Tract – Emprisonné durant neuf mois pour outrage à magistrat et tutti quanti, élargi de prison, en nocturne sous un ciel bienfaisant, avec son binôme Ousmane Sonko après la curieuse loi d’amnistie proposée par Macky Sall himself, Bassirou Diomaye Faye a été plébiscité par les Sénégalais après le vote de l’élection présidentielle du 24 mars 2024. Il devient le 5e président, le premier élu dès le 1er tour, mais aussi le plus jeune (44 ans) que le Sénégal ait élu depuis Senghor.
Pourtant, il est sorti de prison quelques jours après le démarrage de la campagne électorale, pour y prendre part. Une campagne- éclair, hors normes, finalement consacrant la victoire éclatante d’un homme ‘hors borne’, à la faveur de l’étouffement de son mentor, Sonko, acteur principal d’un bras de fer meurtrier avec le pouvoir depuis 2021, disqualifié de la présidentielle, prévue le 24 mars, par le Conseil constitutionnel. Ce dernier a laissé le plateau, quoiqu’il aurait pu ne pas le faire en mettant des gants pour manipuler le plan B. Bref, Diomaye fut élu avec une simplicité admirable, spectaculaire.
La victoire des ex-bagnards politiques est tellement surprenante que le camp adverse n’a rien vu venir, rien pu sentir. L’apothéose s’en est pris des ex-Pastéfiens (selon la volonté de Macky Sall) si bien que dans l’embellie de l’attente des résultats officiels tous les candidats se sont succédé à coup de messages pour féliciter le nouvel élu. Amadou Ba, le candidat de la mouvance présidentielle ‘sonné’ avec ‘wa Benno’ par ces résultats vertigineux, a titubé jusqu’au matin de 25 mars, pour enfin se réveiller républicain, reconnaître sa défaite et se décider à féliciter le nouveau locataire du Palais. Macky Sall – qui lui avait construit une cage sur mesure et c’est encore lui qui a fabriqué la clef pour le faire sortir – a également entonné la trompette des félicitations. Une courtoisie républicaine, depuis Abdou Diouf et Abdoulaye Wade.
Néanmoins, la victoire de Diomaye, c’est entre le calme et la sagesse de la population sénégalaise, dans sa majorité, qu’il faut la chercher. Munie de ses cartes d’électeur, elle a fait sauter les verrous de la porte d’un ‘système’ qui nous maintenait dans le roc d’une caverne d’embrouillamini, peuplée de terreur et de malheur, infligée de heurts et de pleurs, enivrée de beuveries et de diableries… Sunugaal ramait, à contre-courant, dans le flot de l’hémorragie de notre démocratie… On était aux abords du naufrage des espoirs.
Par la seule faute de dangereux calculs politiques et politiciens, le Sénégal a failli rater son parcours parce que quelqu’un avait décidé d’être un scénariste de mauvais aloi en voulant régner, lui et sa cour, sans partage et sans opposant, dans un pays qui l’a pourtant élu, il y a 12 ans, en le soutenant face à son bourreau nommé Gorgui qui a failli l’envoyer à l’échafaud au-dessus du présidium de l’Assemblée nationale. Une fois au pouvoir par la volonté du peuple Macky oublie son serment en préférant agir autrement avec son camp, investissant les mauvaises pistes caverneuses du champ politique pour faire ressentir son pouvoir en enfilant la cagoule de la justice.
Alors, on avait indexé Diomaye le débonnaire, dépouillé Sonko le combatif, disloqué Pastef la barque du ‘projet’. On avait embastillé d’autres leaders téméraires de ce parti et de ses partisans acharnés qui osaient faire trembler les murs de la République à coups de pierres, parfois de cocktails Molotov de la rue publique ou de panachages explosifs des ruelles de Colobane. On avait également cassé le calame, arraché le micro, coupé le signal de quelques journalistes résolus à faire leur métier, celui de livrer et diffuser l’info. L’atmosphère était délétère, la peur avait pris le dessus et face à des vagues d’indignation, une lueur de bons sens a émergé pour jeter les bases d’une sortie de crise. Ce fut d’abord l’esquisse d’un présumé dialogue national qui a pris forme sans la participation de la quasi-totalité des candidats à l’élection présidentielle du moment. Ensuite, Macky s’efforça avec la complicité de sa majorité parlementaire à faire voter l’amnistie qui permit de libérer les prisonniers ‘politiques’. C’est l’accalmie et la campagne peut sabler son champagne fait de ‘bissap’ et de ‘bouye’ en cette période de Carême et de Ramadan.
Mais finalement, un vent glacial mais énergique, fraîchement ‘ramadanesque’ et constamment ‘carêmiste’ souffla dans cette marée d’incertitudes et de dérives pour nous libérer et nous propulser dans les horizons de la paix, de la liberté d’expression et du choix d’un candidat prescrit par le peuple. Et, c’est la victoire du PEUPLE qui a bataillé pour puiser dans son patrimoine culturel du pays titillant la mythologie ‘Aguène et Diambone’ où se déroule l’histoire : Diomaye mooy Sonko !
Alors, aujourd’hui, 4 ans (presque la durée du deuxième mandat de Macky Sall) après les agitations politiques funestes qui ont frappé le Sénégal, les cicatrices sont encore visibles, attestant de la convalescence d’un peuple meurtrie. Pris en étau entre l’urgence des besoins quotidiens et les défis de satisfaire une jeunesse quêteuse de changement depuis les arcanes et profondeurs de l’Etat, les nouveaux élus sont dans la prescription de se battre, de se débattre pour relever les défis des attentes. Ils ont promis un projet qu’il nous recommande depuis, voilà plus de 5 ans.
Aujourd’hui, ici et maintenant, ils ont d’abord le devoir de réconcilier le Sénégal avec lui-même dans sa manière de faire la politique, dans ses valeurs culturelles, dans ses aspects éducatifs. Ils ont la lourde tâche du dépouillement et du raffermissement de la justice en lui faisant jardiner et fleurir l’état de droit. Ils se doivent de la clairvoyance pour élaguer les galéjades bureaucratiques doublées de la complicité ‘facturée’ et fardée des pesanteurs administratives.
Ils ont surtout la possibilité de ne pas s’investir dans la nuit sans étoile de la chasse aux sorcières. Par contre, ils ont la charge morale de défendre les populations contre ceux qui veulent les exploiter, les spolier et leur faire du tort. Mais surtout, contre eux-mêmes, les nouveaux gouvernants, en tenant et respectant leurs engagements. Ceux de leurs projets.
Dieu reconnaitra les siens en cette terre promise, et le peuple reste déjà éveillé sur la boule ‘pétrole et gaz’ qui suinte sur les côtes du Sénégal.
Bon vent Mister President Diomaye.
Cheikh Tidiane COLY -Al Makhtoum