Souleymane Bachir Diagne: «Il est impératif que nos langues nationales redeviennent des langues de création et de sciences»

SENtract – Les langues nationales doivent redevenir des langues de création et de sciences, a affirmé vendredi le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne, directeur de l’Institut d’études africaines de l’Université Columbia de New York. 

 

« Il est impératif que nos langues nationales redeviennent des langues de création et de sciences. Nous convenons tous que le développement est aussi à ce prix-là. Parce qu’en définitive, le développement ne sera effectif que s’il mobilise les ressources culturelles que constituent nos langues », a-t-il dit.

Le philosophe animait une séance académique sur le thème : « L’humanité et la traduction », organisée à l’initiative de l’Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal (ANSTS), rapporte l’APS. Il estime qu’une bonne gestion du pluralisme linguistique individuelle ou collective doit trouver une traduction pédagogique, c’est-à-dire « comment faire en sorte que nous ayons un système éducatif construit sur une bonne gestion et une bonne politique du pluralisme linguistique ».

M. Diagne souligne que c’est la seule question à se poser plutôt que de donner une alternative simpliste entre les langues que « nous considérons comme étrangères et celles nationales, devant construire notre système éducatif ». Le philosophe s’est aussi prononcé sur la baisse du niveau des élèves, constatée depuis plusieurs années.

Pour lui, ce phénomène est lié à la poussée démographique avec un nombre pléthorique d’élèves dans les classes. « Le poids démographique que nous avons est une contrainte majeure sur notre système éducatif, ce qui signifie que nous avons des classes pléthoriques. Nous n’avons pas aussi tous les enseignants qu’il faut. Du coup, on les recrute n’importe comment, ce qui fait que nous n’avons pas toujours les meilleurs enseignants possibles », a-t-il expliqué.

Selon lui, la poussée démographique entraîne avec elle un certain nombre de facteurs aggravants, ce qui explique aujourd’hui que le niveau du système éducatif est faible, avec un défaut de maîtrise de langue à l’école.

Cependant, il estime que tout n’est pas sombre, relevant que les performances réalisées par les filles dans les sciences, avec un certain nombre de mentions « très bien », est à saluer. « Un des aspects les plus inquiétants de la crise de notre système éducatif, c’est le fait que nous ayons une bonne masse de littéraires et que les scientifiques sont de plus en plus en nombre réduit proportionnellement », déplore-t-il.

Le philosophe pense que cette réussite éclatante que le système a connue surtout avec les filles peut être un basculement et une indication qu’il va s’engager dans la bonne direction.

Sur un autre registre, il a évoqué l’importance que peut avoir la traduction dans les sociétés. « La traduction est un moyen de constituer l’humanité comme une seule et même société humaine. Elle peut régler tous les problèmes que nous vivons par ces temps qui courent et relever tous les défis qui nous assaillent et qui ont comme noms pandémie, guerre et crises climatiques », a-t-il dit.

 

 

 

Selon lui, tous ces défis demandent que nous répondions en tant qu’une seule et même humanité. ’’Nous n’en serons une seule’’ que si ’’nous parlons le même langage, qui est celui de la traduction’’, a-t-il prédit.