Tract – ‘Deux objectifs sont incontournables en ces temps actuels. D’abord il faut sauver l’université sénégalaise et ensuite il faut en faire un instrument fiable pour soutenir l’Etat et prendre en charge les demandes sociales.
Comment sauver l’université ?
En 2016 nous avons déjà dénoncé des insuffisances qui datent depuis le régime des socialistes et qui se sont accrues. Des maux qui s’enracinent d’années en année deviennent un danger pour nos institutions surtout celle dont nous discutons aujourd’hui. Si ce ne sont pas les infrastructures sociales et pédagogiques au regard du surpeuplement progressif des étudiants, ce sont leurs conditions de vie ou simplement celle du personnel enseignant et administratif.
La montée du chômage qui certes relève de la responsabilité de l’autorité publique pousse les sénégalais à s’interroger sur la qualité des enseignements dans nos universités. Nous savons que pour être en sécurité, il faut envoyer ses enfants dans les écoles supérieures privées. Malheur aux ménages par conséquent qui ne disposent pas de moyens pour financer les études de leurs enfants.
L’autorité publique de l’enseignement supérieur sous le régime Macky Sall avait brandi l’idée d’augmenter les droits d’inscription et à la longue d’augmenter le coût des études à supporter par les ménages afin de donner à l’institution universitaire les moyens de son fonctionnement à l’instar de certaines universités d’Europe ou d’Amérique. C’était une mauvaise idée. Il faut d’abord régler le problème du pouvoir d’achat donc de l’économie nationale avant de penser à la marchandisation des études dans nos institutions publiques universitaires.
La qualité a un prix. Mais pour ce cas précis, l’erreur est de réfléchir en économiste. Une recherche bien organisée et bien pensée peut documenter un enseignement adapté et répondre aux attentes sociales de l’Etat et de la nation. Je cautionne l’idée qu’il faut un recrutement massif pour assurer les enseignements, les encadrements et éviter l’enchevêtrement des années académiques qui s’étalent sans fin sur d’autres années académiques. Cela a un coût mais ceci n’est rien comparé aux dégâts potentiels que peuvent entrainer les faits non économiques.
Nous ne pourrons jamais avoir la qualité escomptée dans nos universités si le relationnel entre PER ou entre PER et étudiants en fin de 2e ou 3e cycle n’est pas éthiquement encadré. De gros potentiels pour la recherche se perdent à côté des lots visibles de nouveaux chercheurs qui sont créés et les quelques exceptions qui sont recrutés. Il y a lieu de réfléchir sérieusement sur ce complexe relationnel dont le premier versant se structure entre l’apprenant et le professeur ou le disciple et le maitre.
Le second versant dudit complexe réside dans le relationnel entre PER eux-mêmes qui est fait de fond de mésentente entre personnalités, de querelles silencieuses et subjectives et découragent toute solidarité et émergence intellectuelle pro universitaire. Dans une ambiance pareille, l’innovation que l’on attend d’une institution de recherche de qualité ne peut pas émerger. Il faut régler ce problème sinon la déception en termes d’attente sur la qualité de nos universitaires sera toujours présente.
Au-delà du tissu relationnel à éthiciser, il faut des actes d’innovation avec une nouvelle systémique sur la carte pédagogique universitaire. Il a toujours été recommandé de mettre en place des équipes pluridisciplinaires notamment des enseignants chercheurs qui travaillent en permanence en équipe inter-département et inter-section, inter-facultaire et inter-UFR ( unité de formation et de recherche). Cela n’existe toujours pas dans nos universités. Les enseignants sont pressés de candidater pour l’étranger afin d’extravertir leurs expertises à cause des gains monétaires et symboliques.
Le complexe du développeur international est toujours là tapis dans l’ombre dans nos universités. Dans les processus de recrutement, les pairs sénégalais sont prompts à préférer des produits formés à l’étranger que leurs propres produits formés au Sénégal. Cette manie continue à nous affaiblir depuis les années 80. C’est une situation qui frise le spectacle. Les maitres de conférence et professeurs titulaire de laboratoire devraient avoir honte de recruter à l’extérieur et d’abandonner les docteurs qu’ils ont produit. Certains vantent l’amélioration et la perfection du système de recrutement mais le malaise est encore là.
Le système n’intègre que ceux qui sont dans le système. Il y a lieu de prendre en compte toutes les variables y compris le fonctionnement des laboratoires locaux et le besoin national qui doit porter le choix de la section ou du département sur les profils à recruter. Il faut faire attention aux variables sociologiques et celles du nombre de publication qui fait certes le chercheur mais celui-ci doit être dans les capacités de répondre au besoin national de l’Etat et des masses pour leur formation et leur insertion.
Quant aux étudiants actuels, ils savent comme les ainés ce qu’ils veulent. Le porte-parole du jour des étudiants dans son discours au lancement de « l’ANTESRI 2050 » par le MERSRI le jeudi 17 juillet 2025 au CICAD a insisté sur les points suivants qui sont très légitimes :
Plus de licence en 5 ans
Plus de master très long
Plus d’université qui forme des chômeurs
Plus de système qui abandonne les étudiants sans mécanisme de récupération
Leurs anciens ont souffert des mêmes problèmes. Pour satisfaire des attentes et sauver l’étudiant qui est la relève active tout en relançant l’université sénégalaise, il faut revoir ces leviers précités qui organisent et opérationnalisent la recherche et les enseignements. C’est à partir de la qualité que lesdits leviers vont produire qu’on pourra repenser nos propres épistémologies, adapter nos enseignements, revoir le bac qui est le premier diplôme universitaire et former ce que nous appelons les profils de l’avenir capables d’assumer les besoins du développement endogène du Sénégal.
Pascal OUDIANE
Docteur de l’UGB
Enseignant chercheur
Gouvernance Sans Parti