‘Addina kenn defaru ko ci benn fan’*
Tract – À plusieurs moments de notre existence, nous prenons des décisions qui influencent nos comportements, ceux de notre entourage, nos parents, nos amis, nos collègues, et parfois de la société dans laquelle nous évoluons. Et encore si pareilles décisions sont prises pour une bonne gestion du travail et de son environnement, comme décidé aujourd’hui au Sénégal, les facteurs déterminants de sa bonne disponibilité et de son utilité sont perturbés par la coutume traditionnellement absentéiste de l’univers «Fonction publique».
Toutefois, le ministre de la Fonction publique n’a pas trainé les pieds. Récemment nommé à la tête du ministère, Olivier Boucal est très vite passé à l’acte. Par une circulaire signée vendredi dernier, il a informé l’ensemble du personnel de son département qu’«il sera procédé au démarrage effectif du système de pointage biométrique déjà mis en place, à compter du lundi 29 avril 2024». Cela, dit-il, dans le cadre du contrôle et du suivi de la présence effective des agents.
Ces lignes directrices couvrent donc une transposition qui se situe au-delà d’une dimension de notre conception sur l’administration publique en abordant la question du changement comportemental dans ce milieu défini humus d’une aire de développement. Notre vision commune pour vaincre, sous toutes leurs formes, ces postures laxistes et fainéantes, ne sera une réalité que si nous renforçons, non seulement les capacités socioprofessionnels des individus mais également l’impulsion d’une culture du respect des lois, des règlements et principes qui sous-tendent la fonction publique, et par-delà, toute l’administration.
Nous nous moquons de nous-mêmes quand il s’agit d’un rendez-vous, n’importe lequel. Nous y allons, évoluons et arrivons à « l’heure sénégalaise », avec plusieurs minutes ou heures de retard. Et nous nous en amusons, sans fausse honte. C’est sinistre ! Etre présent et à l’heure, au lieu de travail et même dans tout autre circonstance, doit être un sacerdoce : c’est un contrat moral, social et religieux.
Il est donc important de le savoir et, il est temps de mettre en branle ce culte du travail. Mais, il nous faut changer, nous départir de ces conduites trompeuses qui veulent que l’on s’amuse avec notre conscience en pensant que ce que l’on acquiert en terre sénégalaise, en nature tout comme en espèces sonnantes et trébuchantes, vient de notre capacité à se jouer des tours de passe-passe. Et cela a l’air de marcher, surtout face aux gens qu’on l’on nomme, en gloussant, les « gëm serwis », indexant de la sorte ceux pour qui le travail reste et demeurera un devoir appliqué à soi-même pour son bien propre mais surtout en faveur de la Société.
‘Sanctionner clairement les comportements inappropriés, encourager une culture du travail responsable, valoriser les comportements exemplaires’
Il est vrai, il n’existe pas de solution rapide pour le changement de comportement. La déclaration du ministre Boucal pourrait dégouter les fauteurs de troubles, mais il est temps de s’armer de courage pour le changement à long terme en chacun de nous. De cette acceptation, viendra la récompense de la persévérance qui déterminera notre ambition commune à vouloir développer notre pays.
Il nous faut, et les politiques doivent nous y aider, asseoir des lois, règles et règlements durables, inclusifs et sensibles aux questions du « comportement sénégalais » d’abord chez/en lui, ensuite dans la rue, à son lieu de travail. Mais alors, il faut que nos décisions reposent sur des choix avisés qui concernent tout le monde, gouvernants comme gouvernés, citadins comme villageois…
Alors, pour contrer les retards et les absentéismes, il est essentiel de créer une dynamique de changement significatif. Cela peut passer par des mesures telles que l’instauration de systèmes de pointage précis, la sensibilisation à l’importance de la ponctualité et du travail assidu, ainsi que des sanctions claires pour les comportements inappropriés. De plus, encourager une culture du travail responsable et valoriser les comportements exemplaires peuvent également contribuer à instaurer un changement durable.
Et pourtant, nos élans culturels et religieux nous exhortent en longueur d’heures – entre salves de proverbes, bouquets de parole d’apôtre et chapelet de hadiths -, pour nous définir notre statut de l’appartenance à des groupes sociaux qui doivent travailler dans la veine du « fulla, fayda ak jom». Et cela, avec une mesure de «kersa» jaillissant dans le bien-être pour tous et entrainant la satisfaction individuelle.
Il est dommage que ces valeurs que nous chantons et ressassons à travers des générations ne s’appliquent que dans l’oralité. Il est grand temps de nous ressaisir pour passer à l’action, au travail sans tricherie, ni mesquinerie. Et cela nécessite, faut-il encore le rappeler, un engagement à long terme tant des gouvernants que des citoyens pour créer la trajectoire d’un passage déterminant dans la société SÉNÉGALAISE.
Cheikh Tidiane COLY
Directeur de publication
*Le monde n’a pas été créé en un jour