Ismael Teta est un nutritionniste de formation, qui mène une carrière humanitaire. Auteur de multiples publications scientifiques, il a publié Réminiscences(2016) et Autour du feu(2017). Il revient encore sur la scène avec un recueil de poèmes : Reviviscences, avec un zeste de réminiscences publié chez Afrolivresque en janvier 2022.
Vous êtes surtout connu comme nutritionniste/chercheur et vos travaux sont mis au service du développement des programmes de plusieurs organismes non-gouvernementaux internationaux ; pourquoi la poésie ?
Effectivement, je suis Nutritionniste de formation et je mène une carrière humanitaire et académique au sein des organisations internationales et des universités depuis plus de 15 ans. La Poésie est une passion que je découvre très tôt au lycée et avec laquelle je chemine depuis lors. J’aime l’idée de cette contraction de la complexité de la vie dans des mots bien sentis – que j’emprunte ou que je crée au gré mon écriture. J’ai (mon moi) aussi en commun avec la poésie cette inhérence du second degré. Cela dit, je m’essaie avec le même plaisir, (peut-être pas le même doigté), à d’autres types d’écritures, notamment les essais et l’écriture scientifique.
S’agit-il dans votre recueil Reviviscences, avec un zeste de réminiscences d’un prolongement de votre premier recueil Réminiscences ?
Réminiscences est mon premier recueil, composé à dessein de poèmes exprimant une certaine nostalgie de jouvence des thèmes abordés. Reviviscences va beaucoup plus loin – en plus d’un voyage dans le passé, il scrute et crypte l’actualité et la projette dans le futur. Plusieurs poèmes dans reviviscences décrivent
les errements de notre ère et du continent Africain – notamment la section 3 sur les incertitudes fuligineuses et en partie la section 4 sur les tergiversations légitimantes.
Comment s’est opérée la transition entre le chercheur, humanitaire et le poète ?
Il n’y a ni transition, ni incompatibilité, ni antagonisme entre ces 3 personnages de mon destin terrestre. J’aime à penser que le secret de l’épanouissement c’est la jouissance de ses passions. Personnellement de passions j’en ai 3, le travail, la lecture et l’écriture. Ces trois ‘métiers’ (Enseignant/chercheur, humanitaire et poète) s’imbriquent à loisir dans mes 3 passions et je n’hésite pas dans la même journée à toutes les exercer. La poésie s’est imposée un peu comme une mélodie ataraxique dans mon parcours de vie et a été un ami fidèle et réconfortant dans les périodes de ma carrière en pays de crises (Haïti post-séisme, Guinée pendant Ebola, Yémen, Tchad, Zimbabwe…).
Y’a-t-il un aspect autobiographique dans vos œuvres ?
Très peu – même si plusieurs proches lecteurs disent souvent reconnaitre des personnages ou des pans de ma vie. Je crois que le poète ou tout artiste ne peut complètement dissocier son œuvre de son être ; toutefois, c’est parfois le style que j’utilise qui m’est plus ou moins propre qui peut donner l’illusion d’une autobiographie par endroit. Dans certains poèmes, je vais d’une histoire vécue, de la frimousse d’une fille connue, d’une scène familiale ou nationale…pour explorer la thématique que je souhaite aborder. Il est donc possible, par moment de reconnaitre la fille mais pas l’histoire, le contenant mais pas le contenu.
De quoi s’agit-il dans Reviviscences, avec un zeste de réminiscences ?
Le recueil compte 54 poèmes regroupés en 4 sections : l’Anamnèse, première section pose le décor avec des poèmes plutôt sombres traitant de la débilité du cœur face à la famille, la maladie et de la mort. Dans la 2e partie Fièvre Fiévreux Fiévreuse, le cœur revient avec un peu plus de vitalité, dans un rôle ou il est plus aise – celui d’amoureux, d’amant, de contemplateur de l’autre, de la nature…La 3e partie Incertitudes Fuligineuses reprends les questionnements existentielles contemporaines sur l’impasse africaine, les mauvaises politiques et les dirigeants incompétents, l’abâtardie des peuples, le rôle douteux ou doutable de l’Occident et des organisations internationales, l’étourderie des peuples et la duplicité des leaders, le bon et le mauvais Dieu…enfin dans la 4e section Tergiversations Légitimantes, le recueil aborde la question des questionnements admis et interdits ; cette section explore notre (in)capicité comme homme à rentrer dans la peau des femmes et vice versa, comme parents à rentrer dans la peau des enfants et vice-versa, comme riche à rentrer dans la peau des pauvres et vice-versa, comme homosapiens à rentrer dans la peau des heterosapiens et vice versa
Vous avez une approche qui actualise le passé. Que recherchez-vous?
J’actualise le passé et futurise le présent. Je recherche l’amour impossible, celui qui survit à la déclaration – et pour ce faire, je peins celui que je connais et qui périclite systématiquement une fois consommée. Je recherche la paix impossible, celle qui réconcilie les marcheurs et tireurs-sur-marcheurs, celle qui surpasse les races et les religions.
Pour vous la littérature devrait-elle essentiellement être un jeu de mémoire ?
Pas de mémoire, pas de littérature. Tout personnage littéraire est la somme moins le tri des personnes réelles ayant dans un passé proche ou lointain crée une émotion positive ou négative chez l’auteur. Toute scène, toute thématique poétique, romanesque est le condensé sélectif du contenu de la mémoire vive et morte de l’auteur. Il ne faut pas ici confondre mémoire et passé (lointain)
Quels sont les auteurs qui vous ont inspiré?
Je suis un grand amateur de lecture mais je lis très peu la poésie. Les récits biographiques et autobiographiques sont mes principales lectures. Nihiliste non assumé et polémiste à temps partiel, je me nourris aussi des œuvres de controverses critiques sur des sujets tels la mort, la religion, l’histoire, la géopolitique…
Quel message veut faire passer le poète Ismael Teta avec Reviviscences, avec un zeste de réminiscences ?
Aucun – nulle prétention de passer un quelconque message, de donner une quelconque leçon. Je me pose en observateur non-averti du spectacle que m’offre la vie puis je décide de peindre quelques morceaux choisis – très souvent en nuance-de-gris car je ne crois ni au tout noir – ni au tout blanc.
Propos recueillis par Baltazar Atangana Noah
(noahatango@yahoo.ca )