Tract – La fin des putschs en Afrique semblait se dessiner. En effet, entre 1960 et 1970, 65% des pays africains connaissait au moins un coup d’Etat, des révolutions de palais voire des assassinats d’opposants politiques. C’est un constat qu’établissait clairement Hélène D’Almeida Topor dans son ouvrage « La naissance des Etats africains »[1].
Ce phénomène avait ensuite fortement baissé et laissé plus de place à l’instauration de processus démocratiques qui suscitaient beaucoup d’espoirs. Ces dernières années, un peu partout en Afrique, s’organisent des élections même si elles ne sont pas toujours libres et démocratiques.
Cela semble être le cas au Gabon où Aly Bongo fils, installé depuis 14 années, met tout en œuvre pour s’éterniser au pouvoir malgré son incapacité physique et les énormes difficultés qu’il éprouve à sortir son pays des problèmes auxquels il se trouve confinés depuis des décennies.
Face à cette situation, des militaires de sa garde rapprochée, décident de l’écarter du pouvoir quelques heures suite à la proclamation des résultats de l’élection présidentielle qu’il aurait truquée et gagnée avec 64,27% des voix.
Tout cela c’est pour dire que les coups d’Etat reviennent et prolifèrent en Afrique. Ils occupent la une de l’actualité politique. Les commanditaires des putschs sont souvent des militaires qui tirent profit de ces difficultés, de l’incompétence des dirigeants, de la corruption des élites politiques et de la faillite financière des Etats pour s’emparer du pouvoir.
13 tentatives de coups d’Etat ont eu lieu en Afrique depuis l’année 2021. Certains ont réussi au Tchad, en Guinée, au Burkina Faso, au Mali, au Niger et au Gabon.
Mais quelles sont les raisons de ce retour aux coups d’Etat ?
C’est sans aucun doute les chroniques difficultés économiques issues des mauvaises politiques publiques constatées partout en Afrique qui constituent la raison fondamentale.
C’est un constat que j’ai moi-même établi dans mon ouvrage « Quelles alternatives pour l’Afrique [2]». En effet, les dirigeants africains accèdent au pouvoir sans projet politique. Ce faisant, ils sont incapables de répondre aux doléances des populations. Alors, ils se servent de l’appareil d’Etat pour accumuler des biens. Ils appauvrissent les pays par des opérations frauduleuses à l’occasion de l’attribution de marchés publics et par la récupération de juteuses rétrocomissions. Une complicité plus ou moins mafieuse s’établit également entre les dirigeants politiques et les opérateurs économiques étrangers. C’est souvent au niveau de leurs familles et de leurs proches en tant que prête-noms que les avoirs économiques sont accumulés.
Aujourd’hui, certains dirigeants politiques dont Aly Bongo, font partie des plus riches chefs d’Etat du monde. Inversement, les populations qu’ils dirigent sont devenues les plus pauvres de la planète. François Xavier Verschave[3], dans ses livres-enquêtes sur la Françafrique démontre que ces fortunes proviennent essentiellement de l’exploitation et du pillage des matières premières telles que l’or, le pétrole, le gaz, le manganèse, le diamant, le bois, le fer, les produits halieutiques…
Dans ces conditions, les politiques ont légué au peuple africain une économie détruite qui ne laisse aucun espoir à la jeunesse qui choisit d’ailleurs de prendre les pirogues pour fuir leur destin tragique.
En tous les cas, nous pensons que cette classe de dirigeants corrompus autocrates est contrainte de laisser la place. Les mutations politiques actuelles feront que cette génération de corrompus perdra de plus en plus sa stabilité et son assurance par rapport aux années 60. De nos jours, les contrepouvoirs sont de plus en plus organisés, nombreux et de plus en plus efficaces. Certains responsables politiques le savent et choisissent de persécuter et d’emprisonner arbitrairement des opposants ainsi que toutes les personnes qui dénoncent et combattent leurs politiques.
Pour conclure nous répétons que la jeunesse africaine a besoin d’hommes politiques crédibles qui usent d’un langage clair, accessible et qui leur proposent avec courage des solutions concrètes à leurs problèmes. Les jeunes décident désormais de voter pour des candidats convaincus et convaincants et non pas pour des dictateurs interchangeables. Ils veulent mettre un terme aux pillages des ressources de leurs pays ; pillages qui, d’après leurs dires, seraient organisés avec la complicité des pays occidentaux notamment la France.
La présence notamment militaire française souffre de plusieurs vices. Elle semble assister des régimes qui sont souvent patrimoniaux qui sont de plus en plus contestées par les populations. Aujourd’hui, il apparait clairement que cette présence doit se réorganiser ou est amenée à disparaître.
Afin de trouver des solutions efficaces face à la prolifération des coups d’Etat, il s’avère nécessaire que les dirigeants accèdent au pouvoir de manière démocratique. Il est également nécessaire que le nombre de mandat soit limité. C’est inacceptable de voir une famille s’installer au pouvoir depuis un demi siècle sans donner aucune possible alternance. Enfin il est urgent que la France pays dont la présence est fortement décriée revoie sa politique africaine.
Voilà en résumé notre modeste contribution à cette inquiétante actualité politique.
Momar-Sokhna DIOP Professeur d’économie-gestion et écrivain à Paris
[1]Hélène D’Almeida Topor, Naissance des Etats Africains, les Editions Casterman-Giunti, 1996.
[2] Momar-Sokhna Diop, Quelles alternatives pour l’Afrique, l’Harmattan, 2009.
[3]François Xavier Verschave, « La Françafrique, Le plus long scandale de la République », Editions Stock, 1999.