08 MOIS DE GESTION DIOMAYE DANS LA PÊCHE  Qu’ont apporté aux pêcheurs traditionnels les réformes et la transparence sur les bateaux étrangers?

TRACT – Le secteur de la pêche au Sénégal traverse une période charnière avec la fin des accords de pêche entre le Sénégal et l’Union Européenne.

 

Ces accords, en vigueur depuis plusieurs décennies, autorisaient chaque année des dizaines de navires européens à exploiter les eaux sénégalaises pour des tonnages allant jusqu’à 10 000 tonnes de thon et 1 750 tonnes de merlus noirs.

Ces espèces étaient principalement ciblées par les flottes industrielles européennes, notamment espagnoles et françaises, créant souvent des tensions avec les pêcheurs traditionnels qui voyaient leurs ressources s’amenuiser.

Avec l’arrêt de ces accords, l’impact se fait sentir à plusieurs niveaux. D’une part, les autorités sénégalaises espèrent que cette décision apportera un soulagement aux pêcheurs locaux en réduisant la pression sur les stocks halieutiques. D’autre part, la gestion Diomaye, mise en œuvre depuis huit mois, est confrontée à de nouveaux défis : elle doit désormais encadrer cette nouvelle donne et s’assurer que les ressources maritimes bénéficient davantage aux communautés locales.

La transparence sur les bateaux étrangers : Une avancée vers un secteur plus juste

Avant la rupture des accords, l’accès des navires étrangers aux eaux sénégalaises était souvent jugé opaque. Pour les pêcheurs locaux, l’ampleur des prises industrielles européennes exacerbait leur sentiment de désavantage.

La gestion Diomaye, avec son approche de transparence accrue, a instauré des réformes pour une meilleure régulation des activités de pêche industrielle. Les licences accordées aux bateaux étrangers ont été réévaluées, et une obligation de déclaration des prises a été mise en place. Cette initiative visait non seulement à réduire l’impact des pratiques industrielles sur les stocks, mais aussi à établir un suivi rigoureux des quotas pour éviter toute exploitation excessive.

Aujourd’hui, avec la fin des accords de pêche avec l’UE, le défi est de garantir que cette transparence s’étende aux activités des navires étrangers qui continueront d’opérer dans les eaux sénégalaises sous d’autres régimes, comme les accords bilatéraux ou les licences spéciales.

Depuis l’instauration de la gestion Diomaye dans le secteur de la pêche, huit mois se sont écoulés et ont apporté une série de changements marquants pour les pêcheurs traditionnels.

L’un des objectifs primordiaux de cette réforme était d’instaurer une plus grande transparence concernant les activités des bateaux étrangers, qui longtemps ont été accusés de piller les ressources halieutiques du Sénégal. Aujourd’hui, après plusieurs mois de mise en œuvre, il est temps de faire un bilan de cette gestion, de ses impacts sur les pêcheurs locaux, et de l’évolution de la régulation dans un secteur clé de l’économie nationale.

Tournant historique sur la transparence sur les bateaux étrangers

Actuellement, 132 navires sénégalais et 19 navires étrangers sont autorisés à opérer dans les eaux sénégalaises.

Cette liste a été officiellement publiée en mai 2024 par le ministère des Pêches, conformément à une politique de transparence sous l’administration du président Bassirou Diomaye Faye.

Ce choix de rendre publique la liste des navires, comprenant ceux bénéficiant de permis valides et d’autres en cours de renouvellement, vise à renforcer la souveraineté sur les ressources halieutiques et à mieux encadrer les accords de pêche, surtout en amont de la réévaluation de l’accord de pêche avec l’Union européenne.

Par ailleurs, ce secteur vital emploie directement ou indirectement environ 600 000 personnes au Sénégal, soulignant son impact économique et social. La pêche représente près de 3,2 % du PIB national.

Avant l’adoption du modèle Diomaye, la pêche industrielle, notamment celle effectuée par des navires étrangers, était souvent perçue comme un secteur opaque. Le manque de régulation sur l’accès aux ressources maritimes avait engendré une compétition déloyale, mettant en péril les petites unités de pêche artisanale, notamment celles des pêcheurs traditionnels. Ces derniers, dépendants d’une pêche durable, subissaient directement les effets négatifs de la surexploitation des ressources.

La mise en place de réformes visant à contrôler et à réguler les activités des bateaux étrangers a été un des grands chantiers de la gestion Diomaye. Un registre des navires étrangers a été mis en place, et une série de critères stricts a été définie pour l’octroi de licences. La transparence sur ces activités a permis de réduire l’accès illégal aux zones de pêche locales et d’endiguer les pratiques frauduleuses telles que la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN).

Les répercussions positives sur les pêcheurs traditionnels

Les pêcheurs locaux, longtemps les victimes collatérales de la pêche industrielle, ont vu un véritable renforcement de leurs droits. La régulation du secteur a permis une meilleure répartition des ressources, garantissant ainsi une pêche plus durable. Les mesures d’interdiction et de restriction de certaines zones de pêche ont permis de redonner à ces communautés l’accès à des stocks marins plus riches, contribuant ainsi à une relance de leur activité.

De plus, la sensibilisation et l’appropriation des réformes par les pêcheurs ont créé une dynamique de protection des écosystèmes marins, renforçant ainsi la résilience des communautés face aux défis écologiques et économiques.

Une gestion plus équitable des ressources halieutiques

Un autre aspect important de la gestion Diomaye a été la révision des modalités d’octroi de licences de pêche.

Auparavant, une grande partie de ces licences étaient attribuées de manière opaque, avec des préférences accordées à des entreprises étrangères au détriment des acteurs locaux. Le nouveau système repose désormais sur un processus plus transparent et plus équitable, offrant une meilleure représentativité aux pêcheurs traditionnels.

Les réformes incluent également la création de zones de pêche protégées où les bateaux étrangers n’ont plus accès, garantissant ainsi une meilleure gestion des stocks halieutiques. Ces zones sont administrées par les pêcheurs locaux en collaboration avec les autorités, créant ainsi un cadre de gouvernance participative. Cette gestion partagée a permis de renforcer la solidarité entre les acteurs de la pêche, qu’ils soient industriels ou artisanaux.

La modernisation du secteur de la pêche : Un pari risqué mais nécessaire

En parallèle, les réformes de la gestion Diomaye ont cherché à moderniser le secteur de la pêche. Des initiatives de formation ont été mises en place pour sensibiliser les pêcheurs traditionnels aux bonnes pratiques de pêche durable et à l’utilisation des nouvelles technologies de gestion des stocks halieutiques. Ces formations, visant à améliorer l’efficacité et la sécurité des pêcheurs, se sont également accompagnées d’un soutien en matériel et en infrastructures.

Cependant, cette modernisation du secteur n’a pas été sans défis. De nombreux pêcheurs ont rencontré des difficultés d’adaptation à ces nouvelles méthodes, notamment en ce qui concerne l’accès aux technologies et à la formation.

La question de la transparence des subventions et des aides financières allouées reste également un sujet de débat, certains pêcheurs estimant que l’accès aux ressources était encore inégal.

Les perspectives d’avenir : Vers une pêche plus durable et inclusive

Le bilan après huit mois de gestion Diomaye présente des résultats encourageants, mais il reste encore beaucoup à faire pour garantir une pêche totalement durable et équitable.

Les réformes ont permis une meilleure régulation de l’activité de pêche industrielle, mais l’impact concret sur les pêcheurs traditionnels doit encore être renforcé. Le défi sera de rendre cette gestion plus inclusive et de continuer à impliquer les acteurs locaux dans toutes les étapes de la prise de décision.

Les autorités doivent également continuer à soutenir la modernisation des infrastructures, en particulier dans les zones les plus reculées, pour permettre aux pêcheurs locaux de bénéficier de meilleures conditions de travail et de plus grandes opportunités économiques.

La gestion Diomaye représente une étape importante vers la réconciliation des intérêts entre la pêche traditionnelle et industrielle au Sénégal.

Si les défis restent nombreux, la transparence accrue et la régulation plus stricte des activités de pêche offrent de nouvelles perspectives pour un secteur plus durable et plus juste, où les pêcheurs locaux peuvent espérer un avenir plus serein.

Hadj Ludovic