SENtract- Les forêts occupent près du tiers de la surface de la terre, soit à peu près 4,06 milliards d’hectares. Elles jouent un rôle primordial dans la régulation climatique, et sont souvent présentées comme les poumons de la planète : en véritables usines de dépollution, elles absorbent le gaz carbonique et rejettent de l’oxygène dans l’atmosphère et à ce titre, elles constituent une arme efficace pour la réduction des gaz à effet de serre et pour la lutte contre le réchauffement climatique.
Les forêts participent également à la protection, à la fertilité des sols, à l’épuration des eaux, et à maintenir un bon niveau d’humidité du climat. Les écosystèmes forestiers fourmillent de nombreuses ressources et d’espèces, soit près de 80 % de la biodiversité mondiale ; des dizaines d’espèces arboricoles, des milliers d’espèces végétales, fauniques, halieutiques, des richesses du sol et du sous-sol, notamment des minerais. Toutes ces richesses et ces espèces forment une chaîne, un système intégré, dans lequel tous les éléments sont liés, chacun contribuant à la survie de l’ensemble de la biosphère. Le déséquilibre, la défaillance la dégradation ou la destruction d’un élément de cette biodiversité met en danger la survie des autres éléments, et partant, de tout le système.
La survie des peuples autochtones
La survie des peuples autochtones- le cas des pygmées au Cameroun- qui vivent dans et de la forêt dépend, plus que tout autre, de la préservation des espèces et des ressources qu’ils en tirent, notamment leur alimentation par l’agriculture, la chasse, la pêche et la cueillette ; des ressources pour l’habitat, l’ameublement, la pharmacopée traditionnelle; une source d’énergie, grâce au bois de chauffe ou au charbon de bois ; ainsi que divers autres outils ou objets utilitaires. A cela s’ajoute l’éco-tourisme forestier aujourd’hui en pleine expansion. Dès lors, la forêt est considérée par les peuples autochtones, non seulement comme une pourvoyeuse de ressources économiques, mais également comme un héritage culturel, un patrimoine ancestral qui leur est propre, et qui doit être transmis aux générations futures. Cependant, le rapport homme/forêt n’est pas toujours de tout repos. L’on constate, pour le déplorer, que ce réservoir de vie et de ressources est aujourd’hui menacé, et subit de plein fouet les conséquences de l’action excessive et non contrôlée de l’homme. La biodiversité des écosystèmes forestiers est menacée de disparition, notamment dans la région de l’Est-Cameroun dont le bois et autres ressources forestières sont surexploitées par des sociétés forestières, et ce risque concerne au premier chef la survie des peuples autochtones de la forêt, privés de leur ressources vitales.
Le problème crucial causé par la déforestation à grande échelle est celui des mesures d’accompagnement adéquates pour limiter les effets pervers y relatifs, notamment la reforestation, la reconstitution et la conservation de la biodiversité des écosystèmes dégradés ou détruits. Ces activités devraient être accompagnées par des initiatives visant à soutenir le transfert des connaissances entre les jeunes générations et les anciens afin de pérenniser les différentes valeurs et les ressources des forêts.
Accroissement démographique et exploitation mercantile des ressources forestières.
Selon le rapport de l’Organisation des Nations-Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) sur l’évaluation des ressources forestières (FRA) de 2020, la superficie de la forêt primaire dans le monde a diminué de 81 millions d’hectares entre 2010 et 2020. Le recul de la forêt en Amérique du Sud, par exemple, est de 2,6 millions d’hectares, tandis que l’Afrique a perdu 3,9 millions d’hectares dans la même période. Le constat est clair, les pratiques anthropologiques néfastes comme le déboisement et l’exploitation mercantile des ressources forestières participent à la rudesse du milieu. En effet, avec l’accroissement démographique, on se rend compte que les ressources forestières ne sont pas illimitées, qu’elles se raréfient et surtout que la surface des forêts n’est pas extensible. Afin d’éviter les difficultés et autres conflits, il devient indispensable d’anticiper, de prévoir des mesures visant à préserver durablement cette source de richesses, pour le profit des acteurs actuels et celui des générations futures. C’est d’ailleurs dans ce sens que le projet Cameroun tout porté par l’association For greening soutient et encourage l’implication des jeunes des quartiers défavorisés, et même au sein des peuples autochtones, dans la préservation des forêts et la création des espaces verts pour favoriser des écosystèmes résilients.
Les causes de la déforestation sont diverses : l’implantation d’infrastructures urbaines et routières ; le défrichement, l’abattage des arbres et les brûlis pour l’agriculture paysanne, mais leur impact est modéré sur la déforestation grâce au mode de cultures itinérante souvent utilisé, et les surfaces modestes des cultures villageoises. Les plus grands dégâts sont causés par l’exploitation forestière industrielle (50% due la production mondiale du bois vient des pays en développement) ; et l’exploitation minière, qui détruit la forêt, les sols, les cours d’eau et la biodiversité qu’ils abritent.
Et le Cameroun dans tout ça ?
Le Cameroun est concerné par les problèmes de gestion des forêts ; la zone forestière située dans la région sud du Cameroun est intégrée dans le vaste ensemble forestier du Bassin du Congo. La loi n° 94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche, gestion intégrée et durable, reconnaît aux autochtones le droit d’exploiter les ressources et espèces, en dehors des zones de reboisement, des sanctuaires et réserves fauniques et forestières protégés. Les diverses formes d’exploitation de la forêt instituée par la loi de 1994 sont : les forêts communautaires ; les forêts communales, les récupérations et ventes de coupes ; Les Unités Forestières d’Aménagement (UFA) ; les permis d’exploitation et les concessions forestières. L’objectif poursuivi est d’impliquer les populations autochtones dans la gestion de leurs forêts, réduire la pauvreté, promouvoir l’autonomisation et la responsabilisation des communautés riveraines. Toutes ces formes d’exploitations encadrées par les instances gouvernementales et internationales, les ONG et autres initiatives privées, s’accompagnent de nombreux dysfonctionnements qui ouvrent la voie à l’informel.
Malgré toutes les actions menées, il apparaît que le Bassin du Congo, auquel appartient le Cameroun, a perdu plus de 600.000 hectares de forêt primaire en 2020, soit une augmentation de 9% par rapport à 2019 selon les données publiées le 31 mars 2021 par Global Forest Watch de l’Université du Maryland aux Etats-Unis. Force est donc de constater que les dégâts sont de plus en plus importants et que les solutions envisagées suivent plus timidement. Il serait donc indiqué d’engager une synergie de moyens humains et financiers conséquents afin d’éviter la catastrophe annoncée. Une synergie des initiatives, gouvernementales, des ONG, des initiatives privées, des peuples autochtones de la forêt devrait être engagée pour renverser la vapeur en vue de la reforestation et de la reconstitution de la biodiversité.
Il revient en partie au gouvernement d’appuyer les organismes non-gouvernementaux et autres initiatives privées/publiques, en prenant des mesures vivant à combattre la déforestation. Il convient, par exemple, de redéfinir et redynamiser le rapport direct entre les exploitants de la forêt et les populations riveraines, qui se sentent laissées-pour-compte dans les processus de gestion actuels, en réduisant le nombre d’intervenants intermédiaires ; en portant assistance aux communautés villageoises dans leurs démarches administratives et juridiques, afin de leur faciliter l’accès aux redevances qui leur reviennent, ainsi que dans la réalisation effective de leurs projets sociaux.
Il y a encore de l’espoir…
Il faudrait aussi encourager l’exploitation intensive de la forêt en limitant les surfaces déboisées et en encourageant les projets agro-pastoraux intégrés. Et enfin, limiter la coupe de bois de chauffe et l’usage du charbon de bois et privilégier des énergies dites « propres » et renouvelables telles que l’énergie éolienne, électrique ou solaire. Encourager et démocratiser l’usage du cuiseur ou four solaire, puisque cette matière première existe à profusion en Afrique, à l’exemple du cuiseur solaire inventé par Diallo Abdoulaye Sadio, un chercheur environnementaliste malien.
Préserver la faune en réduisant le braconnage, non pas seulement par des mesures légales coercitives qui semblent montrer leurs limites, mais aussi par la promotion de l’élevage sous toutes ses formes, tout en privilégiant les complexes agro-pastoraux. Promouvoir et encourager les élevages non conventionnels et d’animaux sauvages (viandes de brousse) comme celui des hérissons, des pangolins, agoutis ou cobayes, expérimental au Cameroun, mais devenu réalité dans plusieurs pays sub-sahariens comme le Burkina Faso ou le Gabon.
Tout compte fait, au Cameroun en particulier, la situation sur le terrain laisse à désirer, les forêts sont surexploitées, sans réelle contrepartie pour les populations riveraines. En effet, une infime partie seulement de la redevance payée par les exploitants forestiers pour la réalisation des projets et œuvres sociaux tels que les routes, les ponts, les hôpitaux, les adductions d’eau, l’électrification, etc. parvient aux populations riveraines, en raison de la rétention de ces fonds par les nombreux intermédiaires. Les contrôles administratifs des activités forestières sont gangrénées par la corruption, le laxisme, l’incompétence de certains acteurs. L’option adoptée pour l’exportation des grumes brutes est peu avantageuse et constitue un manque à gagner pour le gouvernement et les peuples autochtones de la forêt. Les initiatives légales instituées en vue de la limitation de la déforestation et du braconnage s’avèrent peu efficaces. Diverses actions sont menées à tous les niveaux, et des solutions proposées pour limiter la destruction des forêts et de la biodiversité qu’elles abritent, sauvegarder ce patrimoine pour les générations futures et l’avenir de la planète.
Baltazar Atangana Noah
(noahatango@yahoo.ca)