[Portrait] « Eclipse lunaire » à 84 ans, Mourchid Ahmed Iyane Thiam est décédé

Tract – Mourchid Ahmed Iyane Thiam n’est plus.
Lui qui a été pendant une vingtaine d’années président de la commission de concertation du croissant lunaire, ne scrutera plus le ciel d’ici-bas. Il est décédé, dans la nuit du jeudi à vendredi, des suite d’une longue maladie.
Président d’organisations islamiques au Sénégal, l‘homme religieux – au devant des « sappé » (rangée, à l’occasion de la prière) lors des fêtes de korité, Tabaski, et autreTamkharit -, l’élégant patriarche voyait sa santé se dégrader depuis quelques mois.

le patriarche, né en 1937, connaissait bien le terrain islamique. Issu d’une famille religieuse (omarienne), il a mémorisé le Coran à l’âge de 10 ans, du vivant de son père. Ce dernier a été rappelé à Dieu en 1947 après s’être rassuré de la maîtrise du Livre Saint de l’Islam par son fils. Son état d’orphelin n’a fait que renforcer sa détermination. Le jeune Iyane est parti de son propre gré à Kaolack chez Mame Khalifa Niasse (père de Sidy Lamine Niasse et Ahmed Khalifa Niasse) pour entamer des études en sciences islamiques. Il a ensuite fréquenté le daara (école coranique) de son homonyme (Ahmed Iyane Thiam) à Saint–Louis pour ses études en sciences islamiques. Toujours habillé en tenue traditionnelle (kaftan ou grand boubou), ce vieux à la voix fluette est certes d’un commerce facile, mais cette ouverture ne signifie pas nécessairement une flexibilité.

L’homme à la barbe blanche bien taillée etait intransigeant sur les critères qui fondaient ses décisions. Pour lui, les musulmans ne pouvaient pas commencer ou terminer le jeûne sans avoir vu le croissant lunaire à l’œil nu sur l’ensemble du territoire national. Il se basait sur un ‘’hadith’’ (parole du Prophète Mouhamed paix et salut sur Lui). ‘’Jeûnez si vous la voyez (la lune), interrompez si vous la voyez’’, insiste-t-il. Mourchid Iyane Thiam partage certes le même argumentaire avec d’autres musulmans, mais ils ne s’accordent pas sur l’interprétation du texte. Les autres, eux, prônent l’universalité du croissant lunaire.

Senghor : ‘’Etudiant de carrière ; on dirait que tu ne rentres jamais’’

Le père de Zahra Iyane Thiam, ministre, avait fait de la cause islamique son cheval de bataille. Les différentes fonctions (professeur d’Arabe, chef du département Amérique-Asie au Ministère des Affaires étrangères, conseiller technique chargé de l’enseignement arabe du ministre de l’Enseignement supérieur) qu’il a exercées témoignent de sa riche carrière. Une carrière qui ne s’arrête pas d’ailleurs malgré un départ à la retraite il y a plus de 15 ans.

Après avoir approfondi ses études en sciences islamiques à Saint-Louis, il est parti au Maroc en 1959 où il a obtenu un brevet en Arabe à l’institut Al-Azar de Casablanca (en 1961) et un baccalauréat en 1964 au Lycée Maghreb Arabe de Rabat. Mourchid Iyane Thiam a été le premier Sénégalais à s’inscrire à l’université Mouhamed V d’où il est sorti avec une licence en sciences juridiques et politiques. L’ancien président de l’amicale des étudiants sénégalais de Maroc, initiateur de la réforme permettant aux arabisants de poursuivre leurs études dans les universités françaises, sera le premier noir titulaire d’un diplôme arabe à intégrer l’Université libre de Bruxelles (Luxembourg). Mais il devait suivre d’abord un stage en langue française (trois mois de perfectionnement).

Le président Senghor et l’ambassadeur Djim Momar Guèye avaient donné instruction au ministre des Affaires étrangères d’alors, le professeur Assane Seck, de le rapatrier en 1970 après l’obtention d’une maîtrise en sciences politiques à l’Université de Bruxelles. Pour lui, ce retour a été causé par les grèves répétitives qu’il menait en terre marocaine. ‘’J’ai été victime de ces contestations parce que je fatiguais les autorités sénégalaises en leur exposant les revendications des étudiants arabisants. Ces contestations ont amené le Président Senghor à contourner Rabat lors d’un voyage, en faisant son escale à Marrakech. Mais Il n’a pas échappé à Mourchid parce qu’il l’a aperçu quand il est descendu de l’avion ’’Ce jour-là, Senghor a été surpris. C’est pourquoi il m’a dit : ‘’Etudiant de carrière ; on dirait que tu ne rentres jamais’’. Ce long combat a permis l’adoption de la réforme autorisant les titulaires du baccalauréat arabe de poursuivre leurs études dans les universités françaises et européennes, grâce aux bons offices de Serigne Abdou Aziz Sy Al-Amine et de Serigne Moustapha Cissé de Pire.

Auteur de l’introduction de la section arabe à l’Ecole normale

Après son rapatriement en 1970, il a été nommé professeur d’Arabe au lycée Faidherbe de Saint-Louis par décret présidentiel. Il a ensuite occupé le poste de conseiller technique chargé de l’enseignement arabe du premier ministre sénégalais de l’Enseignement supérieur, Ousmane Camara, de 1973 à 1980. L’introduction de la section arabe à l’école normale supérieure de Dakar devenue Faculté des sciences et techniques de la Formation (Fastef) est à son actif. Il a obtenu cet acquis lorsqu’il était en service au ministère de l’Enseignement supérieur. La formation qu’il a suivie à l’Ecole nationale d’administration et de la magistrature (Enam) entre 1978 et 1980 lui a permis d’occuper la tête du département Amérique-Asie du ministre des Affaires étrangères.

Il revient au bercail en 1991 pour occuper le poste de conseiller du médiateur de la République jusqu’en 1992, avant de retourner au ministère des Affaires étrangères où il a pris sa retraite en 1993. Ahmed Iyane Thiam, décoré à deux reprises (Ordre national du Mérite en 1990 et Ordre national du Lion en 1998) par l’ancien président de la République Abdou Diouf, n’a pas été suivi sur le terrain islamique par ses descendants. Ses fils Ousmane Iyane Thiam et Ibrahima Iyane Thiam s’activent dans le sport. Le premier est le fondateur de l’Organisation nationale de coordination des activités de vacances/Renouveau (Oncav/R). Le second est un footballeur professionnel évoluant en Belgique. Il a également une fille cardiologue. Mourchid Ahmed Iyane Thiam tenait encore à la présidence de la Conacoc dont il est le fondateur. Mais avec la contestation de plus en plus vive, avec même des appels à la dissolution de la commission, se posait la question de savoir jusqu’à quand il pourra continuer à résister. La grande faucheuse est venu clore cette polémique récurrente.

Tract présente ses condoléances à la ummah islamique.

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