[TRIBUNE] Aziz Dabala, l’hirondelle de Guinaw-Rail (Par Aliou Ndour)

Aziz Dabala

Tract – L’hirondelle de Pikine Guinaw Rail, échoue comme un météore dans les eaux marécageuses de Pikine Technopole, victime d’une barbarie sans nom, quelle triste fin pour une étoile montante ! 

 

Dans l’élan et l’amplitude de ses voltiges et arabesques livrés dans ses vidéos dansantes sur internet ; le jeune artiste était sur une pente ascendante, le chemin pour atteindre le firmament, la gloire ; stoppé dans son envol vers les cimaises de la station royale de la danse de Sabar* ; un prince est tombé, victime de la folie meurtrière et la jalousie de jeunes banlieusards sans foi ni loi, proches de lui ; tous habitant le même quartier, Pikine Guinaw Rail.

Pikine n’aime pas les pièces de monnaie en « or » à cause du sable des dunes, on avait coutume de dire ceci, dans toutes les premières heures du Sénégal indépendant, quand Mada Thiam cette autre grande diva de la banlieue chantait sa célèbre chanson populaire « Laye Niakh » son amoureux de chauffeur de taxi ; pour désigner une pièce de monnaie, « mbègne pikine » qui veut dire n’aime pas Pikine, car si elle tombe dans le sable aucune chance de la retrouver et le jeune Aziz Dabala en était une dans son art la danse, passionné et débonnaire : partout où il passait, il distillait la joie de vivre !

Aziz Dabala, « sugarfoot » ou « nékh tank » en wolof, excusez ce sobriquet en anglais ainsi traduit, que le roi de la pop musique Michael Jackson avait donné à son excellent batteur Jonathan Moffet pour son habileté au jeu de pédales de sa grosse caisse et les cymbales de sa batterie ; une étoile du sabar*, qui, comme l’aigle royal, voulait voler plus haut pour atteindre le firmament, la stratosphère, la cime mais, malheureux comme Icare, s’est brûlé les ailes en approchant de près le soleil du succès. Trop gentil et naïf, Aziz Dabala, danseur virtuose et gai luron, voulait accompagner et propulser tous les petits oisillons de son quartier natal à peine sevrés à voler plus haut dans le monde du spectacle, plein de petits rancœurs et rancunes, il n’avait aucune arrière-pensée, victime de sa gentillesse excessive et de son humilité. Fier de lui, l’aigle ne vole jamais avec les corbeaux, ces oiseaux de mauvais augure. Une prudence de rigueur s’impose quand on s’élève sur l’échelle sociale pour sortir des quartiers gris et démunis. En un moment de sa carrière quand la gloire se manifeste, il faut savoir gérer l’énergie et la joie débordantes, qui par moments peuvent susciter la jalousie et la haine des autres fréquentations ; si on n’arrive pas à se canaliser, mettre un staff d’hommes de confiance qui régit tout chez toi, gère ton agenda, préserve même ta vie privée, tes entrées et sorties.

C’est le monde du spectacle qui l’exige ! Stoïque dans la douleur, la famille de Aziz Dabala sa maman, son grand frère et sa petite sœur sont restés très dignes dans cette dure épreuve et s’en remettent à Dieu sans jeter l’opprobre sur deux des suspects que la famille prend toujours comme des proches amis en respectant leur présomption d’innocence ; en attendant l’éclatement de la vérité, sur cette macabre affaire. Nous nous inclinons sur la mémoire de ce jeune danseur étoile stoppé dans son ascension vers la gloire, que j’ai découvert juste avec la clameur publique de son assassinat odieux. Paix à son âme.

Kakarikak le crabe de Khembé 

 

* Le sabar est une danse wolof avec des gestes aériens et mouvements amples. Cette est mieux appréciée en prestation solo.