Tract – Ce qui est important pour Suzie. Hommage aux mères courage. Tout simplement.
Je m’appelle Faby. J’ai trente un ans.
Merci de me demander ce qui est important pour moi.
On ne me demande jamais rien, c’est comme si lorsque tu deviens mère, tu n’as plus d’envies, plus de rêves…
Ce que j’aime, c’est le matin, lorsque je me lève à 5h30. Le chant du coq m’accompagne. C’est mon moment à moi.
La première chose que je fais, c’est me préparer une petite tisane de citronnelle. Le parfum que cela dégage enivre les sens, cajole l’esprit. Lorsque je bois cette tisane, je peux oublier un instant où je vis avec mes enfants.
J’ai trois enfants, sept, cinq et trois ans.
Je les élève seule. Leur père a disparu à la naissance du dernier. Il a d’abord découché puis un beau jour, il s’est volatilisé sans crier gare.
Nous habitons ici dans ce quartier populaire. Le plus difficile ce sont les odeurs tenaces des sanitaires. Tout le temps. Et il y a également les ordures non ramassées et les moustiques la nuit.
Nous pouvons agir contre les moustiques avec des répulsifs. Mais que pouvons-nous faire pour les ordures et l’assainissement collectif ? Franchement, que pouvons-nous faire?
Nous sommes fatigués d’attendre l’Administration. On se demande s’il y a des gens derrière ce mot. En tout cas, ils nous ont oubliés depuis que le monde est monde.
J’ai dit ce que j’aime mais pas ce qui est important pour moi.
Ce qui est important pour moi, c’est de ne pas tomber malade. Sinon qui s’occuperait de mes enfants ? Je n’ai pas le droit de tomber malade.
Avant j’avais des rêves, faire des études, réussir financièrement, voyager. La vie en a décidé autrement. De toutes façons, ici les études, c’est pour devenir chômeur. Regardez autour de vous… Vous croyez que c’est pour rien que les jeunes traversent la Méditerrannée ? C’est pour « découvrir » la Méditerranée ? Pour le plaisir de voyager ? Rires. Tchip…
Pays de chômeurs. Pays de désillusionnés…
Moi je suis une femme désillusionnée aussi. Une mère avec des responsabilités. Croyez-moi, je ne chôme pas. Je n’en ai pas le temps…
Le matin, je prépare le petit déjeuner de mes enfants et leur repas de la journée. Je fais le ménage. Je vérifie les cartables de mes enfants.
Au réveil, je m’occupe du dernier. Les deux premiers se préparent seuls.
Heureusement, l’école n’est pas loin. Mon aînée dépose ses cadets avant d’aller dans sa classe. Ils font le trajet avec les autres enfants du quartier.
A mon retour en fin d’après-midi, je m’occupe de mes enfants, de la lessive. En attendant mon retour, ils sont sous la responsabilité de la voisine. On s’entraide comme ça dans le quartier…C’est notre trésor à nous les femmes du quartier, l’entraide.
Est-ce qu’il tard pour réaliser mes rêves ?
Je tiens un petit commerce au marché. Je me bats mais ne gagne pas assez pour penser à autre chose que survivre au quotidien. Le bien-être de mes enfants d’abord. Mes rêves, ce sera donc pour plus tard… Ici et maintenant, je n’ai pas le temps de rêver. Non, vraiment pas.
Clarisse Magnékou