PAR OUSSEYNOU NAR GUEYE | ACTIVISTES ANTI-TROISIÈME MANDAT, VOTRE SIGLE NTM EST GROSSIER ET INDIGNE

AfrikaJom Center, Y’en a marre, AfricTivistes, Legs Africa, Ligue sénégalaise de défense des droits de l’homme, Raddho, Forum social sénégalais, Frapp France dégage, Uden, Seydi Ababacar Sy Ndiaye, et Abdourahmane Sow… Ce sont là les dix organisations activistes signataires d’une lettre ouverte collective qui met en garde Macky Sall contre la tentation de se représenter en 2024. Déterminées, elles ont choisi de hurler « NTM », « non à un troisième mandat ».

On voit bien, avec cet acronyme, que les rappeurs de Y’en a marre, qui connaissent leurs classiques, ont pris le pouvoir dans ce collectif anti-troisième mandat, ou plutôt anti-troisième candidature. Car, dans l’Hexagone, NTM est le nom d’un groupe de rap des années 1990 – qui s’est disloqué depuis –, composé de Kool Shen et de Joey Starr, et qui signifie « nique ta m…e ». Astafourllah!

Paroles virulentes

C’est très insultant pour la fonction présidentielle sénégalaise. Tout ce qui est excessif est insignifiant. Rappelons que NTM est à l’origine un groupe de « graffeurs » désœuvrés qui inondaient les murs des couloirs du métro parisien et ses wagons de ces trois initiales pour crier leur rage envers les pouvoirs établis et, osons le dire, leur haine de la société. « Je ne sais pas si ça a réellement eu un sens, c’était juste ce qu’on écrivait sur les murs. On n’avait pas de raison d’être exposé médiatiquement, alors on s’est appelé “Nique ta mère”. Après on a fait du rap et on a gardé le même nom », a déclaré Kool Shen en tentant d’expliquer la symbolique de ce nom.

Comme de bien entendu, NTM a été très critiqué pour la virulence de ses paroles. En juillet 1995, le jour même de la fête nationale française, lors d’un concert à La Seyne-sur-Mer organisé par SOS Racisme pour protester contre l’élection d’un maire du Front national (FN) à Toulon (en 2022, l’ex-FN a un groupe parlementaire, donc toute cette agitation n’aura servi à rien), NTM interprète le titre « Police ». Pour introduire le morceau, Joey Starr crie sa haine de la justice et de la police. Cela vaudra aux membres du groupe, à la fin 1996, une condamnation en première instance au tribunal à trois mois de prison ferme (et trois mois avec sursis) ainsi qu’à six mois d’interdiction « d’exercer la profession de chanteur de variété », pour « propos outrageants » envers les forces de l’ordre.

NTM interjette appel et, en juin 1997, la cour d’appel allège le jugement du tribunal de Toulon en condamnant Kool Shen et Joey Starr à 50 000 francs d’amende (environ 7 600 euros) et à deux mois d’emprisonnement avec sursis. Voici un extrait des paroles du morceau litigieux : « Nique la police / Nique le CSA / Donne-moi des balles pour la police municipale / Fous donc ton gilet pare-balles / à base de popopopop »…

Référence outrancière

En clair, le collectif des activistes sénégalais nous propose une référence outrancière, dérangeante et dégradante, dans son combat anti-troisième mandat ; combat dont on peut toutefois accepter la légitimité du principe. Mais la politique, en République et dans une démocratie, ne se fait pas dans la rue. Elle se pratique dans les assemblées délibératives, au sein du gouvernement et devant les cours habilitées à être saisies.

À défaut, on concourt à une course à l’échalote, avec le retour précoce d’un climat délétère : depuis que les Alioune Tine, Y’en a marre et autres ont décidé de battre le pavé avec leur texte collectif et leurs interviews subséquentes contre ce qu’il serait plus précis d’appeler une « éventuelle troisième candidature présidentielle » de Macky Sall (et non pas « un troisième mandat assuré », car ce serait vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué), les déclarations politiques publiques de ministres, directeurs généraux et soutiens du chef de l’État en faveur de sa nouvelle participation à la course à la magistrature suprême se multiplient.

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