Sentract – Sous l’égide de Monsieur Alioune Diop, en partenariat avec le Goethe Institut Dakar, des rendez-vous mensuels appelée Salon Journalistique Ndadjé se tiennent à Dakar avec pour, entre autres objectifs de renforcer la culture musicale des participants et de contribuer à la dynamisation du journalisme culturel par la rédaction d’articles inédits. La sixième du nom touchait au « Message du reggae face aux défis actuels de la jeunesse africaine ». Un sujet débattu le 28 octobre 2021, par l’animateur radio Cheikh Amala Doucouré.
La doctrine rastafari née en 1930 dans le sillage du couronnement d’Haïlé Sélassié comme Empereur d’Ethiopie et qui, selon les légende, est descendant de Ménélik 1er, ayant donc dans les veines le sang de Salomon, reste un pilier fondamental du reggae et a contribué à donner une portée universelle à son message, surtout à l’endroit du peuple africain.
L’Afrique souffre de ses propres tares, dans une période de l’histoire – non encore finie – où les mentalités sont culturellement dominées, et conséquemment son économie contrôlée par les pays du Nord. Une aberration pour un continent vigoureusement riche de la force vitale de la jeunesse – frange majoritaire de sa population – et de ses richesses naturelles. Au milieu de ce faux déclin, s’invite le message du Reggae, un genre musical né en Jamaïque, dans les Caraïbes, une terre d’émigration forcée entre les XVe et XIXe siècle. Et dont le temps de son éclosion est ramené au début des années 1960.
Une jeunesse désespérée en manque de repères et de perspectives d’avenir, un système éducatif très mal adapté n’offrant, de l’école primaire au lycée, aucune qualification à l’élève, une mal-gouvernance persistante, et surtout, « une politique volontaire de blocage » du plus grand nombre des apprenants pour leur rendre difficile l’accès à l’Université, l’émigration clandestine, les conflits ethniques et frontalières, etc. participent à la désillusion, à la déconfiture sociale et économique affectant particulièrement les jeunes qui, en place et lieu d’une formation, sont « orientés vers des associations religieuses ». Et quel message, au milieu de ce chaos froid, le reggae pourrait-il apporter (à ces derniers) ? L’animateur radio, Cheikh Amala Doucouré y apporte son éclairage. En commençant par rappeler cette demande d’union entre les Africains formulée par Bob Marley, en 1978, dans son titre « Africa United », ou encore dans « Rédemption song ». L’anecdote la plus intéressante est relative à cet appel du king du reggae à l’endroit de cette frange de la société française réticente à aller participer au processus électoral en votant ; les haranguant en ces termes : « Vous êtes des descendants de Salomon. Relevez-vous ! ». Un appel qui sera payant puisque le 10 mai 1981, veille de la disparition de Bob Marley, ces derniers se sont présentés aux différents bureaux de vote, donnant ainsi la victoire à la gauche. Symbole de cette sorte de révolution, la Radio Pirate devint Radio Libre et facilita, en trois ans, la naissance de mille (1000) autres radios en France.
Pour que l’Africain puisse s’accomplir, il lui faudra, selon Cheikh Amala Doucouré, prendre exemple sur Marcus Garvey, symbole du refus de la déperdition. Conscient qu’il était que la condition du Noir est lamentable : aux États-Unis, au Canada ou ailleurs, son niveau de vie est insupportable. Il faut donc créer les conditions de son changement. « Tant pis si ta nationalité est canadienne ou américaine ! Quand tu es Noir, tu viens d’Afrique. Y a pas meilleure place que chez soi », dira Peter Tosh cité par le conférencier. Lequel d’ailleurs fustige l’attitude des intellectuels qui « ont failli à leur mission » en n’assumant pas leurs responsabilités ; abandonnant ainsi les masses aux prédateurs.
Le meilleur choix à faire est de rester en Afrique. À son avis, on appauvrit le continent par des pensées religieuses. « Nous devons révolutionner nos croyances. Si les Africains s’émancipent, ils n’iront plus dormir dans des champs en Italie. Seulement, le problème est que nous sommes domines dans les mentalités. Et qui te tient culturellement, te tiens économiquement », se désole-t-il. « Il faut que nous ayons confiance en nous », martèle M. Doucouré. Il est donc temps d’arrêter de rêver et de travailler tout en faisant de bons choix. Sans oublier de créer de l’orgueil. La bravoure des Éthiopiens face à l’invasion italienne qui s’est soldée par une défaite en est un bon exemple.
Le message du reggae est donc universel, révolutionnaire, politique et religieux, dira Cheikh Amala Doucouré. Tout ce qui est bon en Afrique est passé par le reggae et ses penseurs, appuie-t-il.
Bassirou NIANG