Tract-Dans les années 50, il n’y avait pas que Mohamed Ali qui pouvait voler «comme un papillon».
De l’autre côté de l’Atlantique, Pape Gallo Thiam, brillant athlète, surnommé «le surdoué du saut», volait plus haut. A 2 mètres 03, il n’a pas seulement dépassé la barre du saut en hauteur lors des championnats de France, mais il a aussi fait voler en éclats quatre siècles de stéréotypes et de préjugés raciaux. Son nom ne vous dit peut-être rien. Mais, il est certainement un des plus illustres champions que le Sénégal ait connu. Pape Gallo Thiam, né le 24 janvier 1930, est un athlète accompli qui a laissé à la postérité des lettres de noblesse dans un domaine où il s’est vaillamment illustré et dont les jeunes ont tout à apprendre. Cet amoureux de l’athlétisme, a fait la fierté de ses frères sénégalais en France, en battant, à plusieurs reprises, le record de saut en hauteur.
C’est à l’âge de 16 ans qu’il noue ses premiers amours avec l’athlétisme. Durant son cycle secondaire au lycée Van Vollenhoven devenu Lamine Guèye, il s’exerce à la pratique du saut en hauteur. Très vite, il s’illustre dans le domaine. Des compétitions scolaires, il gravit les échelons et atteint les clubs civils du Sénégal. C’est le début d’une riche carrière en France, de 1946 à 1956.
1947 est l’année de sa consécration. Alors que Pape Gallo Thiam évolue en cadet, il bat le record de l’Afrique occidentale française (Aof) avec un bond de 1 m 73. L’année suivante, il pulvérise son propre record et atteint la barre de 1,9 m lors des championnats de France d’Athlétisme à Paris. En 1949, il vole encore plus haut en franchissant la barre placée à 1 m 99. Mais le meilleur restait à venir pour celui que l’on surnommait à l’époque le «surdoué du saut». Durant plusieurs années, il domine le saut en hauteur français en optant pour un rouleau costal personnalisé, rapportent des témoins de ses prouesses.
Le 27 avril 1950, il bat le record de la France
Ainsi, à la grande stupéfaction des dirigeants et techniciens de la Métropole, l’athlète sénégalais réussit le 27 avril 1950 sur le sautoir du Lycée Van Vollenhoven de Dakar une performance historique faisant tomber plusieurs barrières psychologiques et autres préjugés tenaces. Pape Gallo Thiam atteint la barre des 2 m 03. Du jamais vu ! Et venait tout simplement d’améliorer le record de France qu’il tient durant 6 ans. Il venait d’avoir 20 ans.
Sa performance lui ouvre les portes d’une carrière exceptionnelle en équipe de France. Sa carrière prend un nouveau tournant. Il capitalise 23 sélections et 12 victoires internationales. Excusez du peu ! Mais en 1952, sa carrière connait un flottement. Blessé, il ne participera pas aux jeux olympiques d’Helsinki.
A côté de Battling Siki, premier champion du monde noir, d’Abdou Sèye considéré comme le sprinter le plus doué de son époque, Habib Thiam, brillant champion de France et du monde universitaire, Malick Mbaye, cet autre prince des sautoirs, Lamine Diack, premier Sénégalais à culminer à près de 7 m 70 à la longueur, Idrissa Dione qui s’appuya sur ses gants pour conquérir l’Europe et la boxe après Assane Diouf, Pape Gallo Thiam a réussi des prouesses qui le classe au panthéon de ces grands sportifs sénégalais.
Mais l’un des titres les plus honorifique et prestigieux qu’il a porté c’est celui du trophée «Champion des champions 1950». Cette année là, Pape Gallo Thiam était resté invaincu. Il avait réussi à élever le record de France du saut en hauteur à 2,03 m, égalant les meilleurs records américains, devenant ainsi le premier noir sacré “champion des champions”. D’ailleurs, chaque année depuis 1946, le quotidien L’Equipe met en compétition un magnifique challenge donné en garde pour un an au meilleur champion français de l’année. Il s’agit d’un trophée détenu par Jean Sepheriades (aviron en 1946), Alex Jany (natation en 1947), Marcel Cerdan (Boxe en 1948), Alain Mimoun (athlétisme en 1949). Thiam y occupe la tête de liste dans le classement des 10 premiers. Il est le premier champion noir à recevoir la prestigieuse distinction de Helms Fondation des Usa en 1950. Membre de l’équipe de France d’athlétisme durant dix ans, il met fin à sa carrière en 1956 pour poursuivre ses études d’ingénieur à Paris.
Un esprit sain dans un corps sain
En effet, Pape Gallo Thiam n’était pas simplement un sportif. Il était aussi un brillant étudiant devenu ingénieur des travaux publics.Il est un sortant des écoles des Beaux arts de Paris et Institut d’Urbanisme de Paris en 1957, puis de l’école spéciale des travaux publics de Paris où il a obtenu son diplôme d’ingénieur en 1959.
Il a ensuite travaillé jusqu’en 1961 comme ingénieur-projecteur au Bureau technique André Bott à Paris avant de rentrer au Sénégal pour officier comme ingénieur des travaux à la Sosepar, Société créée par des Sénégalais à Dakar de 1961 à 1963. Entre 1963 et 1967, il a travaillé à l’entreprise générale africaine des travaux publics (Egatp), Société créée par un groupe d’entrepreneurs sénégalais, en tant que Directeur technique avant d’être le Directeur général de l’entreprise.
Pape Gallo Thiam a poursuivi ses activités dans le secteur du bâtiment et des travaux publics en collaboration avec l’Ohlm, la Sicap et le Génie rural, pour la réalisation de divers programmes de construction (Hlm 1, Hlm 2, Hlm 3, Hlm 5, Allées du Centenaire, Sicap Liberté 4, Sicap Mermoz, Liberté 6, Sacré Coeur 2, Sacré Coeur 3).
Il a participé à la construction de la Foire de Dakar, au siège de la Bceao et de la centrale du Cap des Biches.
Ambassadeur honorifique, il a été décoré tour à tour de l’«Ordre Olympique», de la médaille d’Officier de l’Ordre national du mérite sénégalais, de la médaille d’Officier de l’Ordre du mérite français et est titulaire de Iaaf vétéran (Médaille de Vétéran). Le 14 janvier 2001, il a tiré sa révérence à Paris. Il était alors âgé de 71 ans. Il repose au cimetière de Yoff, à côté de son père.
Fatima Sédar