Tract – Nous nous sommes entretenus avec Ernis, lauréate du prix voix d’Afrique 2022 et auteure du roman Comme une reine (J.C Lattès), qui a récemment lancé l’association Lire au village qui vise à apporter la lecture aux populations, notamment les jeunes, qui vivent dans les conditions de vulnérabilité et de marginalisation au Cameroun en particulier, et en Afrique en général.
Lire au village : la genèse…
En 2019, je quitte Douala tous les mois pour me rendre au village où je passe la majeure partie de mon temps avec les enfants et les personnes âgées. En plus de l’écriture, j’aime me réunir avec les enfants dans la cour pour partager des contes, des devinettes et d’autres fables. Au cours de chaque rencontre, je me laisse emporter par la dramatisation, la leçon et la construction de chaque récit.
Un soir de samedi, une fillette me dit : « Je voulais écrire un conte pour toi, mais je ne sais pas écrire. » A l’instant, je me rends à l’évidence. En plus de raconter, il faut aider les jeunes à écrire leurs propres imaginaires.
Pendant trois ans, je fais des aller-retours entre Douala et l’Ouest-Cameroun où j’apporte aux enfants les livres achetés au poteau à vil prix. J’organise des mini-ateliers pour ceux qui sont intéressés par l’activité. C’est aussi l’occasion de lire à haute voix.
Comment vous êtes-vous engagée dans l’action associative ?
En 2022, Je réalise que je ne peux pas mener cette aventure seule. En réduisant mes déplacements, les parents regrettent maintenant l’absence de moments de contes avec leurs enfants. Je contacte donc quelques personnes parmi lesquelles les enseignants et les personnes investies dans l’éducation et nous décidons de nous constituer en association au Cameroun.
Toute l’année 2022 a été très chargée. Avec la publication de mon premier roman, j’étais quasiment absente. Mais l’association n’a pas été atteinte – Heureusement– Puisque nous avons pu obtenir un statut juridique, un siège et des succursales. Nous pouvons désormais mener des activités dans un cadre légal.
Quelles missions vous êtes-vous fixées et quelles valeurs portez-vous au travers de Lire au village ?
Notre objectif principal est la promotion de la littérature par l’aide aux jeunes défavorisés.
Il se décline en trois axes :
- Créer et animer des bibliothèques dans les zones rurales.
Nous voulons apporter la lecture aux jeunes qui ne sont pas privilégiés dans la vie de tous les jours.
- Promouvoir les œuvres littéraires
Nous désirons offrir aux enfants une sélection de livres qui leur ressemblent, une littérature proche d’eux et de leurs réalités.
- Créer des cadres inclusifs et favorables à l’alphabétisation des jeunes de toutes les couches sociales.
L’inclusion, l’égalité et l’action sociale constituent les bases de notre engagement. Nous souhaitons offrir aux enfants vivant avec un handicap et aux filles les mêmes chances d’éducation que tous les autres enfants.
Comment envisagez-vous la coexistence avec les autres associations du Cameroun et d’ailleurs qui mènent des actions et des activités dans le même sens que votre Lire au village ?
Nous sommes prêts à lier des partenariats avec les associations du Cameroun et d’ailleurs pour plus d’efficacités dans nos différentes actions. Je profite pour inviter toutes les personnes qui aimeraient rejoindre l’association. Nous sommes disponibles.
Quel rapport avez-vous avec l’Afrique en général, et le Cameroun en particulier ?
Le Cameroun, c’est le chez moi. L’Afrique aussi. J’ai travaillé avec des élèves au Mali, au Congo Brazzaville, au Maroc… Et jamais, je ne me suis sentie étrangère. Nous sommes de quatre nationalités différentes dans le conseil d’administration et nous envisageons des projets dans d’autres pays d’Afrique et même en Europe. Nous allons mener notre première action internationale dans une école publique de Poitiers en France la semaine prochaine.
Des objectifs pour les mois ou les années à venir ?
Au mois d’avril de l’année prochaine, nous ouvrirons notre première bibliothèque dans un village situé à 10 km de Mbouda – Bangang – au Cameroun. Actuellement, nous sommes en train de rassembler des livres et nous sollicitons l’aide de tous ceux qui nous suivent pour réaliser ce projet.
Propos recueillis par Baltazar ATANGANA