Ndèye Codou Fall, directrice des «Éditions Ejo» ; «Il n’y a pas de raison de faire des efforts dans les langues d’autrui»

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Ndèye Codou Fall est la directrice des «Editions Ejo» (mot rwandais qui signifie à la fois hier et demain, le passé et le présent). Elle se réclame disciple de Cheikh Anta Diop.  Membre de l’association «Fonk Sunuy Làmmiñ», elle est aussi professeure en  écriture journaliste en wolof et son crédo, c’est de valoriser les langues nationales, notamment le wolof. 

Est-il facile d’écrire en langues nationales ?

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On dit souvent que les langues nationales sont difficiles à transcrire. Il est vrai que nous avons été formés au français mais comme dit Serigne Moussa Ka, toutes les langues se valent et il n’y a pas de raison de faire des efforts dans les langues d’autrui sans pour autant respecter les nôtres. Cela ne veut pas dire qu’on exclut les autres langues car, maîtriser plusieurs langues, c’est toujours bénéfique pour chacun de nous. J’ai entendu une fois Souleymane Bachir Diagne dire, en citant le Prophète, que plus un être humain parle de langues, plus de personnes il est». Par exemple, une «Une si longue lettre» est écrite en français et c’est bien mais le plaisir que j’éprouve quand je lis la version wolof est plus agréable. Nos langues sont belles. L’effort qu’on fait par rapport à la langue française, on peut faire ce même effort pour la promotion et la valorisation de nos langues.

Pour cette 2e rencontre, vous avez mis un regard croisé sur deux ouvrages «Awo-Bi» et «Bataaxal bu gudde ni», qu’est-ce qu’on peut retenir ?

Maam Yunus Jeng a écrit «Awo-Bi» et Mariama Ba écrit «Une si longue lettre» qui a été traduit en wolof par Maam Ynuus et tata Arame Fall, linguiste sous le titre de «Bataaxal bu gudde ni». Toutes les deux traitent de la polygamie mais pas de la même de la manière. En ce qui concerne «Awo- Bii», le personnage principal, c’est Ndella. Son mari s’appelle Matar. Et quand ce dernier a voulu prendre une deuxième épouse, il l’a expliqué à sa première femme Ndella et cette dernière a accepté sans broncher. Par contre, dans «Une si longue lettre », avec Ramatoulaye quand il s’est agi pour son mari de prendre une seconde épouse, il n’a même pas eu l’humanité, ni la gentillesse, encore moins le respect de l’informer. C’est après coup que son frère, l’imam et son ami sont venus informer Ramatoulaye. Ce qui peut paraître irresponsable.

Donc, ces livres traitent la perception qu’a la société sur la polygamie ?

C’est exactement cela. Mais les voies, les approches et les manières d’aborder les thèmes sont différentes. Je pense aussi que les lecteurs aussi sont différents car Mariam Ba a écrit en français et Mame Yunus a écrit en wolof. Les prospections également ne sont pas les mêmes parce que dans «Awo- Bi»,  Ndella pense qu’elle devrait tôt ou tard avoir une coépouse. Car elle a un bon époux et quand vous avez quelque chose de bon vous devez vous  attendre à le partager.  Et dans une «Une si longue lettre», tout au long du livre, Ramatoulaye qualifie la polygamie de quelque chose de très lourd. Elle la décrit comme un calvaire, comme une catastrophe. Donc les prospections pour les deux dames en ce concerne la polygamie ne sont pas les mêmes.

Parlez-nous de cette association qui a pour mission de valoriser les langues nationales, le wolof plus particulièrement ?

Cette association est née en 2020. Nous avions organisé à Goethe Institut une formation en wolof pour les bibliothécaires. Au sortir de cet atelier, nous nous sommes rendus compte que les gens étaient intéressés d’écrire correctement la langue wolof. C’est plus tard qu’on a discuté avec l’Institut et l’initiative est née. C’est ça qui a donné aujourd’hui «Pencum Maam Yunus», qui fait partie de l’Association Fonk Sunuy Làmmiñ. Au début, c’était juste les mercredis pour aider ceux qui voulaient écrire correctement et maîtriser le wolof. Après, on a vu l’engouement des personnes, et on s’est dit pourquoi ne pas élargir «And dioubal mbind-mi». Car il y a eu beaucoup de fautes dans les médias, les panneaux publicitaires. On écrit comme on veut le wolof. Alors que si c’est en français on prend tout le soin pour ne pas être la risée de tout le monde. C’est pourquoi, l’association «Fonk Sunuy Làmmiñ» comprend trois branches :  «Alarbay lakk reewmi»,  «Pencum Maam Yunus» et «And Jubal Mind-mi». Une association qui regroupe plusieurs membres, des universitaires, des linguistes, des écrivains et  ceux qui sont intéressés par la vulgarisation des langues nationales. La langue c’est un marqueur identitaire. C’est important, ce que nous faisons dans les autres langues. Si nous arrivons à le faire dans nos propres langues, ce serait mieux. C’est une manière de rendre hommage à Cheikh Anta Diop qui a toujours dit qu’on ne se développe pas avec la langue d’autrui. J’ai approuvé l’idée d’un prix littéraire en langue wolof.

Avec Besbi-

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