OIF: son porte-parole l’assure, Michaëlle Jean reste «déterminée». Interview.
Le Canada et le Québec ont annoncé, mardi 9 octobre 2018, qu’ils retiraient leur soutien à la candidature de Michaëlle Jean pour le poste de secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), dont le sommet démarre ce jeudi 11 octobre en Arménie. Justin Trudeau s’est rallié à la candidature de sa rivale, la Rwandaise Louise Mushikiwabo. Bertin Leblanc, porte-parole de Michaëlle Jean, revient sur l’annonce survenue la veille. Entretien.
RFI : Comment réagissez-vous à la décision du Canada de retirer son soutien à Michaëlle Jean ?
Bertin Leblanc : J’ai lu comme vous les déclarations de l’attachée de presse de la ministre canadienne responsable de la Francophonie. Nous, ce qu’on tient à rappeler, c’est qu’un consensus suppose un débat qui doit se faire dans les règles. Il y a des règles quand même qui régissent la nomination de la secrétaire générale. Le sommet commence demain (entretien réalisé mercredi à la mi-journée, NDLR). Nul doute que cette discussion aura lieu entre les chefs d’Etat et de gouvernement à huis clos.
Donc, vous attendez une déclaration de Justin Trudeau lui-même ?
Le Premier ministre canadien arrive dans quelques heures. Pour l’instant, il ne s’est pas vraiment exprimé sur la question, en tout cas directement. On a pris bonne note évidemment des commentaires de l’attachée de presse de la ministre responsable de la Francophonie. Mais pour l’instant, on est encore dans l’expectative d’une déclaration claire à ce sujet.
Est-ce que Michaëlle Jean envisage de retirer sa candidature ?
Pour l’instant, non. Il n’en est pas question.
Elle maintient sa candidature ?
Oui, Mme Jean est déterminée. Je vous rappelle que le sommet commence jeudi. Elle fera une grande déclaration évidemment lors de la cérémonie d’ouverture, qui sera un peu sa déclaration politique sur le sujet. Vendredi matin, elle doit présenter son bilan, son rapport qu’elle fait aux chefs d’Etat et de gouvernement. Donc, elle est assez impatiente de le faire.
Pour nous, l’objectif, c’est aussi de démontrer que ces quatre années ont servi à quelque chose. Elle s’est beaucoup battue. Mme Jean a beaucoup de convictions. Ce qui fait qu’on a envie que les chefs d’Etat et de gouvernement puissent entendre son bilan, le notent, et prennent une décision à partir de ce qu’on va leur apporter comme bilan. Et aussi, on a envie de pouvoir les entendre sur ce qui a été fait au cours des quatre années.
Mais elle y croit encore ?
Mme Jean est quelqu’un d’extrêmement déterminé. On y croit, parce qu’on est attachés aux valeurs de la Francophonie : bonne gouvernance, pratiques démocratiques… Mme Jean est très soucieuse de ces questions-là. Cela a marqué les quatre ans de son mandat et on espère qu’on pourra poursuivre le travail. Après, on s’en remet aux chefs d’Etat.
Elle reste déterminée comme toujours parce que c’est comme ça qu’elle est faite. Elle est très attachée à la Francophonie des peuples. Elle a développé toute cette passionnante doctrine de la Francophonie des solutions. Elle a beaucoup voulu marquer son passage sur le fait de tourner l’organisation vers quelque chose d’assez proche des gens. Je pense que c’est peut-être ça qui a pu… cela a marqué une rupture.
Ces trois derniers mois, Justin Trudeau s’est battu pour Michaëlle Jean. Il a pris son téléphone pour appeler les chefs d’Etat de la Francophonie un par un. Il a envoyé un émissaire en Afrique, un émissaire de haut rang. Vous devez être déçus, non ?
On va attendre la conclusion avant d’être déçus. Je dirais que pour l’instant, il y a une petite incompréhension, mais qui est peut-être due aussi à la distance. Le Premier ministre n’est toujours pas arrivé à Erevan. Donc on espère pouvoir discuter avec lui rapidement.
Et après, on ne veut pas présumer de la fin tout de suite. On appelle de nos vœux ce consensus ; évidemment, il est indispensable. Mais notre point de vue et le point de vue de Mme Jean, c’est qu’un consensus normalement doit être le résultat d’un débat et d’une discussion. C’est tout ce qu’on demande en fin de compte.
La France n’a-t-elle pas joué un rôle dans la décision du Canada, en tout cas de la ministre canadienne chargée de la Francophonie ?
Je pense qu’on le sait, la France avait choisi une autre candidate. Donc, les tractations ont eu lieu depuis quand même plusieurs semaines. On a été témoins. Le Premier ministre, Justin Trudeau, a rencontré, à quelques reprises je crois, le président français. Ils ont donc forcément discuté de cette question-là.
A New York notamment…
A New York, oui. On était tous à l’Assemblée générale des Nations unies il y a quelques semaines. Qu’est-ce qu’ils ont conclu ? Voilà.
On évoque un marchandage : les Français promettant aux Canadiens un siège non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU moyennant le retrait du soutien à Michaëlle Jean.
Là, vraiment, je n’ai aucune information à ce sujet. Ce que propose Mme Jean, c’est d’organiser une réflexion autour de ce que devrait être la Francophonie. Parce que ce qui a émergé dans les derniers mois, c’est qu’il y a différentes visions de la Francophonie. Où la veut-on ? Est-ce qu’on veut recentrer le travail sur la langue, comme on a pu l’entendre, ou est-ce qu’on veut renforcer le travail sur la bonne gouvernance et les pratiques démocratiques ?
Vous savez comme moi que Mme Jean a beaucoup travaillé sur ces aspects de bonne gouvernance et de respect des droits et libertés. Mais c’est encore là aux chefs d’Etat de nous dire de quelle Francophonie parlons-nous et voulons-nous. Je pense qu’aujourd’hui, dans les deux prochains jours, c’est un moment de vérité qu’on va vivre à Erevan. C’est un moment de vérité important pour l’avenir de la Francophonie.