Tract – Chaque peuple a ses us et coutumes. Cela va du manger, au collier qu’on porte, en passant par l’habillement qui est propre à chaque ethnie et culture. Mais le fait de porter un habit n’est pas venu ex nihilo dans nos vies. C’est tout une histoire. Et la costumière de cinéma et de théâtre, Oumou Sy, nous dévoile comment nos peuples sont arrivés à porter des habits. Chaque ethnie avec une tenue qui lui est spécifique et qui correspond à son histoire. Récit…
Trouvée dans sa maison sise aux Almadies, entourée de ses étoffes de tissus et de machines qui tournent à plein régime, Oumou Sy lâche d’emblée : «Je suis envahie. Je suis en train de préparer un mariage.» Puis, ajustant son grand boubou «cuub» bleu d’orée, elle se lève et rejoint le salon. «Je suis à vous», dit celle qui est ancrée dans la tradition. La styliste campe d’entrée le jeu de la discussion. «Avant d’évoquer les différentes tenues des ethnies, de nos ancêtres, il faut parler d’abord du comment est venu l’habillement, l’évolution des boubous», introduit-elle, avec un large sourire qui noie ses yeux. Selon elle, la civilisation vient d’Egypte (elle fait partie de l’Afrique), chez les pharaons, ceux qui habitent la Vallée du Nil, jusqu’à Balkhiss avec la Reine de Sabah. «La Reine de Sabah était amie avec Moïse et elle avait sorti une partie de sa population pour que celui-ci les accompagne à la Terre promise. Mais comme Moïse ne pouvait pas aller sur la Terre promise, il y a eu plusieurs ethnies qui sont dispersées jusqu’à ce que certains atterrissent au Sénégal. Ce sont les fils d’Israéliens qui se sont dispersés un peu partout, parce qu’ils marchaient à pied ou ils étaient à chameau ou à cheval», explique-t-elle.
«C’est avec l’implantation de la religion qu’on a commencé à porter des habits»
A l’en croire, avec cette immigration-là, il y a eu la rentrée de l’islam, qui exigeait des gens de porter des habits. «Parce qu’auparavant, nos ancêtres s’habillaient avec des écorches d’arbre, du rafia non tissé, des velours de Kassai, etc. On ne portait pas de tissu. C’est avec l’implantation de la religion qu’on a commencé à porter des habits. Dans chaque famille, chaque maison, il y avait un seul boubou qu’on se partageait même pour faire la prière. De fil en aiguille, on a commencé à connaitre l’importance boubou. Chez nous, les Halpulaars par exemple, on te respecte à travers ton habillement correct. Mais tu peux avoir plusieurs habits alors que tu es nu», peste-t-elle. Avant d’ajouter : «Permettez-moi de faire une digression. Il y a tellement de belles filles qui n’arrivent pas à avoir un mari, car c’est la curiosité qui attire les gens. Or, il n’y a plus cette curiosité-là et à la longue, on banalise tout. Résultats : beaucoup d’hommes ne se marient plus, mais ce n’est pas parce que les filles sont beaucoup plus nombreuses que les hommes. Non, désolé, ils ont l’embarras du choix car on choisit la mère et le père de ses enfants.» Ainsi, Oumou Sy revient à l’accoutrement des rois de chaque contrée avec leurs différences. Par exemple, l’habillement d’Alboury Ndiaye est diffèrent de celui Lat-Dior ou du Buur Sine. Chacun à sa façon de s’habiller et les circonstances selon lesquelles qu’on doit porter un habit. «Le boubou d’apparat de Buur Sine n’a rien à voir avec celui qu’il porte pour aller au combat. Il portait du rouge et du noir tandis que Alboury portait le ‘’Thieuweuly’’, c’était 7 boubous plus les gris-gris, les pistolets, le ‘’diassi’’ (machette) et deux chapelets. J’ai un cousin que je taquine souvent quand je le trouve en train de faire son ‘’wird’’ avec ses deux chapelets. Je lui dis : ‘’yangui dawal fass. Dafa am batine’’», renseigne Oumou Sy. Qui ajoute : «Jusque chez les chefs religieux, chacun peut être reconnu à travers son accoutrement. C’est le cas de Thierno Souleymane Baal, El Hadji Malick Sy, Cheikh Oumar Foutiyou Tall, etc.».
Gardienne du patrimoine matériel et immatériel
Etant gardienne du patrimoine matériel et immatériel, la dame aux mains expertes est également revenue sur l’accessoire traditionnel de certaines ethnies. Pour elle, chez les femmes léboues, les perles qu’elles mettent c’est du Saurai, que portent aussi les Khassonkés. «Or, le lébou on le reconnait par son Ngalam, ses filagrammes et ses libidores. Les Sérères n’ont pas trop changé, car ils sont restés authentiques. Ils sont dans les colliers en Pémés. Mais il y’a plusieurs types de Pémés propres à chaque ethnie. Ce sont les formes qui diffèrent, mais les gens mélangent du tout, chacun à sa façon, on saute du coq-àl’âne. Comme moi, je suis une costumière, créatrice de costume, je sais faire la part des choses car les critiques d’art ne pardonnent pas, ils me contrôlent. C’est pourquoi j’essaie de ne pas mettre le pied dans le plat. Lorsque je dois recréer les ancêtres des autres, je ne dois pas faire d’erreur», fait-elle savoir. Et de noter qu’entre les Soninkés, les Halpulaars, Khassonkés, il n’y a pas beaucoup de différence. Parlant des coiffures traditionnelles, l’enfant métisse déclare : «Chez les peulhs, les coiffures sont inspirées des animaux. Il y a un motif de tresses qui s’appelle Sir Mbamba, inspiré de la crinière d’âne. Il y’a des tresses qui sont inspirées de la bosse de dromadaire qui s’appelle ‘’Dioubandé’’. D’autres sont inspirés des cornes de moutons qui s’appellent ‘’cravache’’. C’était inspiré des blancs qui avaient frappé les négriers avec ça. Chez les Wolofs, ‘’Ngouka’’ et ‘’Dimbi diéré’’ ; Tibiss, Pommou Ndar chez les Sonikés, etc.». Même si la mode avance, elle se réjouit du fait que la jeune génération revient à nos traditions, surtout lors des mariages. Cependant, s’il y a une chose que toutes les ethnies se partagent et regardent jalousement, c’est le traditionnel pagne tissé qui joue un rôle important dans la tradition africaine. Cette étoffe de prestige, un savoir-faire artisanal, est essentiel dans nos vies. C’est un pagne qui nous accompagne de la naissance à la mort. Ce qui fait dire à Oumou Sy que «ce pagne est très respecté parce que c’est fait à la main».
«L’Afrique n’avait pas de frontière»
«Chaque ethnie à ses motifs et ses couleurs. Chez les Haalpulaars, ce sont les rayures qui viennent du Mexique. Cela veut dire que nous sommes métissés. On retrouve le pagne tissé dans de nombreux pays d’Afrique sous différents noms. En Guinée-Conakry, ils disent ‘’Lépi’’. Au Burkina, on dit ‘’Faso Danfani’’ depuis Thomas Sankara. C’est ‘’Kanvo’’ au Bénin, ‘’Kente’’ ou ‘’Kita’’ au Ghana, ‘’Seru dunk’’ ou ‘’Seru rabal’’ au Sénégal», explique la styliste. Cela montre, selon ses dires, que «l’Afrique n’avait pas de frontière, c’est un seul continent. Mais c’est le jour où les blancs sont allés à Berlin qu’ils ont pris une carte du continent pour tracer la carte de l’Afrique, qu’ils nous ont divisés». Ainsi, elle rappelle que le pagne tissé est d’origine portugaise, avant d’être transmis aux Mandjaks qui ont créé leurs motifs et l’on amélioré. «C’est comme un élève et son maitre, c’est ça qui explique le changement de mode. Car, les Portugais sont les premiers qui sont arrivés au Sénégal, à Rufisque, Ziguinchor, Thiès, jusqu’en Guinée-Bissau. Les constructions portugaises sont toujours là», confie-t-elle.
Tract avec Besbi (Adama Aidara K)