SENtract / par CHRISTOPHE VOGT (AFP) – Le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Éthiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus, en première ligne dans la lutte contre la pandémie, est seul candidat à sa succession et sa réélection ne fait guère de doute.
« Nous avons accompli de nombreuses réalisations, mais il nous reste encore beaucoup à faire. Les objectifs atteints et les exigences à venir m’ont rendu plus déterminé que jamais à mener à bien notre projet consistant à doter l’organisation d’une plus grande agilité, avec un financement et des moyens durables et adéquats au service de chacun, dans toutes les communautés et dans tous les pays du monde », écrit le directeur général dans sa lettre de candidature.
Sa candidature unique a été confirmée vendredi par l’OMS dans un communiqué.
Âgé de 56 ans, ce spécialiste du paludisme est diplômé en immunologie, docteur en santé communautaire et ancien ministre de la Santé et chef de la diplomatie éthiopienne.
Le docteur Tedros, comme il aime à se faire appeler, était devenu en 2017 le premier Africain à prendre la tête de cette puissante agence de l’ONU, en première ligne depuis le début de la pandémie, faisant de lui l’un des visages les plus familiers de la lutte contre la COVID-19.
Il ne pourra pas aller au-delà d’un second mandat.
Sa candidature avait été présentée par 28 États membres de l’OMS, dont la France et de nombreux autres pays de l’Union européenne, mais aussi l’Indonésie, le Kenya et le Rwanda, a précisé l’OMS dans un communiqué.
Les États membres voteront pour le prochain chef de l’OMS lors d’un scrutin secret pendant l’Assemblée mondiale de la santé en mai 2022. Le mandat du futur directeur général débutera le 16 août 2022.
Pour et contre
La personnalité chaleureuse du directeur général, qui qualifie de « frère » ou de « sœur » bon nombre de dirigeants, tranche avec la froideur de la Chinoise Margaret Chan qui l’a précédé.
L’arrivée du démocrate Joe Biden à la Maison-Blanche, qui a remis les États-Unis dans le giron de l’OMS, lui a offert un second souffle, alors qu’il était attaqué sans cesse par l’ex-président américain Donald Trump (2017-2021), qui avait coupé les vivres à l’organisation, accusée d’être trop proche de la Chine et de mal gérer la pandémie.
Le ton plus critique du Dr Tedros envers la Chine, qu’il estime ne pas être assez transparente sur l’origine de la pandémie, lui vaut désormais d’être boudé par Pékin.
Il a aussi fait l’objet de récriminations très publiques de la part de plusieurs dizaines d’États membres, y compris ceux qui ont soutenu sa candidature, frustrés par sa gestion du scandale des violences sexuelles infligées par des employés de son organisation – parmi d’autres travailleurs humanitaires – en République démocratique du Congo pendant la lutte contre l’épidémie d’Ebola entre 2018 et 2020.
Un rapport indépendant avait fait état des « défaillances structurelles » et des « négligences individuelles » au sein de l’organisation. Et le Dr Tedros, qui s’est excusé auprès des dizaines de victimes, a aussi reconnu qu’il aurait pu être plus curieux, lors de ses 14 voyages sur place.
Il s’est également attiré l’ire du gouvernement éthiopien en raison du conflit dans la région du Tigré, dont il est originaire.
Plus de moyens, plus d’indépendance
Outre la lutte contre la pandémie de COVID-19, qui de l’aveu même du directeur général « est loin d’être terminée », les dossiers difficiles ne manquent pas.
L’OMS souffre d’un manque de moyens financiers et surtout de souplesse dans l’utilisation des fonds, qui lui sont souvent alloués par les donateurs dans un but très précis.
Elle manque aussi de latitude pour agir de son propre chef.
« La transformation et le renforcement de l’architecture de santé publique mondiale seront déterminants pour que le monde soit réellement prêt à prévenir une autre crise telle que celle de la COVID-19, ou pire encore, à s’y préparer et à y faire face », écrit le Dr Tedros dans sa lettre de candidature.
La pandémie a aussi montré que ses appels restent souvent sans écho, comme quand il réclame aux pays les mieux lotis de faire beaucoup plus pour réduire l’iniquité de la lutte contre la COVID-19, qui a déjà fait cinq millions de morts.