KENYA : Le chef de la police démissionne après les manifestations meurtrières

Tract-Au Kenya, le chef de la police a dû démissionner au lendemain du limogeage de la quasi-totalité du gouvernement et deux semaines et demie après des manifestations contre un projet de loi de finances violemment réprimées par les forces de l’ordre locales. Japhet Koome a en effet démissionné ce 12 juillet 2024 et le président du pays, William Ruto, l’a accepté, selon un communiqué publié sur X par le porte-parole de la présidence. L’intéressé était en poste depuis novembre 2022.

Aux yeux des manifestants, il était vu comme le responsable des violences policières qui ont émaillé le mouvement de contestation de la loi de finances, rapporte notre correspondante à Nairobi, Gaëlle Laleix.

Le 25 juin, des manifestations contre de très contestés projets de nouvelles taxes avaient dégénéré, de jeunes manifestants prenant d’assaut le Parlement. La police avait tiré à balles réelles sur la foule.

Selon la Commission nationale kényane des droits de l’Homme (KNHCR), 39 personnes sont mortes depuis la première manifestation le 18 juin. De nombreuses organisations de défense des droits humains ont alors critiqué les méthodes employées par les forces de l’ordre et demandé l’ouverture d’enquêtes.

Mais si le départ de Japhet Koome était une des requêtes des manifestants, cela pourrait ne pas calmer la tension. « Sa démission n’est pas suffisante, déplore Ernest Cornel, chargé de communication de la KNHCR. Il doit assumer ses responsabilités. Il doit être jugé ! ». La KNHRC avait déjà porté plainte l’année dernière contre Japhet Koome. Mais cela pour les violences policières qui avaient eu lieu durant la contestation post-électorale de 2017 et qui avaient tué 33 personnes.

Une dizaine de corps retrouvés près du poste de police de Kware
Le même jour, une dizaine de corps ont également été retrouvés dans le bidonville de Mukuru à Nairobi. Enfermés dans des sacs plastiques, ils gisaient à l’air libre dans une carrière, non loin du poste de police de Kware. Quand les populations se sont regroupées pour demander des comptes, elles ont été dispersées aux gaz lacrymogènes. Une enquête est ouverte et les fouilles se poursuivront demain.

Le bilan pourrait encore s’alourdir, car les fouilles de la police, ont été interrompues en fin d’après-midi par un mouvement d’humeur des riverains de Mukuru, qu’elle a dispersés avec des gaz lacrymogènes. « Comment la police peut-elle passer à côté d’une chose pareille, s’indigne un habitant joint par téléphone. On veut des réponses. »

Le fait que les corps aient été retrouvés dans des sacs plastiques rappelle le sinistre souvenir de la rivière Yala. En mars dernier, une quarantaine de cadavres, y avaient été retrouvés emballés de manière similaire. Les organisations de défense des droits de l’homme avaient alors soupçonné que ces dépouilles appartiennent à des victimes d’exécutions extrajudiciaires.

« Nous n’en sommes pas là, tempère Ernest Cornel, chargé de communication de la Commission kényane des droits de l’homme. mais la police doit faire la lumière sur ce qui s’est passé à Mukuru, établir des responsabilités et justice doit être rendue. »

Les violences policières sont plus que jamais au cœur des préoccupations du mouvement de la jeunesse Gen Z, c’est-à-dire la génération Z.

La police kényane avait déjà été accusée d’usage excessif de la force et d’exécutions extrajudiciaires. Et des manifestations contre la vie chère, à l’appel de l’opposition, avaient donné lieu l’an dernier à des pillages et des affrontements meurtriers au Kenya, faisant au moins 50 morts selon les ONG. Le 26 juin, William Ruto avait annoncé le retrait du projet de loi de finances.

Jeudi 11 juillet, le chef de l’État a annoncé le départ de la quasi-totalité de son équipe, à l’exception de son ministre des Affaires étrangères et du vice-président du pays.