Mag Buur La ! Depuis le siège du PDS, où il a tenu meeting hier en soirée, Abdoulaye Wade a donc annoncé la couleur pour les jours qui s’en viennent, couleur qui est bleue de chauffe. Celle que prend l’acier quand il est chauffé à blanc. Dans une circonlocution d’avocat qu’il reste, il a d’abord appelé les policiers à éviter de faire preuve de violence sur les futurs manifestants. Debout sur le parvis de la permanence PDS Oumar Lamine Badji de la VDN, l’insubmersible Pape du Sopi a tout de suite passé la quatrième vitesse et soulevé la foule nombreuse en appelant ses partisans exaltés à « répondre aux coups et ne pas fuir face aux grenades lacrymogènes ». Dans la foulée, il les exhorte derechef à brûler leurs cartes d’électeur, « instruments de fraude du régime Sall ».
« Vos cartes d’électeur c’est de la fraude il faut les brûler et éviter de les utiliser. Brûlez celles de vos familles. Si vous voulez qu’on reconstruise le Sénégal respectez mes consignes (…) Les listes électorales qui se trouvent au niveau des bureaux de vote aussi c’est de la fraude. A partir de samedi, rendez vous dans les bureaux, où il y aura les bulletins de vote. Sortez ces bulletins brûlez les afin qu’on organise d’autres élections. », a ponctué Wade, s’en prenant au matériel électoral.
Cette stratégie de la tension maximale, on ne pouvait en attendre moins de Wade père. Le Gorgui de Kébémer l’a expérimenté tout au long de ses 50 ans de vie politique : en face d’un adversaire qui dispose des moyens de l’État ou d’une meilleure position de négociation, il faut essaimer des mines explosives anti-personnelles qui obligent tout le monde à marcher sur le terrain avec circonspection. C’est ce à quoi Wade s’est attellé hier. « Maintenant, on peut discuter d’homme à homme » semble-t-il dire en son for intérieur. De ce point de vue, il n’est pas étonnant que le seul des 4 candidats de l’opposition à la présidentielle qu’il ait cité hier soit Ousmane Sonko. Il pense et croit savoir que le leader de Pastef, qui n’aura jamais été à court de déclarations incendiaires ces derniers mois, est assez tête brûlée pour le rejoindre dans la stratégie du boycott actif, à travers le sabotage des lieux de votes. Mais l’intérêt objectif de Sonko ne se trouve pas là, mais plutôt d’aller jusqu’à l’élection, où il est parti pour faire un score honorable, tel que Cabral Libii l’a fait au Cameroun, en tant que candidat des jeunes révoltés et de diasporiques énervés.
Dans quelques jours, si la mayonnaise ne prend pas, et parce que la mayonnaise ne prendra pas, Abdoulaye Wade devra donc se résoudre à une tactique électorale plus réaliste. Qui est l’aboutissement de toute stratégie incendiaire : s’asseoir à la table des négociations, avec ceux des candidats susceptibles de le représenter dignement dans ce combat pour une troisième alternance face à Macky Sall. A cet égard, les deux qui tiennent la corde pour obtenir une consigne de vote claire en leur faveur de la part d’Abdoulaye Wade sont Idrissa Seck de la coalition « Idy2019 » et Ousmane Sonko de la coalition « Sonko Président ». Avec un avantage aux points pour Idrissa Seck. Pour que donc cesse l’éruption du volcan Wade, il faudra tout de même que nos régulateurs sociaux que sont les grandes figures confrériques y mettent du leur pour le ramener à la raison (à la maison?) et lui mettent du baume au coeur. Abdoulaye Wade ne demande que cela, d’ailleurs. Qu’on lui force la main, avec tact et sans bafouer son honneur.
Revenu de son ire jupitérienne, Abdoulaye Wade devra alors choisir d’appeler à voter pour la sagesse, la synthèse des attentes populaires et l’offre d’espérance adossée aux expériences (Idrissa Seck) plutôt que pour l’aventure politico-économique, le dynamitage des institutions et les convictions nourries par la frustration (Ousmane Sonko).
Les Sénégalais qui ne sont incendiaires que dans leurs propos et jamais dans leurs actes (à part quelque pauvre femme aveuglée par la jalousie aux Maristes) en sauront gré au patriarche Abdoulaye Wade, de les avoir accompagnés sur le chemin qu’ils connaissent le mieux pour régler les contradictions explosives entre hommes politiques : le glissement calme de leur bulletin de vote dans l’urne.
Le seul pari qui doit être gagné par Abdoulaye Wade, c’est de peser de tout son poids moral- qui est encore grand dans les couches populaires – pour qu’il y ait un taux de participation massif à cette présidentielle du 24 février 2019 .
Ousseynou Nar Gueye