Tract – Ses chaussures avec son logo sont copiées à Ngaye Mékhè au Sénégal depuis des décennies, ainsi que par les cordonniers du marché Tilène. « La raison d’être de ma vie, c’est la mode ». Infatigable créateur futuriste dès les années 60, il a construit un empire à son nom, bouleversant le modèle économique de la grande couture avec le prêt-à-porter. L’auteur de la « robe bulle » et du costume Mao a su s’imposer dans le monde compétitif de la mode, quitte à être adulé – ou détesté – par ses pairs, relate Rfi.
Un modèle précurseur pour l’économie de la mode
Arrivé à Saint-Etienne en 1924 à l’âge de deux ans, le jeune italien part à la conquête de la capitale de la mode en 1945. Un an plus tard, il travaille déjà comme tailleur dans la maison de couture de Christian Dior. À Paris, il rencontre aussi le cinéaste Jean Cocteau, avec qui il exprime son sens artistique dans la création des masques et des vêtements du célèbre film La Belle et la Bête.
Le jeune génie fourmille d’idées, il décide alors de quitter la maison Dior pour créer la sienne à seulement 28 ans. Pierre Cardin commence d’abord par concevoir principalement des masques et des costumes de théâtre, jusqu’au succès de la « robe bulle » en 1954. À partir de là, tout s’accélère. Robes thermo-formées, couleurs contrastées, des ronds, des carrés, des pulls à motifs rectangulaires… Il s’impose par un style moderne et futuriste. L’inspiration lui vient la nuit, raconte-t-il : « Je vois des formes, des matières, des couleurs, des objets… Un pied de table, une racine, un arbre, une feuille, tout est matière à me donner des idées. Je peux voir un artichaut et puis faire une robe en artichaut ! »
En 1959, le créateur décide alors de présenter sa collection dans le grand magasin Printemps, ce qui fera jaser les pontes de la haute-couture, réticents à l’idée de mélanger les genres. L’homme d’affaires précurseur est critiqué de vouloir allier haut-de-gamme et prêt-à-porter. « Une nécessité », selon lui, afin d’élargir sa production. « Les acteurs de l’industrie me critiquaient parce qu’ils n’ont pas vu demain. Ils étaient limités à leur propre vision. Je voyais beaucoup plus loin, dans dix ans », expliquait le créateur en 2017 au micro de RFI. « C’est ce qui m’a fait gagner de l’argent », soulignait-t-il, fier de rappeler qu’il est aujourd’hui l’un des seuls à avoir une maison de couture à son propre nom, n’appartenant à aucun groupe.
Ouverture d’une boutique rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris, puis d’une multitude d’autre à travers le monde, investissement dans la parfumerie et dans les lignes de vêtements pour femmes, hommes et enfants. Le multimillionnaire construit aussi son empire sur les centaines de licences déposées dans plus de 120 pays sur des objets comme des horloges à des rasoirs en passant par des lampes. Exploiter son nom en échange de royalties… Un système qui rend difficile l’estimation de la valeur de son empire, qu’il détient à 100%. Sans héritier, il a tenté de le vendre pour un milliard d’euros en 2011, alors que les banques l’estimaient plutôt à 200 millions.
Une gourmande ambition internationale
Pierre Cardin ne voulait pas se limiter aux frontières de la France. A près de 90 ans, il se vantait d’avoir voyagé « 54 fois en Chine », un pays où l’homme d’affaires visionnaire n’a pas hésité s’immiscer dans un marché chinois communiste dès 1978. En 2007, il organisera même un immense défilé en plein désert de Gobi et faire déplacer des centaines de journalistes… Le créateur n’a pas non plus hésité à faire défiler ses modèles sur la place rouge de Moscou en 1991, devant plus de 200 000 personnes.
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