhorte et m’encourage à m’inscrire au prix RFI découvertes. Il fait partie des premiers à croire en moi et en mon art depuis le début de ma carrière et à me dire que je dois libérer ma puissance et arrêter de me mettre des barrières (rires). Et cela m’a motivé, bien sûr, car les opportunités qui accompagnent ce prix permettent à une carrière de décoller et à l’artiste de présenter ses œuvres et son spectacle devant une multitude de publics.
Juriste, animatrice de radio et artiste. D’où tirez-vous cette énergie ?
Bon, on dit que les femmes sont multitâches. Mais plus sérieusement, j’ai juste étudié le droit. Je n’ai pas fait de carrière dans ce domaine. Depuis 2014, je ne travaille plus dans les médias, je suis plus concentrée sur ma musique. Aujourd’hui, mes casquettes sont : artiste-musicienne, écrivaine, conférencière, entrepreneuse car directrice de YANNI Production, commissaire aux comptes de l’AMS (Association des Métiers de la Musique au Sénégal), grande sœur, amie et « tantie » choc ! (Rires)
Cela n’empiète pas sur votre vie privée ?
Non, pas du tout ! J’ai toujours du temps pour mes frères et sœurs et mes ami(e)s. Surtout que je suis une gourmande affective. Je ne peux me passer des gens que j’aime. Après votre sacre d’Abidjan, vous voilà encore en lice pour un autre prestigieux prix pour le compte du Sénégal.
Quel sentiment vous anime quand on sait que vous êtes aussi à moitié Béninoise. Et le Bénin dans tout cela ?
Ok ! Je vais vous faire un peu ma généalogie. Mon père est Sarakholé, originaire de Moudéry, un village qui se trouve à Bakel. J’ai une grand-mère de Bida (Nord du Nigéria), une autre de Aneho (Togo) et le père de ma mère est métisse franco-béninois. Et moi, je suis née et j’ai grandi au Bénin. Pour répondre à votre question, le Bénin se trouve dans mon cœur à côté du Sénégal, du Togo et du Nigéria et aussi des pays comme le Burkina Faso, la Côte d’ivoire et le Ghana pour lesquels je ne suis pas originaire, mais pour lesquels je garde d’excellents souvenirs de mes passages. Si dieu m’a offert cette diversité culturelle à travers mes quatre grands-parents de quatre origines différentes, et les sept langues que je parle, c’est pour que je m’en accommode et en fasse une richesse. Aujourd’hui, je vis au Sénégal dont je défends les couleurs à l’extérieur. Mais s’il faut le faire aussi pour le Bénin, ce sera avec plaisir. Ce que je suis est la somme de mon vécu et de mon éducation aussi bien au bénin qu’au Sénégal. On ne peut demander à quelqu’un de choisir entre son père et sa mère.
La gente féminine est très présente au niveau des sélectionnés. Comment expliquez-vous cela ?
Je ne sais pas s’ils appliquent une forme de discrimination positive envers les femmes dans leur sélection. Mais force est de constater que toutes les femmes qui y figurent sont méritantes. La plupart sont des artistes reconnues et plébiscitées dans leurs pays d’origine… Je peux donc dire que c’est peut-être parce que les femmes, aujourd’hui, ont moins de mal à embrasser des carrières artistiques et à les envisager dans la durée et de manière professionnelle.
Avec tout ce travail abattu, pensez-vous fonder un foyer ?
Oui, pourquoi pas ? Je n’ai jamais été contre cette idée même si elle ne m’obsède pas. Mon bonheur n’est pas conditionné par ce que les gens pensent que je n’ai pas ou que je devrais avoir. Ou par ce que je ne peux pas avoir personnellement. Je considère chaque jour que je me réveille en bonne santé physique et mentale comme une grâce du Tout-Puissant. Je suis reconnaissante pour tout ce qu’il fait déjà dans ma vie. Je profite des petites choses comme des grandes, tout est bénédiction. Je laisse ma destinée s’accomplir et c’est ce qui est écrit qui sera et rien d’autre.
Quel est votre idéal masculin Waouh !
C’est une question çà ! (Rires) Est-ce que l’homme idéal existe ? Je pense qu’on se met juste avec les personnes dont on supporte le mieux les défauts. Personne n’est parfait. Maintenant, à la question de savoir si j’ai des critères, la réponse est oui. Mais je garde les détails pour moi, sinon ce serait trop facile. C’est comme donner un couteau au boucher pour qu’il t’égorge. (Éclats de rire)
Parlez-nous de vos projets en dehors du prix Découvertes RFI.
J’ai plein de chantiers en dehors de la course pour le prix RFI musique. Sortir des singles, des clips vidéo, communier avec mon public à travers mes spectacles. Faire grandir ma boîte de production à travers différents projets que j’ai sous la main, écrire mon livre, et si mes moyens me le permettent, entreprendre quelques actions sociales auxquelles je pense depuis plusieurs années déjà !
Moonaya et l’animation, est-ce le divorce ?
Non, je n’ai pas divorcé avec l’animation. De 2008 à 2014, j’ai amassé pas mal d’expériences et d’acquis via mon parcours professionnel dans les médias au Sénégal. Notamment à la 2stv, RSI, RTS1, Africa7 et AlmadinaTv. J’ai pris du plaisir à travailler dans ces différents médias. Et ces compétences me servent jusqu’aujourd’hui dans le cadre de mon activité musicale et entrepreneuriale. Je peux très bien revenir à la télé ou dans les médias. Mais ce sera sous un autre format que les précédents.