[Tract] – La Cour pénale internationale (CPI) a confirmé mercredi l’acquittement, prononcé en 2019, de Laurent Gbagbo, définitivement reconnu non coupable de crimes contre l’humanité, ouvrant la voie à un retour de l’ex-président en Côte d’Ivoire après une décennie d’absence.
M. Gbagbo, tout sourire, a applaudi et levé les pouces en l’air à l’énoncé de la décision de la Cour, basée à La Haye, qui écarte la tenue d’un procès en appel et clôt l’affaire, près de 10 ans après l’ouverture du dossier.
Son épouse Simone s’est dite « satisfaite » et a déclaré à l’AFP que « la balle (était) désormais dans le camp du gouvernement » ivoirien pour le retour de son époux dans son pays.
Les juges ont rejeté l’appel de la procureure de la CPI contre les acquittements de M. Gbagbo et d’un de ses proches, Charles Blé Goudé, ex-chef du mouvement des Jeunes patriotes, prononcés en janvier 2019 à l’issue d’un procès pour crimes contre l’humanité liés aux violences post-électorales en 2010 et 2011.
M. Gbagbo, premier ancien chef d’Etat jugé par la CPI, et M. Blé Goudé ont toujours clamé leur innocence dans ces crimes ayant fait 3.000 morts en Côte d’Ivoire, lors de violences nées du refus de M. Gbagbo de reconnaître fin 2010 la victoire à la présidentielle de son rival Alassane Ouattara.
« A la majorité, la chambre d’appel rejette l’appel du procureur et confirme la décision de la chambre de première instance », a déclaré le juge Chile Eboe-Osuji.
Elle « abroge (…) toutes les conditions restantes à la libération de M. Gbagbo et M. Blé Goude », a poursuivi le juge, ordonnant aux fonctionnaires du tribunal de « prendre des dispositions pour le transfert en toute sécurité de M. Gbagbo et M. Blé Goudé vers le ou les Etats d’accueil ».
La procureure générale sortante de la Cour, Fatou Bensouda, a indiqué avoir « pris acte » du jugement.
« Je respecte l’intégrité de ce processus et la décision de la chambre d’appel », a-t-elle réagi dans des tweets relayés par la CPI./
Amnesty International a de son côté évoqué une « nouvelle déception » pour les victimes.
Celles-ci « n’ont toujours pas obtenu justice, pas plus que des réparations pour les préjudices subis », a regretté Michèle Eken, chercheuse sur l’Afrique de l’Ouest au sein de l’ONG, citée dans un communiqué.
« Réconciliation »
Depuis son acquittement en première instance, M. Gbagbo vit en Belgique. En possession, selon son avocate, de deux passeports, un ordinaire et un diplomatique, remis par les autorités ivoiriennes, l’ex-président avait annoncé en décembre son désir de rentrer en Côte d’Ivoire, mais ce retour se fait toujours attendre.
Puisque la procédure devant la CPI est désormais finie, « rien ne l’empêche de rentrer en Côte d’Ivoire », a déclaré à l’AFP son avocat Emmanuel Altit.
« La décision d’aujourd’hui va dans le sens d’une véritable réconciliation », a ajouté dans un communiqué la défense de M. Gbagbo, lequel ne s’est pas encore exprimé lui-même.
« J’ai un seul mot à la bouche: rassemblez les Ivoiriens », a de son côté déclaré M. Blé Goudé, à l’issue de l’audience, à l’extérieur de la CPI, où des dizaines de partisans s’étaient rassemblés.
Un retour des deux hommes en Côte d’Ivoire pourrait être entravé par leurs condamnations par la justice ivoirienne pour des faits commis pendant la crise post-électorale.
« Les autorités ivoiriennes parlent de condamnation mais n’ont jamais produit de documents qui montreraient qu’un véritable processus judiciaire en bonne et due forme a eu lieu », a rétorqué M. Altit.
Alexander Knoops, avocat de M. Blé Goudé, a dit espérer « que les autorités ivoiriennes accepteront ce jugement et le laisseront entrer dans le pays ».
Preuves « extrêmement faibles »
La décision de la CPI sur l’appel de l’accusation était attendue en Côte d’Ivoire, où l’ombre de Laurent Gbagbo plane toujours sur une nation meurtrie par les violences politiques depuis plus de 20 ans.
Président de 2000 à 2010, M. Gbagbo, toujours très populaire chez ses partisans, avait été arrêté en 2011.
En septembre 2019, huit mois après l’acquittement de M. Gbagbo, Fatou Bensouda avait demandé un procès en appel, estimant que les magistrats n’avaient pas rendu une décision motivée en bonne et due forme et avaient commis des erreurs de droit et de procédure.r
La chambre d’appel a écarté mercredi toute erreur de procédure et confirmé les conclusions de la chambre de première instance, selon lesquelles les preuves présentées par l’accusation étaient « exceptionnellement faibles ».
Fatou Bensouda et ses services sont sous le feu des critiques: si la CPI, fondée en 2002 pour juger les pires atrocités commises dans le monde, a notamment condamné des chefs de guerre congolais et un jihadiste malien, l’accusation a échoué dans ses dossiers les plus emblématiques.
Afp