[Interview] Françoise Loiret : « Les prix littéraires, en tant que lecteur, permettent de se laisser guider vers une qualité reconnue »

SENtract – Nous nous sommes entretenus avec l’auteure française Françoise Loiret. Standardiste aux éditions Fayard pendant plusieurs années, c’est une « madame Proust » qui a côtoyé et travaillé avec Claude Durand, l’inoubliable et remarquable éditeur de Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez. 

 

Salut Françoise Loiret. Nous sommes heureux de vous recevoir.

Salut. Merci pour votre attention à mon endroit.

Peut-on considérer Une vie de mots et De la lecture à l’édition- Dans les couloirs des maisons d’édition  comme des morceaux choisis du journal intime d’une standardiste de maisons d’éditions?

Je crois qu’on peut plutôt dire que c’est une ode à la lecture, à travers les événements de ma vie, dont bien sûr ceux dans une maison d’édition.

En quoi consiste réellement le travail de standardiste dans une maison d’édition ? Vous avez rencontré plusieurs écrivain (e)s, certain(e)s sont devenu(e)s vos ami(e)s. Dites-nous, est-ce compliqué de travailler et/ou de vivre avec des écrivain(e)s?

Le travail d’une standardiste et aussi celui d’une hôtesse d’accueil consiste à être à l’écoute pour répondre et diriger efficacement et rapidement. À être aimable aussi et dans l’empathie pour que les écrivains soient en confiance dans ce qui est leur maison d’édition, c’est un peu comme une vraie maison. Vous vous confiez et là c’est votre texte que vous confiez. Je dirais, à quelqu’un de confiance justement. Et l’hôtesse d’accueil standardiste est la première marche de cet escalier à monter. Est-ce difficile de vivre avec des écrivains ? Ont-ils quelque chose de particulier, voulez-vous dire ? Je crois qu’ils sont hommes avant tout avec leurs qualités et leurs faiblesses, mais leur essence qui est l’écriture a transcendé nos rapports humains et parler avec eux de l’écriture, du chemin pour être édité ou du sujet qui les a portés a quelque chose. Oui, de cet aspect « particulier » au sens le plus intéressant et émouvant de leur être.

Dans Une vie de mots, vous dressez « non  sans émotion, un beau portrait de Claude Durand ». Vous récidivez dans De la lecture à l’écriture-Dans les couloirs des maisons d’édition. Quels étaient, au-delà d’être votre collaborateur, vos rapports avec l’éditeur inoubliable et remarquable de Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez?

Claude Durand avait le don du silence. Étonnant pour un homme des mots n’est-ce pas ? Il ne palabrait jamais au risque parfois d’être abrupte mais aussi très concis. Il « centralisait ». Il cernait je crois l’essence de chacun. Pour ma part je crois qu’il avait compris mon amour pour la littérature mis au service de son entreprise et de ses auteurs. Au-delà de mon rapport professionnel, peu parlé comme je vous l’ai dit, je rapporte dans mon livre combien il m’a montré sa sympathie pendant ma maladie et son soutien pour une histoire de fleurs à l’accueil. C’est dans les détails des choses banales que l’importance d’une relation se ressent.

Proust, Albert Camus à Dorothée Letessier. Des auteurs qu’il faut avoir lus dans la vie certes, mais avez-vous des coups de cœur parmi les auteurs contemporains?

Bien sûr que j’ai beaucoup de coups de cœur pour les auteurs contemporains. Regardez ma page Facebook, j’y photographie tous les livres que je lis. Je me dis même souvent que je ne retourne pas assez aux auteurs dits classiques. J’aime tout particulièrement Lionel Duroy dont j’ai lu tous les livres pour son courage d’écrire sur les difficultés familiales dans leur mode de vie dysfonctionnel. J’aime aussi Stéphane Hoffmann qui, esprit Proustien, ne se défait ni de son élégance ni de sa vérité pour mieux décrire celle des autres et de leurs travers. Sans oublier Marie-Hélène Lafon qui « prend aux tripes » comme on dit. Elle dit d’ailleurs qu’elle écrit avec « ses tripes »

Au-delà de la littérature française,  quels sont les auteur(e)s d’autres domaines littéraires (pays) qui ont captivé celle qui flirte avec les bibliothèques depuis son enfance ?

Les autres auteurs d’autres pays que j’ai beaucoup aimés sont Stefan Zweig, Tolstoï et j’en oublie. Je connais peu la littérature actuelle des autres pays. À mon tort sans doute. Mais j’ai lu dernièrement Les impatientes de Djaili Amadou Amal que j’ai beaucoup aimé.

Il se dit qu’il faut avoir un piston pour avoir un prix littéraire. Que pensez-vous des prix littéraires aujourd’hui ?

Plutôt que de piston je dirais qu’il s’agit d’un parcours. Dans tout univers il y a des codes qu’il faut connaître, qu’il faut suivre. Les prix littéraires, en tant que lecteur, permettent de se laisser guider vers une qualité reconnue, mais il ne faut pas confondre avec la seule qualité à reconnaître. C’est juste une chance d’en faire partie.

Envisagez-vous de publier une fiction dans les jours qui viennent?

Oui j’envisage de publier une fiction dans les jours qui viennent. Si mon travail avance, il est encore trop tôt pour en parler. Je peux juste vous dire qu’il s’agit d’histoires d’amour aux différents âges de la Vie. Et j’écris en même temps avec une amie L’alphabet des souvenirs, sorte de biographie et de photographie d’une époque racontée par deux amies d’enfance.

Votre recommandation de lecture de cette rentrée littéraire ?

Bien sûr j’ai très envie de vous proposer On ne parle plus d’amour  de Stephan Hoffmann. Je fais confiance à son talent installé, car ce livre ne sort que le 18 août comme beaucoup des livres de la rentrée littéraire.

Merci pour votre disponibilité Françoise Loiret.

 

Baltazar Atangana Noah

Critique littéraire

noahatango@yahoo.ca 

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