Dans un essai passionnant et limpide, l’universitaire montre qu’on ne peut réduire Michel Houellebecq à un écrivain déprimé à la tête d’une œuvre déprimante. L’auteur dePlateforme, dont on attend un nouveau roman à la rentrée, est avant tout un poète. La beauté est un affront à la douleur. Agathe Novak-Lechevalier donne à voir un Michel Houellebecq sensible et sentimental. Une œuvre ancrée dans la réalité. Son désintérêt pour la politique, son rejet de l’idéologie libérale, son constat du passage d’une « économie de marché » à une « société de marché », sa lecture ultracontemporaine de Pascal, son peu de foi en la psychanalyse. « Impitoyable école d’égoïsme, la psychanalyse s’attaque avec le plus grand cynisme à de braves filles un peu paumées pour les transformer en d’ignobles pétasses, d’un égocentrisme délirant, qui ne peuvent plus susciter qu’un légitime dégoût. » (Extension du domaine de la lutte.) La connaissance et la consolation du monde passent définitivement par la poésie. Seule la littérature, chez Michel Houellebecq, ouvre un possible.
L’œuvre de Michel Houellebecq rend-elle compte du monde?
Oui : il s’inscrit à cet égard directement dans la tradition du roman réaliste ; et ce n’est pas un hasard s’il invoque si souvent Balzac comme modèle. Comme lui, il cherche à mettre à nu les mécanismes et les ressorts de la société contemporaine ; comme lui, il sait remarquablement capter l’esprit d’une époque. C’est un des aspects de la consolation qu’il met en place : toute une génération s’est reconnue dans le « déphasage » si caractéristique des personnages houellebecquiens, dans cette façon de se sentir radicalement étranger au mouvement du monde. Mais j’explique dans mon livre que classer Houellebecq uniquement dans la catégorie des romanciers réalistes serait réducteur : il voit et il va plus loin – toute son œuvre cherche les moyens de dépasser la consternation que suscite la confrontation au réel.
Est-il un écrivain islamophobe?
Non : aucun de ses romans ne professe la peur ou la haine de l’islam. Soumission, qui est une fiction et non un essai, a été à tort interprété de cette manière. Quant à Plateforme, plusieurs personnages y critiquent en effet l’islam ; mais les livres de Houellebecq attaquent toutes les religions : dans La Possibilité d’une île, Daniel 1 parle des catholiques comme des « morpions du con de Marie » – à ma connaissance, personne n’a jamais pour autant accusé Houellebecq de « christianophobie »…