PORTRAIT : Iran Ndao, bateleur à SENTV et prêcheur « no limit »

Animateur à la Sen Tv, Iran Ndao est un prêcheur hors code. Sa méthode crue a bousculé la hiérarchie, charriant aussi une vive polémique.

Dans le vocabulaire d’Iran Ndao, les mots «pudeur» ou «décence» n’ont aucune signification, dès lors qu’il s’agit de s’adresser aux téléspectateurs. Avec le prêcheur à la Sen Tv, la fin justifie les moyens. Le message doit passer 5/5, peu importe le qu’en dira-t-on. ‘’Je n’hésiterai pas à me déshabiller à la télévision, si les enseignements l’exigent’’, tranche-t-il tout net dans un portrait que lui a consacré le journal EnQuête.

Chose promise, chose faite. Ibrahima Badiane à l’état civil, le prêcheur n’a hésité à transformer une salle de bain en studio télé, le temps d’une émission. Habillé d’un sous-vêtement et d’un pantalon léger, il a le corps trempé dans l’eau, rien que pour expliquer le bain purificateur, ‘’sangu farata’’, en wolof.

Il n’y a pas de tabou chez Iran. Il répond à tout, sans exception. Véritable ‘’phénomène’’, il aborde les sujets les plus sensibles avec une aisance qui frise la désinvolture. Fellation, langue fraiche, rallongement du sexe, tout y passe. A l’image de cette question d’une femme : ‘’Mon enfant pleure quand je fais l’amour avec mon mari. Qu’en pense tu ?’’. L’homme se permet même de montrer à l’écran comment éviter de péter en pleine prière.

Le sexe

Et comme si les téléspectateurs prenaient un malin plaisir à l’exciter, les questions tournent essentiellement autour du sexe. Surtout que beaucoup de femmes  qui posent les questions parlent non pas de leur mari, mais de leur petit ami. De quoi susciter la révolte chez certains Sénégalais qui l’accusent ainsi d’aller au-delà des limites acceptables et de faire la promotion de la perversité. Pendant ce temps, ses défenseurs trouvent que sa méthode facilite la compréhension.

Le concerné se défend de tout excès ou d’avoir outrepassé les valeurs islamiques. Il dit vouloir simplement s’appuyer sur la magie de la télévision pour aider ceux qui ont le niveau primaire en matière de religion. A ceux qui parlent de propos choquants, il rétorque : ‘’au collège, on expose le corps humain avec ses parties génitales, sans que cela ne choque‘’.

La popularité d’Iran Ndao n’est pas le fruit du hasard. En misant sur lui, Sen Tv, la chaine de Bougane Guèye avait un objectif bien précis : avoir un animateur religieux qui sort de l’ordinaire. Or, le talibé se Serigne Babacar Sy s’était déjà fait distingué dans ce domaine.

En fait, l’aventure médiatique du prêcheur a démarré en 1997 à Sud fm Thiès. Son émission qui passait tous les jeudis de 9h à 10h 30 mn était bien suivi. Les responsables de D-média ont compris qu’une fois sur le petit écran, il fera le buzz.

Petit fils de Crésus ?

Aujourd’hui, l’homme fait doublement les affaires de Sen Tv. Non seulement il a une audience, mais il ne perçoit pas de salaire. C’est du moins ce qu’il a toujours affirmé. Pendant le ramadan également, ses conférences sont ‘’gratuites’’ à priori. Même si les organisatrices ne manquent pas de lui filer une enveloppe pour la rupture du jeûne.

Né à Malem Hodar, l’enfant du Saloum a fait ses humanités au daaras de Serigne Babacar Sy. C’est là qu’il a d’ailleurs pris le surnom Iran.

Si le prêcheur se permet de faire dans le bénévolat, c’est qu’il n’est pas dans le besoin. Maître coranique de son, il n’est pas loin de rouler sur l’or. Plusieurs véhicules et des chauffeurs au choix. ‘’Je n’ai pas de chauffeur fixe. A chaque fois que je dois sortir, j’en prends un qui est disponible’’.

Même chose pour les voitures. D’ailleurs, Iran Ndao présente partout sa réussite comme un success story. L’homme aime raconter qu’il a des frigos et qu’il vend de la crème glacée et de l’eau fraiche, sans oublier son commerce de petit cola.

Morceau de pain rempli de fourmis

Aujourd’hui, il peut se permettre une vie de pacha. ‘’Je dispose d’un parc automobile assez fourni, avec des voitures de marque, avait-il confié au journal EnQuête. Je suis aussi, par la grâce de Dieu, propriétaire de plusieurs maisons à Tivaouane et un peu partout, sauf à Dakar, car je n’aime pas habiter dans la capitale’’.

Pourtant, l’homme a touché le fond en matière de pauvreté. Lorsque son père était agonisant, sa seule recommandation pour le petit Ibrahima était qu’il fasse des études. Envoyé au daara, le petit reste de 7h matin au crépuscule sans manger. ‘’Si je jeûne tous les jours depuis 20 ans, ce n’est pas un hasard. Puisque je ne mangeais pas, je me suis dit : pourquoi pas jeûner’’, raconte.

Un jour, tenaillé par la faim, Iran a trouvé un morceau de pain dans les toilettes. Il croyait avoir décroché le graal. Mais problème, il y a des fourmis dans le pain. ‘’J’ai essayé de les enlever sans succès. J’ai éteint la lumière afin de tout avaler’’, se souvient-il dans une interview. Depuis lors, il a fait son chemin pour devenir aujourd’hui une star dans le monde des prêcheurs.