C’est un bras de fer qui s’est engagé ces deux derniers jours à Accra. Pour la première fois, les acteurs ivoiriens et ghanéens de la filière cacao – près des 2 tiers de la production mondiale – unissent leurs forces pour tenter d’infléchir les marchés.
Leur alliance vise à obtenir un prix plancher : 2 600 dollars la tonne. Concrètement, pour faire pression sur ces marchés, la Côte d’Ivoire et le Ghana suspendent jusqu’à nouvel ordre la vente du cacao qui sera récolté lors de la campagne 2020-2021. Il faut savoir que l’essentiel de la récolte est vendu avant le début de chaque campagne.
Le but affiché de cette épreuve de force qualifiée « d’historique » par certains opérateurs, c’est de mieux rémunérer les producteurs. Aujourd’hui en Côte d’Ivoire où le cacao pèse 10% du PIB, le prix bord-champ fixé par l’État à 750 francs le kilo cette année, n’est pas respecté.
Il se situe en réalité plutôt entre 500 et 700 francs le kilo selon l’Association nationale des producteurs de Côte d’Ivoire, l’ANAPROCI, dont le président Kanga Koffi est très réservé sur l’issue des discussions d’Accra.
« On attend de voir quel sera l’impact réel sur le terrain pour les producteurs. L’État de Côte d’Ivoire a déjà décaissé 38 milliards de FCFA de subventions, mais les producteurs n’en ont pas bénéficié », explique le président de l’ANAPROCI.
Selon Kanga Koffi, compte tenu des charges, officielles ou officieuses, qui pèsent sur les producteurs ivoiriens, un prix décent se situerait autour de 1 000 francs le kilo.
Les producteurs devraient en savoir plus le 3 juillet lors d’une réunion technique à Abidjan convoquée pour discuter de la mise en œuvre de ce prix plancher.
■ L’industrie ne semble pas ébranlée par l’annonce
L’industrie ne semble pas effrayée par cet ultimatum, car pour le moment, le marché du cacao est plutôt favorable.
Négociants et chocolatiers attendent d’en savoir un peu plus, mais ils ne sont pas plus ébranlés que cela par l’exigence d’un prix plancher de la part du Ghana et de la Côte d’Ivoire. « Le cacao n’est pas une matière première assez chère », confie même le PDG du chocolatier français Cémoi.
« Tout ce qui va dans le sens des producteurs est bon », juge de concert un négociant. Quant à Nestlé, la multinationale suisse dit « attendre avec intérêt la poursuite des discussions constructives qui identifieront des mesures réalisables ».
Il faut dire que le marché du cacao est plutôt porteur actuellement, la demande est forte sur tous les continents. Les cours sont d’ailleurs plutôt bons depuis un an, et mercredi, ils ont quasiment rejoint le niveau demandé par les deux géants africains du cacao.
Si les marchés à terme devaient replonger de nouveau, ce serait évidemment une autre affaire, ces marchés financiers intègrent d’autres acteurs, comme les fonds d’investissement. On espère, confie le chocolatier Cémoi, qu’en 2020-2021, le prix demandé par le Ghana et la Côte d’Ivoire deviendra le prix de marché.