[L’ET DIT TOT D’O.N.G] Demain 18 juillet, anniversaire Mandela | Quand Gorée abrite les négociations de la dernière chance entre Afrikaners Boers progressistes et Noirs Sud-Africains prêts à cesser la lutte armée, pour en finir avec l’Apartheid par le haut (Par Ousseynou Nar Gueye)

Tract- Ce vendredi 18 juillet 2025, demain donc, Nelson Mandela aurait eu 117 ans. Mais faisons un détour. Mythe partiel ou vérité parcellaire, l’ile de Gorée est emblématique du Commerce Triangulaire de Trois siècles ou des bateaux négriers venus d’Europe sont venus chercher en Afrique des esclaves, hommes et femmes, pour les transbahuter sur le continent américain (Canada, USA et Amérique Latine et Antilles inclues) pour les soumettre sans rétribution au dur labeur des champs de coton et de canne à sucre ou à l’humiliant travail domestique de Nègres de maison, qui vidaient chaque matin le pot de chambre de leurs maitres et maitresses leucodermes.

Quoi qu’il en soit, Gorée est, reste et demeurera un symbole de l’oppression blanche et européenne sur les peuples noirs, sur tous les autres peuples de la Planète Terre.

Aussi, en cette fin de la décennie 1980, en 1987 précisément, Gorée est le lieu de rencontres secrètes au sommet, entre Afrikaners Boers Blancs sud-Africains richissimes de leur argent ou de leur capital culturel, d’une part ; et de Noirs sud-africains bantoustanisés qui évoluent dans la guérilla et la lutte armée contre le régime blanc d’Apartheid en Afrique du Sud et veulent bien déposer les armes en échange  de l’émergence d’une Afrique du Sud arc-en-ciel (la Rainbow Nation, comme l’appellera plus tard le premier Président noir Sud-Africain,  nous avons nommé Nelson Rohlilala Mandela dit Tata Madiba, Grand-Pa Madiba, et aussi comme la nommera le pasteur anglican enjoué Monseigneur Desmond Tutu), une Rainbow Nation dans laquelle toutes les couleurs de peau seraient désormais égales.

Dans ces négociateurs sud-africains blancs de l’île de Gorée, en ce qui est appelé « la Conférence de Dakar » ou « le Dialogue de Dakar », il y a Frederick Van Zyl Slabert, député démissionnaire l’année d’avant du Parlement sud-africain qu’il avait fini de juger « inutile », et qui fondera plus tard sur l’île martyre, l’ONG pour les arts, la culture et la démocratie, Gorée Institute, en juin 1992, dont il sera Président du Conseil d’Administration. L’Institut de Gorée œuvre ainsi depuis plus de trente ans à renforcer le dialogue politique pour la résolution pacifique des conflits, à contribuer à la consolidation des processus démocratiques et des institutions, et d’encourager la créativité artistique, sociale et économique. Il y a aussi l’écrivain à la plume prolifique et humaniste, Breyten Breytenbach. Il y a les Noirs sud-Africains d’Umkhonto Wa Sizwe, la branche armée de l‘ANC, l’African National Congress, le parti historique de la lutte contre l’apartheid, dont Mandela en prison (il y restera 27 ans, dans une cellule exiguë de Robben Island, dont il ne sortait que pour concasser des cailloux en compagnie de ses codétenus, fers au pieds relies par une chaine), Madiba donc, est le leader et la figure morale, même si hors les barreaux, des leaders de l’ANC comme Oliver Thambo ou Walter Sisulu tiennent haut le bâton de maréchal pour commander et mener aux différents fronts de lutte (armée, pacifique , diplomatique, culturelle, politique, de boycott économique ou de boycott du système éducatif en Afrikaans) les innombrables militants de l’ANC, presque encartés de naissance dans cette formation politique. C’est l’époque de la lutte : the struggle. Il y a à ces négociations de Gorée le futur deuxième Président noir sud-africain : l’intellocrate flegmatique Thabo Mbeki. Des pourparlers donc entre l’IDASA de Van Zyl Slabbert (Initiative pour des alternatives démocratiques en Afrique du Sud) et l’ANC.

Mis en place dans les années 40, le système de développement séparé des  »races » (sic !) en Afrique du Sud, est à l’agonie économique et diplomatique 40 ans plus tard, dans les années 80, partout battu en brèche sur la planète Terre.

Les pressions viennent de toutes parts. Les artistes musiciens, menés par Bono de U2, font une tournée mondiale triomphale sur toutes les grandes scènes de notre planète, pour en appeler à la libération du détenu ayant passé le plus de temps en prison au monde. ‘Free Mandela ! End Apartheid. Now !’.

Le Sénégal n’y est pas en reste dans cette tournée, avec le pas encore trentenaire Youssou Ndour qui y entonne « Nelson Mandela » (chanson, en fait, écrite par son collaborateur au sein du Super Etoile, Kabou Gueye, le fervent talibé mouride qui ne joue plus qu’en studio pour les enregistrements et a cessé de tenir la guitare dans les concerts au Sénégal ou ailleurs dans le monde, du fait du ndigueul le lui prohibant, de son marabout). Boucle bouclée trente ans plus tard quand Youssou nommera d’après Nelson Mandela, son fils eu avec Aïda Coulibaly.

Les pays du monde entier, en ces années 80, boycottent les produits et vivres agricoles en provenance d’Afrique du Sud, avec en plus un embargo total sur les ventes d’armes à l’Afrique du Sud. Sauf l’acariâtre Première Ministre anglaise Margaret Thatcher, Miss Maggie, la Dame de fer au cœur de pierre. En Afrique, le sage, le trop sage Félix Houphouët-Boigny, surjoue les patriarches débonnaires en demandant  à l’Afrique de garder le contact et de conserver les liens avec l’Afrique du Sud, au nom de l’humanisme (un peu) et de la realpolitik (beaucoup). Sacré Grand-Père Félix ! Qui fait importer d’Afrique du Sud des oranges ou des cigarettes Rothmans.  Bon, on doit en tout cas reconnaître à Pa’ Houphouët-Boigny, sa conviction sincère et inébranlable que la Côte d’Ivoire devait se construire avec tous les Ivoiriens d’importation de toutes origines possibles qu’on y a vu défiler dans les champs de cacao et de café, à la tête des Directions générales d’entreprises publiques, comme Ministres ou comme chef de l’orchestre national ivoirien…

Bientôt l’Afrique du Sud est exclue de toutes les instances internationales.

A la tête du pays de Chaka Zoulou règne alors, comme depuis toujours, un Président blanc, en la personne de Frederik de Klerk. Lui aussi descendant de ces colons Hollandais qui ont débarqué en Afrique du Sud dans les années 1700, pour ne plus jamais en repartir. Ces Boers se font appeler les Afrikaners (les Africains), c’est tout dire ! Mais, De Klerk sait que l’apartheid n’est plus viable, avec une large majorité noire de millions de personnes dominée par une poignée (symboliquement en tout cas) de Blancs qui accaparent 95% des terres arables et y cultivent tout, y compris de la vigne dont ils font du bon vin, comme s’ils vivaient toujours dans leur bonne vieille Europe !

De Klerk sait qu’il faut sortir par le haut de l’Apartheid ; l’autre seule alternative étant une funeste ‘solution finale’ de guerre civile généralisée, avec extermination des Noirs déjà cantonnés dans des pseudo- États, les Bantoustans. La carte maitresse à jouer pour De Klerk est celle du sort de l’avocat Noir Nelson Mandela, en prison depuis près de trois décennies. Sauf que les émissaires que De Klerk envoie à Mandela pour qu’il accepte de sortir de prison sous conditions, en acceptant notamment de ne plus faire de la politique, Nelson Madiba Mandela y oppose un non ferme et catégorique : il entend bien rester dans et a la tête du « struggle »de son peuple noir et fier, dut-il en mourir en prison.

 

De Klerk est bien au courant des négociations en cours sur l’île de Gorée en cette fin des années 80 et il n’a pas donné son feu vert, à ces compatriotes blancs qui vont discuter avec un parti interdit. Abdou Diouf, lui, a donné son go, sollicité par Breyten Breytenbach a travers la Première Dame de France, la très progressiste Danielle Mitterrand, conscience de gauche de son mari François. Et Ndiol Diouf ouvrira officiellement les travaux de la ‘‘Conférence de Dakar’’.

 

Les Afrikaners qui viennent à Gorée veulent sauver leurs terres agraires et aussi le tissu économique sud-africain fort de plusieurs industries et PME de grande envergure, pouvant rivaliser en termes de know-how et de ressources humaines avec celles des pays occidentaux.

Depuis les années 70 d’ailleurs, l’Afrique du Sud possède (et c’est le seul pays sur le continent noir à en détenir une, y compris jusqu’à nos jours en 2025), une centrale nucléaire qui alimente le pays, les ménages et surtout les entités économiques, en électricité bon marche, lui permettant d’être compétitifs avec le monde entier. Pour autant que le reste du monde veuille bien consentir de continuer à commercer avec l’Afrique du Sud. Ce qui n’est plus le cas, en cette décennie d’agonie et de collapsus en mode ralenti de l’Apartheid.

 

Oui, le Sénégal est de la partie : en 1985-1986, alors qu’il est président de l’OUA, notre chef de l’État Abdou Diouf fait en avion la tournée des pays partageant une frontière avec l’Afrique du Sud et leur demande de maintenir la pression sur le pouvoir d’État exsangue Boer et Afrikaner et d’exiger sans discontinuer la libération de Nelson Rohlilaha Madiba Mandela.

 

Ces pays de la ligne de front sont galvanisés, même si souvent, leurs populations dépendent des cultures vivrières, denrées alimentaires et objets technologiques venant d’Afrique du Sud, et aussi parfois, ils dépendent de Pretoria pour leur alimentation en électricité. Cette tournée d’un pugnace mais souriant Abdou Diouf dans les pays de la ligne de front est un véritable succès diplomatique, politique, médiatique et au plan des symboles.

Oui, De Klerk savait que la seule issue était de sortir de cet Apartheid devenu funeste, par le haut. Et le haut du panier, le haut du pavé, c’était Mandela qu’il fallait sortir de sa geôle. De Klerck visite Mandela en 1989, effet indirect de la « Conférence de Dakar tenue a Gorée’’. Puis, il libère le Pa’ Nelson le 11 février 1990. On voit la Marche triomphale de Madiba, aux côtés et au-devant de la foule, le poing dressé, dans des images dont nous nous souvenons bizarrement comme étant en noir et blanc. Winnie la Mère Courage dont nous savons l’issue future en eau de boudin de son mariage fantomatique avec Nelson, aux amours jamais ressuscitées.

Et tout le reste est de l’histoire si bien connue. Mandela premier Président noir de l’Afrique du Sud élu en 1994, pour un mandat unique qu’il n’a pas voulu renouveler. Mandela qui met en place une Commission Justice et Réconciliation, grâce à laquelle les pires bourreaux blancs avouent des crises atroces mais ne sont pas pour autant sanctionnés. Des terroristes noirs en avouent aussi, dans la même impunité de sanctions.  Une nation arc en Ciel ou en 2025, les Blancs détiennent toujours 80% des terres, mais ne font que 7% de la population. Une population blanche qui se croit victime de racisme systémique, dans une Afrique du Sud qui est surtout le pays le plus violent de la planète, avec des victimes choisies au hasard sans distinction de couleurs de peau.

Sans les terres, les Noirs y ont toutefois bénéficié du BEE, le Black Economic empowerment, une politique publique qui leur donne des places de cadres, d’actionnaires et d’investisseurs dans les sociétés auparavant exclusivement détenues par les Blancs.

Une Rainbow Nation qui a toutefois trahi le rêve panafricaniste de Mandela et du soutien de l’Afrique à sa lutte anti apartheid, ou on opère des pogroms d’Africains des autres pays du continent noir, appelés péjorativement Makwérékwéré, même les proches voisins zimbabwéens qui n’y échappent pas.

Une Rainbow Nation dans laquelle existe la ville privée d’Orania ou habite exclusivement les Blancs et dont les Noirs sont interdits d’entrée. Un Rainbow Nation dont des Blancs, conviés par Trump, sont partis (49 d’entre eux) profiter de l’asile politique aux USA en 2025. Parions qu’ils en reviendront bien vite, comme les Blancs des premières années post-apartheid, qui ont massivement fui en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Canada (comme la famille d’Elon Musk dont la mère est d’ailleurs canadienne et le père sud-africain), pays dont ils sont revenus en masse quelques années plus tard, réalisant que l’herbe est plus verte dans leur pays, même avec l’épouvantail Julius Malema aux bottes rouges qui chantonne dans ses meetings « Kill the Boers ». Chanson que la Cour Constitutionnelle sud-africaine a qualifié de chanson de lutte anti-apartheid qu’on ne pouvait pas interdire donc. Oui, belle démocratie mais pays de violences extrêmes, y compris les violences symboliques. Pays dans lequel, les trois fois où je m’y suis rendu, le personnel des différents hôtels ou je résidais me déconseillait fermement, voire m’interdisait, d’aller dans les rues adjacentes pour y déambuler, car j’aurais alors couru le risque de me faire ‘‘hijacker’’ (braquer au pistolet) alors même qu’on était en plein centre-ville et qu’il était à peine 18h en heure locale.

Pays de vibrante culture qui exporte ses séries et ses films et ses œuvres d’art contemporain dans le monde entier.

Pour finir par Gorée par laquelle nous avons commencé ? J’ai travaillé à Gorée Institute en 2000, pendant une année. J’étais Directeur adjoint du Département Culture ; John Matshikiza en étant Directeur du département. Dans ce Département Culture de Gorée Institut, il y a avait aussi Marie-Noelle Koyo Kouoh que j’y avais trouvé et qui était sous ma responsabilité hiérarchique.

John Matshikiza était écrivain, journaliste, dramaturge, acteur de théâtre et acteur de films et il était apparu dans plusieurs films hollywoodiens. Bougon en diable derrière sa moustache fournie, intellectuel sartrien de gauche communisante, il savait rire aussi. Et racontait de belles histoires africaines dans sa colonne hebdomadaire dans le très réputé journal Mail and Guardian. Matshikiza décédé en 2008 d’une crise cardiaque alors qu’il était attablé en journée au chic restaurant le Monticello dans la belle banlieue de Sandton près de Johannesburg. John avait 54 ans quand il est décédé. Je viens d’en avoir 53…My bad…!

Ousseynou Nar Gueye

  • Directeur Général d’Axes et Cibles Com
  • Directeur Général de Global Com International
  • Directeur des médias numériques Tract.sn et Tract Hebdo
  • Président du mouvement politique ‘‘Option Nouvelles Générations – Woorna Niu Gérer’’

ogueye@axes-et-cibles.com

www.axes-cibles-com.sn

 

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici