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[Lettres dissidentes, d’ici et d’ailleurs] : « Nous sommes définitivement une démocratie majeure ! »

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Sentract – Dans une chronique précédente, publiée la veille des élections législatives, j’écrivais « Nous sommes une démocratie majeure » ! Aujourd’hui, sans revenir sur mon propos, je voudrais en préciser le sens et indiquer les éléments qui nous retiennent encore dans le nécessaire approfondissement de ce statut de démocratie.


Tout d’abord, il faut admettre, que dans le contexte sous-régional qui est le nôtre, marqué par des interruptions brutales de l’ordre constitutionnel consécutives à l’incapacité des acteurs du jeu démocratique à dialoguer d’une part, et de la faillite alléguée des institutions judiciaires à réguler le contentieux consubstantiel aux joutes électorales ; le Sénégal fait belle figure en réussissant l’organisation de 2 élections, à 7 mois d’intervalle, sans contestations sérieuses susceptibles de remettre en cause la qualité du scrutin. C’est du moins le jugement des observateurs internationaux qui ont séjourné au pays de la Téranga, à l’occasion de ces élections.


Les marqueurs de la démocratie dans un pays sont, de mon point de vue, la qualité du débat démocratique, la quête du consensus qui favorise la participation et des acteurs et du peuple ainsi que l’État de droit. Sous ce rapport, nous remplissons, dans une proportion satisfaisante, l’ensemble des cases. N’en déplaise aux opposants de ce pays qui considèrent, hâtivement et de façon fort peu rigoureuse, que nous sommes en dictature. Même les tenants de la ligne la plus radicale de l’opposition auront du mal à démontrer que le Sénégal est une autocratie. Ce pays dans lequel, des chaines de télé, assujetties à un cahier des charges et titulaires d’une fréquence attribuée sur cette base, passent l’essentiel de leurs grilles de programmes à diffuser de fausses nouvelles ou à alimenter des thèses absolument loufoques, sans être jamais sanctionnées. Comment peut-on admettre l’idée que nous sommes une tyrannie lorsque des activistes s’attachent à nourrir de leurs analyses – qui ne le sont que de nom – la théorie du complot permanent, sans être inquiétés ? Que dire de ces chroniqueurs auxquels le tapis rouge est déroulé sur les plateaux, qui pérorent sur des sujets pour lesquels ils ne disposent d’aucune expertise connue, dont le seul haut fait et le dénominateur commun est la détestation personnelle des tenants du pouvoir et l’adoration béate d’un leader de l’opposition ? Les interpellations intervenues suite à des plaintes individuelles pour diffamation et les cas d’auto-saisine du procureur, anecdotiques proportionnellement aux cas qui n’entrainent aucune réaction, ne remettent pas en cause la règle de la grande liberté, d’opinion et de presse, qui existe dans le paysage audiovisuel sénégalais et sur les réseaux sociaux.
J’ajoute qu’en raison de leurs victoires électorales passées, aussi et surtout, à cause des dynamiques démocratiques qui ont permis à leurs coalitions de faire campagne, sans exclusive, sur le territoire national. Enfin, et, même s’ils s’en défendent, leur refus de formuler des recours, en dernière analyse, à la suite de la publication des résultats provisoires, dénote qu’ils sont conscients que cette option leur est ouverte de même qu’ils admettent leur satisfaction quant à ce qu’il faut appeler une percée électorale. Enfin, les victoires remportées par leurs soins, devant le Conseil constitutionnel, saisi des recours formulés dans la phase préélectorale, quoi qu’en disent les Cassandre, illustre la véracité de l’indépendance du pouvoir judiciaire et la capacité du juge sénégalais à vider les contentieux et à ramener le calme dans l’espace politique.


Ensuite, Il faut regretter les dérapages verbaux, consubstantiels aux campagnes électorales certes, qui auraient pu distendre le lien national s’il n’avait pas été aussi solide. Sur ce plan, les arguments tirés de motifs ethniques voire ethnicistes formulés par un tenant de l’opposition sont critiquables. Il faut aussi condamner les « interdictions de séjour » édictées par des partisans du régime à l’encontre de listes rivales. Cette expression, conséquence de la notion de  »titre foncier » utilisée de façon maladroite par le président au sujet d’une zone du pays, sont autant d’éléments qui ont contribué à la surenchère verbale qui justifient et fondent les épisodes violents. Cette violence d’abord verbale, qui précède toujours la violence physique, a chahuté les règles du jeu démocratique, sans réussir à en altérer la substance, cependant.
Rentre dans cet ordre d’idées, la violence, verbale et médiatique, qui a accueilli la décision de Pape Diop de rallier le groupe parlementaire de la majorité présidentielle. A ceux qui ont vite fait de qualifier ce rapprochement de transhumance, il est utile de rappeler que la politique est faite d’une quête permanente de consensus. Cette dernière se fait aussi dans la liberté totale. En devenant député – faut-il le rappeler – le candidat élu endosse la qualité de député du peuple et sort des clivages partisans. Quand, en exerçant cette faculté démocratique, Pape Diop se voit dénier ce droit comme si le ralliement n’était éthiquement concevable que dans le sens du régime vers l’opposition, il faut dire avec force et tous ensemble : C’est inadmissible ! C’est inconcevable en république ! Nous avons tous entendu ses motivations basées, d’une part, sur le spectre du blocage qui pourrait advenir si la majorité absolue revenait à l’opposition, et d’autre part, celles tenant à sa proximité historique et idéologique avec BBY. Quelque opinion que l’on puisse s’en faire, ces justifications valent autant que les griefs qui leur sont opposés. Pape Djibril Fall et Thierno Alassane Sall sont logés à la même enseigne concernant le traitement injuste qui leur est réservé par les « bien-pensants ». Cette dernière catégorie de Sénégalais qui, sans pouvoir leur reprocher d’être « vendus » au régime en place comme cela a été insinué, les chahutent au moins autant, voire plus que Pape Diop, pour n’avoir pas rejoint les prairies de Yewwi Askan Wi et de Wallu.


En conclusion, je considère qu’il faut se réjouir que la coalition Benno Bokk Yakkar emporte la majorité absolue au sein de l’Assemblée nationale de sorte qu’elle soit dotée des moyens législatifs pour conduire plus loin encore les investissements colossaux qu’exigent le rattrapage de notre déficit infrastructurel et l’amélioration de l’équité territoriale ; deux chantiers d’importance dans le changement structurel du profil de développement de notre pays. Les importantes ressources pétrolières et gazières ainsi que la loi inédite et ambitieuse portant sur le contenu local – une initiative que nous devons à la législature sortante – sont autant de leviers pour rendre plus effective la politique de redistribution entamée avec environ 43 milliards à 55 000 familles démunies, l’élargissement de la base de ceux d’entre nous qui sont récipiendaires des bourses de sécurité familiale et le renforcement du pouvoir d’achat par les augmentations conséquentes de salaire offertes aux fonctionnaires de notre pays, cette semaine.


Pour finir, sur ce thème, nous pouvons dire, sans prendre de risques, que nous sommes une grande démocratie. Définitivement. Parce que notre peuple a toujours su faire des choix qui oscillent entre deux options : la gouvernabilité, d’un côté de la balance et la légitimité démocratique, de l’autre. Le vote de notre peuple a toujours été de nature à concilier des politiques volontaristes et ambitieuses dans les réformes tout en maintenant la stabilité et la gouvernabilité.
Plus qu’une opinion, c’est un fait peu discutable : au sortir des dernières élections, la démocratie sénégalaise s’est encore illustrée de façon positive, dans un espace sous-régional qui bruit des assauts répétés des autoritaristes de tout poil et de toutes sortes d’aventuriers d’un genre nouveau.

Gorgui Kafindia

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