[Khèèkhou Ndiago] Même après leur retrait du pays, les Maliens continuent d’insulter la force française Barkhane

Un militaire français patrouille au port de Korioume près de Tombouctou, en mars 2016

Sentract – Cet été, sur le front de la guerre de l’information, l’activité a été particulièrement intense en Afrique. Des infox toujours plus nombreuses visent la présence militaire française au Sahel, alors même que la force Barkhane s’est retirée du Mali le 15 août. L’angle d’attaque de cette désinformation consiste à affirmer que les soldats français aident les terroristes en leur fournissant des armes et des renseignements.

C’est une véritable attaque informationnelle. De nombreuses publications avancent que les soldats français soutiennent des groupes terroristes au Sahel. Cette infox est partout sur les réseaux sociaux, notamment en langues locales.

La dernière en date est une vidéo d’un homme qui s’exprime en fulfulde face caméra. Il se présente comme Ibrahima Diallo et dit appartenir au groupe terroriste Katiba Macina. Il explique avoir participé à l’attaque de la base de Kati le 21 juillet dernier, et affirme que son unité de combattants est aidée par la France qui leur fournit de l’argent, des armes et des véhicules. Selon lui, des soldats français l’auraient aussi formé pour « reconquérir le territoire malien ».

L'homme qui affirme avoir été soutenu par des soldats français est présenté comme un détenu djihadiste.
L’homme qui affirme avoir été soutenu par des soldats français est présenté comme un détenu djihadiste. © Capture d’écran Twitter/ RFI

Une vidéo activement relayée

D’après nos recherches, cette vidéo apparaît pour la première fois sur Twitter le 25 juillet, avant de se retrouver sur Facebook et TikTok. Soit quelques jours après l’attaque de la base de Kati par des jihadistes, à 15 kilomètres seulement de la capitale malienne.

Si la publication n’est pas devenue virale sur les réseaux sociaux, elle a beaucoup circulé sur WhatsApp en Afrique, notamment en fulfulde et en mandenkan. Elle a été repérée par Ibrahima Timbi Bah, rédacteur en chef de RFI en fulfulde.

« La vidéo a beaucoup circulé sur Whatsapp. Personnellement je l’ai reçu à plusieurs reprises de la part de personnes différentes. On sent qu’il y a une manipulation derrière le texte que récite cet homme. Sa diction n’est pas naturelle, on le sent en l’écoutant. » Ibrahima Timbi Bah, rédacteur en chef de RFI en fulfulde.

Une opération de désinformation

Cette vidéo n’est pas la première du genre. On retrouve le même procédé utilisé dans de nombreuses publications sur les réseaux, avec à chaque fois le témoignage d’un prétendu jihadiste prisonnier, récitant un texte similaire en langue locale, accompagné d’un script en français.

Les vidéos sont fabriquées de la même manière.
Les vidéos sont fabriquées de la même manière. © Captures d’écran/ Montage RFI

Les comptes qui propagent ces infox cochent toutes les cases d’un faux profil : leur création est récente, le compte ne dispose pas de photo de profil personnelle, les contenus mis en avant comportent le même message, etc. Ces faux comptes fonctionnent souvent en réseau. Ils relaient chacun leurs contenus pour toucher toujours plus de monde.

Les experts appellent ça la technique du « fake man on the street ». Autrement dit, un faux monsieur tout le monde, qui se fait passer pour un habitant, mais qui est en réalité un compte inauthentique, vecteur de désinformation. L’objectif est de légitimer le narratif à l’aide de faux témoins locaux.

Témoignages sous contrainte

Tout d’abord, ces témoignages n’ont jamais été authentifiés. Ensuite, on ne peut jamais se fier à la parole d’un prisonnier qui s’exprime forcément sous la contrainte, et le plus important, c’est qu’il n’y a absolument aucune preuve matérielle de ce qui est avancé. On assiste en réalité uniquement à un matraquage de pseudos témoignages destinés à attiser le sentiment anti-Français.

Ce narratif fallacieux est porté par l’État malien. Le 15 août, le ministre des Affaires étrangères malien, Abdoulaye Diop, a écrit une lettre au Conseil de sécurité de l’ONU dans laquelle il accuse la France de « collecter des renseignements au profit des groupes terroristes » et de leur « larguer des armes et des munitions ». Il a promis d’apporter des preuves, mais pour l’instant, il n’en est rien.

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