Par Christophe Cassiau-Haurie, auteur de plusieurs articles et ouvrages collectifs sur l’état de l’édition en Afrique et plus particulièrement de la bande dessinée. Pour Africultures, lu par Tract, il retrace régulièrement l’histoire du « neuvième art » pays par pays. Dernier volet d’une trilogie consacrée à la bande dessinée sénégalaise. Première partie : De l’époque coloniale à la fin des années 1980. Deuxième partie : Des années 1980 aux années 2000.
Les années 2000
En janvier 2000, Kabs (Malang Sène, né en 1962) commence à publier chaque semaine une bande dessinée humoristique, Lamb-Ji qui tirera jusqu’à 50 000 exemplaires (le directeur de publication en était Salif Bâ). Lamb-Ji (l’arène, en wolof, édité par Senco5) avait pour principal sujet la campagne présidentielle depuis son début jusqu’à la proclamation des résultats. Par la suite, il publiera une autre série intitulée Car Rapid sur le fameux car assurant le transport public à Dakar. Cette série, avec 20 000 exemplaires, aura cependant moins de succès que la précédente. En 2006, Kabs a tenté de relancer Lamb-ji (avec Ousmane Traoré) mais ce sera en pure perte, l’époque ayant changé. Mais Kabs avait déjà une longue carrière derrière lui. Diplômé de l’École nationale des beaux-arts de Dakar, section communication, en 1986, il a commencé dès les années 80 à travailler dans la presse sénégalaise et à illustrer de nombreux ouvrages.
Durant les années 2000, il a été très présent et a illustré de nombreux ouvrages dont Le guide illustré sur la décentralisation ou des albums pour la jeunesse comme La lutte (Ed. BLD, 2006), Mara et le mouton ou Raky se fait belle (les deux chez Koïta édition, 2003). En 2001, il adapte le code de l’environnement en bande dessinée, sur un financement de la GTZ (coopération allemande).
Il travaille également dans un organisme de développement où il signe des BD pour sensibiliser les paysans sur les méfaits de la déforestation et collabore à des journaux satiriques comme La vache qui rit ou Le politicien. En 2003, il devient le dessinateur attitré de la revue – toujours éditée de nos jours – Afrique citoyenne, soutenue par la Fondation Konrad Adenauer, qui propose à chaque numéro annuel huit pages de BD sur différents thèmes sociaux relatifs à la société sénégalaise (éducation civique, formation politique, sensibilisation à l’environnement, etc.) via les aventures de Pape, Oussou, Khoudia et Céline. À travers la quarantaine de numéros diffusés à 20 000 exemplaires, ces quatre jeunes luttent ensemble contre l’abattage des arbres, se penchent sur les conséquences de l’émigration clandestine en Europe, exliquent le processus d’inscription sur les listes électorales ou s’opposent à ce qu’une de leurs amies épouse contre son gré un homme âgé. Un numéro (sur l’émigration clandestine en 2007) a même été publié en wolof ou en pulaar. Le dernier numéro (sorti en 2020) traite de « jeunesse et développement local ».
Kabs dessine également en 2006 la BD La guerre n’aura pas lieu, histoire scénarisée par Jo Collura. En 2009, avec les trois planches d’Au sommet de la rivalité, il participe à l’album collectif La bande dessinée conte l’Afrique, publié à Alger par Dalimen Éditions. Enfin, phénomène rare en Afrique francophone, Kabs a même produit un album en anglais, Nkosi Johnson, the legacy (avec Salif Bâ), publié par Senco 5 (Dakar) et sorti à Johannesburg en 2003 (et réédité en 2014). Il reste de nos jours l’un des principaux acteurs du milieu.
Le milieu des années 2000 voit l’apparition de Paa Reebatass, personnage du petit peuple dakarois aux prises avec les difficultés de la vie quotidienne, Paa Reebatass a été créé sous forme de strips par Pape Thierno pour Le quotidien et le journal satirique Cocorico puis a poursuivi ses aventures dans le journal Délire hebdo jusqu’en 2013[1]. El Hadj Sidy Ndiaye continue de produire des albums de commande comme Diariatou face à la tradition sur un scénario de Patrick Theunen, publié par GAMS Belgique en 2005.
Du côté des maisons d’édition, peu d’albums sont produits, la seule exception étant Georges Lorofi qui a dessiné pour les NEAS en 2003 une adaptation en BDdes Aventures de Leuk le lièvre de Léopold Sédar Senghor et Abdoulaye Sadji d’après les personnages créés par le premier illustrateur, Marcel Jeanjean[2]. Débrouillard, aimant la justice et l’ordre, Leuk-le-lièvre cherche à apprendre des hommes et des autres animaux pour devenir sage. Ces aventures sont présentées dans une bande dessinée où les animaux, évoluant à la manière des hommes, ne perdent pas leur humour.
La montée en puissance des revues satiriques et des caricaturistes
Mais les années 2000 correspondent à la montée en puissance des revues satiriques et des caricaturistes dont la figure émergente est Odia (Omar Diakité né en 1964). Diplômé en Communication graphique de l’École des beaux-arts de Dakar en 1989, Odia est caricaturiste au journal Le Quotidien depuis 2007. Il participe à la création d’un supplément satirique quotidien nommé Cocorico qui ne paraît plus de nos jours. Auparavant, il avait travaillé dans des journaux comme Walfadjari (dès sa sortie de l’École des beaux-arts) où il signe chaque semaine une BD intitulée Ass et Oussou, Le Cafard Libéré, Le Matin et l’Info 7. Il a également inventé le personnage d’Issa Koor pour le journal Tract (2001-2002). En matière de bandes dessinées, il a créé le journal Safari en 2004 où il dessinera, avec Samba Fall et Ousmane Traoré (né en 1972, diplômé de l’école nationale des Arts en 2004 et qui signe Tra[3]), jusqu’en 2005. Il récidivera avec Cocorico entre 2007 et 2008, journal dans lequel il lancera les carrières de Thiouf et Tijan. Tra participe également à l’aventure en y dessinant une série BD, Papis le baroudeur. Odia a également publié plusieurs histoires sous forme de bandes dessinées, essentiellement des œuvres de commande. La dernière a été scénarisée par l’écrivain Aïssatou Cissé : Les histoires de Nafi et Khadija (2011). Cette histoire, qui traite des difficultés d’intégration des handicapés, a bénéficié de l’appui de Handicap international. En 2002, il avait également publié Popouri : les questions de population au quotidien (édité par le Fonds des Nations Unies pour l’Appui aux Populations, FNUAP). En 2009, il illustre un recueil de chroniques, Dieu le pire d’Ibou Fall.
En matière de revues pour la jeunesse, la fin de Gune Yi correspond au démarrage en 2007 d’un nouveau titre, Sirou, dont la direction artistique était assurée par Cheikh Ba (qui y tenait aussi une série, Baye Modou, le gaffeur). Mais Sirou s’arrêtera rapidement au bout de quelques numéros. Cet article a déjà évoqué régulièrement le parcours de Cheikh Tidiane Bâ. Autodidacte, celui-ci a commencé comme caricaturiste au journal Action Paysanne de 1994 à 1997. Entre 1998 et 2000, il travaille pour le studio Pictoon tout en continuant à faire des caricatures pour La Presse des Almadies (de 1998 à 2001). Depuis 2004, il est caricaturiste au journal Le Quotidien et publie aussi dans Le soleil. Il a également dessiné pour le satirique Cocorico dirigé par Odia entre 2007 et 2008[4]. En matière de bande dessinée, il est présent dans le collectif A l’ombre du baobab (2001), édité par l’association Équilibre et population. Il compte aussi un album de commande, Je suis enfant, j’ai mes droits.
Le Sénégal : terre d’accueil de bédéistes africains
Certains illustrateurs africains s’installent au Sénégal et participent à la création locale. C’est le cas du Brazzavillois Bring de Bang (Pansime Brigès Biakou, né en 1976) qui, en 2009, s’installe au Sénégal et publie des planches de BD dans des journaux locaux. C’est le cas de la rubrique Talatala et l’actualité dans Matalana-le temps de l’Afrique, de l’histoire à suivre Salam et Toupass dans le magazine Sénégal pass mais aussi dans Zhu culture où il crée les personnages de l’histoire Pygmoi et Pygtoi scénarisé par Saintrick mais qui, non publié, sera reprise par la suite par Willy Zekid. Par la suite, Bring de Bang s’installe en France. Le Congolais (RDC) Cyprien Sambu Kondi, Cyprien (né en 1968) s’installe au Sénégal où il dessine de 2006 à 2008 pour l’hebdomadaire satirique Katchor-bi. Il y publie aussi en 2006 une BD de sensibilisation, La pollution de l’air à Dakar. Depuis 2008, il vit au Burkina Faso.
A l’étranger, Fayez Samb (né en 1968), fils d’un militaire d’origine sénégalaise et d’une mère française et travaillant dans une entreprise de courtier en assurance, entreprend un travail de réhabilitation des tirailleurs sénégalais dans l’imaginaire national à travers la bande dessinée. Les quatre albums de sa série, La patrouille du caporal Samba, tous publiés chez L’Harmattan, ont en effet ce sujet comme toile de fond historique : La patrouille du caporal Samba (2003), Le naufrage de l’Africa (2004), Le tirailleur des Vosges (2006), Le tirailleur et les cigognes (2010).
De son côté, l’artiste peintre Daniel Séverin Ngassu a participé à deux éditions de l’anthologie Africa comics. Dans celle de 2005-2006, il y publie l’histoire courte Entre la vie et la mort, dans celle de 2007-2008, il dessine Demande de visa[5]. Il a été imité par Lamine Dième (né en 1982) qui a remporté une mention du jury au prix Africa & Mediterraneo 2010, ce qui lui a permis d’apparaître dans le catalogue Africa comics 2009-2010 avec l’histoire courte Modou. En 2009, il avait également remporté le concours Wapi du British Council avec une histoire sur l’immigration illégale.
Les années 2010
Après avoir participé à plusieurs expositions artistiques, participé à la création du dessin animé Kabongo le griot pour les studios dakarois Pictoon et produit des illustrations didactiques sur le civisme et la sécurité routière, Falilou Fall refait une apparition dans le domaine de la BD en 2010, en illustrant et colorisant une bande dessinée didactique De Paris à Dakar, des claviers et des souris pour tous ? pour l’ONG ENDA (Environnement, Développement, Action)[6].
Bien que travaillant au quotidien Direct Info, Odia a lancé en 2012 un nouvel hebdomadaire humoristique en format tabloïd qui paraît tous les vendredis, Délire Hebdo, dans lequel il a publié des planches de BD avec Samba Fall[7], Pape Thierno, Ousmane Traoré (Tra) et Tijan (qui signe Ras).
Faute d’une diffusion suffisante, Délire hebdo s’arrêtera en 2013. En matière de BD, il a participé à l’exposition de la fondation Dapper, Formes et paroles ainsi qu’au collectif qui en en est issu, L’Afrique en partage (2014).
Depuis 2014, Odia travaille au quotidien Tribune comme caricaturiste et donne des cours à l’École nationale des Arts (ENA) en qualité de formateur en communication graphique.
Samba Fall et Tijan travaillent maintenant au Soleil comme caricaturistes (Pape Thierno vit maintenant à Saint Louis). Ils y publient régulièrement de la BD, en particulier pendant les vacances où il est d’usage que le quotidien propose une histoire complète à ses lecteurs.
Ousmane Traoré travaille en free-lance pour des commandes institutionnelles et officie comme trésorier de Phylactère, l’association qui regroupe les caricaturistes, les bédéistes et les infographistes dont Odia, Karim Gangué, Tijan Samba Ndar Fall….
En matière de BD, certains projets de commande continuent d’émerger avec un souci incontestable de qualité. C’est le cas d’A la découverte du patrimoine culturel du Sénégal dessiné par Lamine Dième[8] (éd. Tamalys, 2011), Non à la violence dans le sport (Timbuktu institute, 2019) ou Les aventures de Madieumbe d’Aziz Ba (ancien des studios Pictoon et dessinateur pour le journal Le Dakarois).
Des BD patrimoniales voient également le jour. Talaatay Nder : la véritable histoire de Nder racontée aux enfants, dessiné par Kabs (2010), a été écrit par la sociologue Fatou Sow Sarr et souhaite rétablir la vérité historique en sauvegardant le sacrifice dans la mémoire collective des femmes du Walo qui se battirent seules contre des guerriers maures et toucouleurs en 1820.
Dans le même registre, en 2015, L’harmattan Sénégal publie leur unique bande dessinée, une biographie de Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur de la confrérie soufie des Mourides, La vie de Cheikh Ahmadou Bamba de Cheikh Fama Mbacke (scén.) et Moussa Diallo (dess.). L’album sera réédité aux éditions sénégalaises Minane, un an plus tard.
En 2015, Kabs sort aux éditions du centre, Dieynaba et Mariama : destins croisés de deux amies sur un scénario de Serigne Bamba Ly.
On peut noter aussi la parution en 2011 de Kumpag wangalang wi, soit la version wolof de Tintin et le secret de la licorne, première traduction d’un album de Tintin dans une langue d’Afrique francophone sub-saharienne[9].
En 2013, les éditions Plum’or lance une collection de contes en BD (Les dits d’hier). Neuf mini-albums (34 pages) sortent, tous scénarisés par Kémado Touré et dessinés par Mamadou Lamine Thiam (né en 1951) : Le don du génie ou l’origine du proverbe, Pourquoi on ne lange pas la viande de l’hyène, Pourquoi l’enfant posthume porte le nom de son père, Pourquoi les djinns sont invisibles, Pourquoi on tait le nom de l’enfant avant sa naissance, etc.
Kémado Touré, conteur, fils de conteuse, écrivain et chercheur, engagé dans la revalorisation de la tradition orale a choisi de les présenter en forme de petite BD, avec deux grandes cases par page. Le procédé reposant sur l’image (la narration et les dialogues étant très simplifiés), les contes se voient réduits à leur plus simple expression. En contrepoint, les préfaces et les avant-propos signés par des universitaires ou écrivains comme Aminata Sow Fall et Raphaël Ndiaye et la présence d’une page de proverbes illustrés en fin de volume donnent ses lettres de noblesse à la collection. Lamine Thiam, par ailleurs sculpteur, est surtout célèbre pour avoir illustré Sidi et Rama, principal livre de lecture pour plusieurs générations d’élèves de l’école élémentaire.
De jeunes auteurs apparaissent, c’est le cas d’Amidou Badji (né en 1982) et diplômé de l’École Nationale des Beaux-Arts en 2010. Consultant en arts graphiques, Badji crée Créatif-pencil studio en 2012, structure avec laquelle il réalise différents supports (journaux, livres, bande dessinée, boite à images, brochures, story-bords etc.) pour des maisons d’éditions, agences de publicité ou particulier. Il travaille aussi et surtout pour des ONG comme le CICR, la Croix Rouge Sénégalaise ou des agences de publicité comme Providis, Optima, Mc Cann, etc. ainsi que pour Didactikos pour la réalisation de manuel scolaire. Pour BLD (Bibliothèque lecture et Développement), il illustre des livres pour la jeunesse, Kétama l’enfant élu, Le mal de Sindakh et Qui sont les enfants ? En matière de BD, Badji a été actif dès sa sortie de l’école en 2010, avec deux bandes dessinées : Samba et Bailo et Obèle, éditées par l’OIM (Organisation Internationale pour les Migrations). L’année suivante, il sort Paa ruwty une bande dessinée publié par Alpha Wane un éditeur Sénégalais basé en Angleterre puis Zooni’s Manners un livre illustré sorti par Tsegaye un éditeur Ethiopie installé à Los Angeles. De 2015 à 2016, il a travaillé sur la deuxième version de GUNE Yi avec l’ONG Cegid. En 2018, il réalise deux bandes dessinées, l’une sur l’environnement, l’autre sur le gaz et le pétrole au Sénégal publié par Salif Ba, l’éditeur Sénégalais. Avec Créatif-pencil studio, il a réalisé deux BD, le mal du pays (inédit) et Deux lascars à Dakar, ce dernier publié en streaming sur Youscribe depuis avril 2020. Il est lauréat du deuxième prix Art et humanité, organisé par le CICR, en décembre 2020 à Dakar, pour une BD dessinée intitulée Le covid-19 à l’heure d’un bilan pour l’humanité.
En 2018, situation unique sur le continent, deux passionnés – Marieme Seck et Mansour Touré – créent une bibliothèque de bandes dessinées nommée BD passion Dakar en plein cœur de la capitale. Cette bibliothèque propose également des animations autour du livre, des cours de soutien scolaire et une ludothèque[10].
Sur place, du fait de la timidité des éditeurs, les auteurs s’organisent et s’auto-publient. C’est le cas de Seydina Issa Sow, fondateur de la plateforme @Sis-illustrations[11] à travers laquelle il fait la promotion de son travail et de son activité. En 2019, il a publié en format papier ses deux premiers albums. Sidy, publié en avril à 110 exemplaires (épuisés aujourd’hui) à l’occasion du Festival du manga et du cosplay, abordait des thèmes tournant autour de la vie estudiantine au Sénégal : l’insécurité, les retards de bourse, les difficultés d’avoir un logement au sein du campus, les grèves… Cayor (imprimé à 300 exemplaires, quasiment en rupture de stock), qui constitue le premier manga sénégalais, baigne dans un univers de « dark fantasy » complètement imprégné de magie et de créatures surnaturelles de la mythologie Africaine. Le Cayor est un royaume médiéval situé sur les côtes Ouest-Africaines. Un jour, le Damel (souverain) Biram Fall fut assassiné par son propre frère Demba Fall qui accédera à son tour au trône. Mody, fils du défunt Damel fut attristé par la mort de son père mais continuait à entretenir son rêve de devenir Damel un jour, pour protéger le royaume du Cayor. Voyant cette détermination comme une menace, Demba Fall décide de se débarrasser de son neveu Mody qu’il voit comme une menace. Le tome 2 est en cours de réalisation. Hormis des productions de commande pour des ONG et des sociétés, Seydina Issa Sow (qui a une autre activité professionnelle en parallèle) a réalisé d’autres BD (sur l’immigration clandestine et le Coronavirus) qu’il publie sur Facebook et Instagram afin de se faire connaître.
Aventure collective : Band’Des.Ciné.
En 2014, un groupe de jeunes créateurs décide de se regrouper en association et créent l’association Band’Des.Ciné. En 2020, ils publient leur premier album (dans deux versions, anglais et français), le tome 1 de la série Kanku-Man, Le Baye Fall, Braquage à Dakar-plateau (le tome 2 devrait paraître début 2021). Sur une histoire écrite par Bandiougou Dione (né en 1989) et des dessins de Cheikh Saad Bouh Seck (coul. de Salomé Seck, encrage d’Alan Gauthé), Kanku-Man raconte l’histoire d’un braquage, avec une pincée de surnaturel.
A l’étranger, La BD Sénégalaise fait de plus en plus parler d’elle. Ahmed Agne (né en 1977) est né d’un père sénégalais et d’une mère mauritanienne. Originaire de la banlieue parisienne, Ahmed Agne a monté en 2003 (avec Cécile Pourrin) une maison d’éditions de mangas : Ki-oon. Celle-ci se situe depuis 2010 au premier rang des éditeurs indépendants français de mangas. Cette réussite s’explique en grande partie par sa parfaite connaissance de la langue japonaise et de ce pays où il a vécu au début des années 2000. Boubacar Doumbia a dessiné l’album Kaïdara, le conte peul pour l’association toulousaine Chacun Ségou. Le scénario était de Youssouf Sidibe.
En 2017 et 2018, sur Youtube, est apparu un des premiers supers héros africains, Sandale Man, imaginé par Ayina Thiam. Cette série aura son pendant sous forme d’une BD de 43 pages que les internautes pouvaient consulter librement sur leur page facebook.
En 2021, à la fois année de la BD et de l’Afrique en France, une exposition à la cité internationale d’Angoulême, intitulée Kubuni, les bandes dessinées d’Afrique.s, a permis de mettre en avant le parcours de deux Sénégalais installé en France parmi les auteurs africains qui sont mis en valeur. L’auteur de l’affiche, Juni Ba, est originaire de Dakar et vit et travaille à Montpellier. Il a déjà publié chez Kugali comics dont des BD digitales comme par exemple les collectifs Kugali, an African Comics Anthology ou Kugali anthology, Monkey Meat Island en 2019 ou les trois tomes de Kayin and Abeni.
Il compte aussi un album physique chez Alter comics, Badawi, sorti en 2018 mais aussi Djeliya, dont la sortie est prévue chez TKO studios, en mars 2021.
Karamba Dramé est diplômé de l’Ecole Européenne Supérieure de l’Image d’Angoulême en 2015. Son travail est principalement basé sur la narration graphique sous ses multiples formes (bande dessinée, animation et hybridations numériques). Son projet transmédia autour du mythe dakarois de Leuk Daour a été présenté au festival off de la biennale de Dakar de 2018. Il est actuellement membre de l’atelier du Marquis d’Angoulême avec lequel il a collaboré sur la BD collective La nouvelle Angoulême. Karamba est également l’auteur du webcomics en turbo media, Djinkans, une série afro-fantastique. A l’occasion de Kubuni, il anime une résidence en milieu scolaire.
Enfin, en 2015, Majid Bâ a raconté ses 12 années de vie de sans-papiers dans une BD édité chez Sarbacane, Magic Majid, la sardine du cannibale.
Si elle n’est pas la plus renommée du continent, la BD Sénégalaise compte donc parmi les plus anciennes, grâce en particulier au soutien que constitue Le soleil. Elle compte même quelques beaux succès comme Goorgoorlou ou Lamb-Ji mais qui resteront sans lendemain du fait de défaillances dans la chaine du livre. En effet, après quelques albums édités par les NEAS dans les années 70 et 80, les éditeurs privés n’ont plus du tout publié de BD depuis bien longtemps, faute de croire dans ce support. De fait, de nos jours, s’il y a des auteurs de BD dans le pays, peu d’albums sont édités. Afin de pouvoir vivre de leur art, les dessinateurs en sont réduits à travailler comme caricaturistes, graphistes ou dans la publicité.
Mais, comme dans bien d’autres pays, de jeunes auteurs commencent à se prendre en charge, à s’éditer et à diffuser eux-mêmes leurs ouvrages, sans complexes ni timidité.
C’est peut-être dans cette voie-là que se situe l’avenir du 9ème art Sénégalais.
Christophe Cassiau-Haurie
Le 1er janvier 2021
[1] Beaucoup de caricatures et planches de BD sont reprises sur le site Xibar.net
[2] Georges Lorofi a une longue carrière derrière lui – pas forcément en matière de BD- puisqu’il a illustré Petit Bodiel d’Amadou Hampaté Ba (NEA, 1976), Le singe noir et la tortue de Amon d’Aby (NEA, 1977) ou trois histoires d’Élisabeth Belaïch : Le zèbre qui vole, Comment le lièvre épousa la fille du roi, Le mariage du boa et de la grenouille
[3] Traoré a également travaillé comme infographiste pour Senco5.
[4] Il a aussi illustré des livres pour la jeunesse pour les éditions Falia (Mamita, 2003, Une case pour bébé lion, Un mariage dans la brousse, 2004).
[5] Il a également illustré un album pour enfants, Le jardin des rues, aux éditions Ruisseaux d’Afrique (2005).
[6] Fall a aussi illustré des contes pour enfants : Awa et l’âne édité par BLD et Les deux jumeaux ainsi que divers manuels scolaires. Également artiste peintre, il a fait des expositions à Rufisque et travaille en tant qu’illustrateur dans une agence de communication de Dakar.
[7] Après avoir pris sa retraite en 2008, Samba Fall est revenu sur sa décision en 2010 pour reprendre ses activités au Soleil.
[8] Si Dième a illustré de nombreux ouvrages pour enfants (en particulier la série des Bébé Amine ou Coucou le moineau en 2008, les deux chez BLD mais aussi Silla-bois ne mord pas écrit par Awa Ndir Seck) mais aussi Aguène et Diambone, mères des Sérères et des Diolas, recueil de mythes sénégalais adaptés par Mariama Kanté, il est aussi l’auteur de courts-métrages d’animation (sa formation d’origine).
[9] En Afrique, Tintin a également été traduit en arabe, en afrikaans et en créole mauricien.
[10] On peut consulter sa page face book, très active en tapant BD passion Dakar.
[11] https://www.instagram.com/sis_illustrations/?igshid=purn94blimoa