Tract – Le centre de formation et de réinsertion ‘’Guédiawaye Hip Hop’’ a offert un concert de rap aux hommes détenus à la prison de Liberté 6, à Dakar. L’événement à la fois artistique et social s’est déroulé, rapporte L’APS – auteur de cette relation -, dans la cour du pénitencier, avec le disque-jockey Gass à l’animation.
L’occasion a été donnée à des artistes parmi les détenus de s’exprimer. L’un d’entre eux, de nationalité nigériane, sert de l’afrobeat au public, d’autres s’exprimant dans un autre art en embellissant les murs de l’intérieur de la prison avec des graffitis, au milieu desquels on peut lire : ‘’Goor Fitt’’. Deux mots wolofs pour vanter la bravoure masculine.
L’un des artistes placés en détention, qui se fait appeler Bamba-Christ, fait monter d’un cran le show lorsque ses compagnons de bagne reprennent en chœur ses refrains. ‘’J’ai ici des frères et des oncles. Vous des chambres 15, 1 et 2, manifestez-vous !’’ , lance Bamba-Christ, avant d’entonner : ‘’Thiaroye, Guédiawaye, Pikine, Grand-Dakar, on ne vous oublie pas !’’
Les détenus, assis sous une bâche ou accoudés aux fenêtres de leur cellule, suivent la scène musicale, sous la vigilance de quelques gardes pénitentiaires. A la musique succédait de temps en temps des messages d’encouragement et de conscientisation, dont les auteurs invitent les hommes placés en détention à Liberté 6 à un ‘’comportement exemplaire’’.
Depuis 2005, le rappeur Malal Almamy Talla, alias Fou Malade, organise des concerts de rap dans les geôles sénégalaises, notamment à la prison de Reubeuss, à Dakar. Ici, Fou Malade tente d’indiquer le bon chemin aux centaines de détenus réunis pour le concert, des jeunes pour la plupart, dont certains sont condamnés à la prison à perpétuité.
‘’Ecoutez, écoutez’’, lance-t-il aux prisonniers lui demandant de chanter pour leur plaisir. ‘’Si tu voles, si tu agresses, tu dois payer (…) Il faut qu’on s’entraide, pour que vous ne reveniez plus en prison lorsque vous serez remis en liberté’’, leur conseille le promoteur de ‘’Guédiawaye Hip Hop’’.
Le rappeur de Guédiawaye invite les détenus à entretenir des rapports décents avec l’administration pénitentiaire, notamment les gardes chargés de les surveiller.
Un ancien détenu : ‘’J’ai travaillé dur. Aujourd’hui, je possède une maison et je suis entouré de ma famille’’
‘’Guédiawaye Hip Hop’’ profite du concert pour donner un ancien détenu en exemple aux personnes placées en détention à Liberté 6. ‘’Je devais purger une peine de prison de quinze ans. J’ai passé onze ans en prison, puis j’ai été libéré depuis deux ans (…) Par la suite, j’ai travaillé dur. Aujourd’hui, je possède une maison et je suis entouré de ma famille. Vous pouvez en faire autant que moi’’, leur conseille Ndiogou Bèye. ‘’Soyez notre porte-parole (…) Les conditions de vie sont très difficiles, ici. Menez une médiation entre [les autorités judiciaires] et nous’’, dit l’un des prisonniers à M. Bèye.
Demba Sarr, intervenant au concert au nom du directeur de la prison de Liberté 6, tient à remercier ‘’Guédiawaye Hip Hop’’ pour l’organisation du concert dédié aux détenus. ‘’Nous ne saurions jamais vous remercier assez pour cet événement (…) Les pensionnaires ont perdu juste le droit d’aller et de venir, mais ils conservent tous les autres droits, dont le droit aux loisirs’’, précise M. Sarr, rappelant aux détenus que la vie en société est encadrée par des lois et des règles, d’où l’existence des prisons, selon lui.
Demba Sarr dit être fier de la conduite en prison de l’ancien détenu Ndiogou Bèye. ‘’Nous n’avons plus besoin de parler du sage détenu Nelson Mandela. Ndiogou Bèye est un bon exemple pour les pensionnaires’’, lance-t-il en invitant ces derniers au concert : ‘’Que la fête soit belle, c’est le Camp pénal qui gagne !’’
Les rappeurs Samba Peuzzi et Matador s’emparent ensuite des micros, pour la suite du spectacle. ‘’Jouer devant eux me fait plaisir. Cela fait mal de les voir ici, il faut qu’ils fassent tout pour ne plus revenir ici, lorsqu’ils sortiront de prison. Ce sont des frères, la plupart d’entre eux viennent de la banlieue. Nous demandons à l’Etat d’améliorer les conditions de vie des détenus’’, lance Matador en descendant de l’estrade, après avoir exécuté la chanson ‘’Soon boy’’, consacrée aux difficultés de la vie.
Le rappeur Ismaël Talla, alias Iss 814, est fortement applaudi après avoir gratifié les prisonniers du titre ‘’Xool ma ci bët’’ (Regardons-nous les yeux dans les yeux), repris en chœur par le public. Ismaël Talla monte trois fois sur scène, ses deux premières prestations étant interrompues par des coupures d’électricité.
Des artistes et des présentateurs d’émissions musicales, dont Pape Sidy Fall, de la chaîne 2STV, ont pris part au spectacle, qui a duré trois heures. Pour le bonheur des détenus !