SENtract – Devant des diplomates en poste à Bamako, le premier ministre malien a expliqué que l’engagement militaire français avait permis aux djihadistes de s’emparer d’une partie du pays.
Le premier ministre malien, Choguel Kokalla Maïga, a accusé lundi 7 février la France d’avoir œuvré à la partition de son pays à travers son engagement militaire, dans une nouvelle charge virulente devant des diplomates en poste à Bamako.
Maïga, chef du gouvernement installé par la junte arrivée au pouvoir à la faveur de deux putschs successifs, en août 2020 et juin 2021, s’en est pris à la France durant plus de quarante-cinq minutes, devant les diplomates réunis à sa demande à la primature, sans aller jusqu’à demander explicitement le retrait de la force antidjihadiste « Barkhane » conduite par Paris.
« Après [un] temps d’allégresse » en 2013, quand les soldats français ont libéré le nord du Mali tombé sous la coupe de groupes djihadistes, « l’intervention s’est muée dans un deuxième temps en une opération de partition de fait du Mali, qui a [consisté dans] la sanctuarisation d’une partie de notre territoire, où les terroristes ont eu le temps de se réfugier, de se réorganiser, pour revenir en force à partir de 2014 », a-t-il estimé.
Dans un contexte de vives tensions entre Paris et Bamako, il a convoqué le souvenir de la seconde guerre mondiale : « Les Américains n’ont-ils pas libéré la France ? (…) Quand les Français ont jugé que [la présence américaine en France] n’était plus nécessaire, ils ont dit aux Américains de partir ; est-ce que les Américains se sont mis à insulter les Français ? », a-t-il dit.
« On ne peut pas nous vassaliser »
Depuis que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a imposé au Mali, le 9 janvier, des sanctions soutenues par la France et différents partenaires du pays, la junte s’arc-boute sur la souveraineté du territoire.
Les autorités maliennes accusent la France, ancienne puissance coloniale, d’avoir instrumentalisé la Cédéao. Le but est « de nous présenter comme un paria, avec l’objectif inavoué et inavouable à court terme d’asphyxier l’économie afin d’aboutir pour le compte de qui l’on sait et par procuration à la déstabilisation et au renversement des institutions de la transition », a dit M. Maïga.
Les dirigeants français « n’ont jamais dit à leur opinion publique, quand ils intervenaient en 2013, qu’ils allaient diviser le Mali », a-t-il dit. « On ne peut pas nous vassaliser, on ne peut pas transformer le pays en esclave ; ça, c’est terminé », a-t-il poursuivi, en référence à la colonisation.
Maïga s’est aussi attaqué à Takuba, un groupement européen de forces spéciales créé par la France et destiné à accompagner les soldats maliens au combat contre les djihadistes. Takuba, « c’est pour diviser le Mali. C’est “le sabre”, en [langues] songhaï et tamacheq, ça n’est pas un nom qui a été pris par hasard », a-t-il dit.
Les légionnaires français comparés à des mercenaires
En plus de retarder le retour des civils au pouvoir, la France et ses partenaires européens et américains reprochent à la junte d’avoir fait appel au sulfureux groupe russe de mercenaires Wagner, ce qu’elle conteste. Devant les diplomates, au premier rang desquels l’ambassadeur russe Igor Gromyko, M. Maïga a assimilé les soldats de la Légion étrangère, corps de l’armée française, à des mercenaires.
Il a évoqué le rappel, en février 2020 – avant la prise du pouvoir par les colonels maliens –, de l’ambassadeur malien à Paris, Toumani Djimé Diallo. Celui-ci avait provoqué la colère des autorités françaises en accusant des soldats français de « débordements » dans les quartiers chauds de Bamako. Les autorités maliennes avaient rappelé le diplomate à la demande de la France « sur la base de simples déclarations (…) sur le comportement peu orthodoxe de certains légionnaires français au Mali, j’allais dire mercenaires », a déclaré M. Maïga.
Le Monde avec AFP