[Tribune] LES LIMITES DE LA RESILIENCE : LA REVOLTE COMME REACTION CONTRE L’OPPRESSION (Par Caroline Meva)

SENtract – L’actualité récente est braquée sur les manifestations de plus en plus violentes des anti-vaccins contre la covid-19 à travers le monde, et les hordes de migrants massés et mourant aux frontières de l’Europe, des Etats-Unis, du Royaume-Uni, etc.

Tous ces mouvements de foule ont pour dénominateur commun le ras-le-bol face à une situation oppressante et insupportable. Le ras-le-bol fait suite au franchissement d’une ligne rouge, celle du seuil de résilience, qui est la capacité, pour un individu ou un groupe d’individus, à supporter et à surmonter les chocs traumatiques et autres situations critiques. Le seuil de résilience n’est pas le même pour tous les individus ou groupes d’individus, et dépend des possibilités de recours ou des solutions de substitution (plan B) de chacun en cas d’échec ou d’aggression. La résilience est différente de la passivité, en ce sens que le passif se complait dans son inactivité et ne fait aucun effort pour surmonter la difficulté, tandis que le résilient cherche des solutions pour dépasser l’obstacle ou supporter le choc.

    Les difficultés que doit affronter quotidiennement un individu sont de divers ordres :  intérieures ou personnelles, et extérieures, la vie sociale étant communément considérée comme un combat, un affrontement permanent des intérêts des uns et des autres. Ainsi les inégalités sociales, les injustices, les abus multiformes, les souffrances, les privations, les humiliations, les oppressions et autres agressions qui caractérisent les rapports humains, ne sont pas supportés à l’infini par les victimes. Il arrive toujours un moment où ces dernières se sentent acculées, le dos au mur, sans aucune porte de sortie, avec comme unique alternative, réagir pour sauver sa peau, ou être vaincu et anéanti. En général, par instinct de survie, la victime choisit de faire face, dans un baroud d’honneur où la peur d’être vaincu et de mourir passe au second plan. Face à l’inacceptable, à l’insupportable, le ras-le-bol intervient alors comme une goutte d’eau qui fait déborder le vase plein à ras-bord de la résilience. La réaction de la victime est souvent radicale, ravageuse, disproportionnée, comme un tsunami ou un raz-de-marée qui détruit tout sur son passage.

    Les exemples de ces mouvements de protestation ayant entraîné des débordements, des révoltes et des révolutions émaillent l’histoire de l’humanité :

    –  Les guerres serviles menées par les esclaves révoltés dans la Rome antique au 1er siècle de notre ère, ainsi qu’au 17e et 18e siècle avant l’abolition de la traite négrière ; les révolutions françaises et russe au 17e 19e et 20e siècles ; les guerres de libération coloniales à l’aube des indépendances africaines, etc.

    – Plus près de nous, les manifestations contre la présence de l’armée française dans la zone sahélienne, et l’immigration clandestine qui jette des hordes de migrants à l’assaut des frontières des pays riches du Nord, sont une réaction de survie face à la paupérisation extrême, aux ingalités, injustices, agressions et oppressions qu’ils subissent dans leur pays d’origine, à cause des rapports inégalitaires imposés par les puissances hégémoniques de l’Ordre Mondial,  avec la complicité des dirigeants des pays pauvres du Sud.

    – Les manifestations à travers le monde contre les restrictions imposées par la pandémie de la covid-19 font la Une des médias en ce moment.  les anti-vaccins se sentent cernés, acculés de tous  les côtés, mis au ban de la société et traités comme des parias, par un procédé de nasse, de rouleau compresseur ou de goulot d’étranglement. Il ne leur reste qu’une alternative  : la vaccination, contre le boulot et la vie sociale. L’obligation vaccinale, rendue incontournable avec le paiement des tests PCR à un prix rédhibitoire ( plus de 40 euros le test), y compris pour un rendez-vous de contrôle chez le médecin, est ressentie comme un acte violent, qui occulte le choix libre de chacun à ce sujet. Les anti-vaccins estiment que cette obligation est arbitraire et non fondée en raison, car le vaccin suscite des doutes, des interrogations, plus qu’il ne donne des réponses ; il a montré ses limites, notamment à propos de son inefficacité sur les variants, et de son efficacité limitée entre 6 mois et un an. Plus grave encore, la cacophonie observée au niveau de la communication des autorités sanitaires sur le virus ajoute à la confusion générale. Les citoyens ont l’impression d’être floués, ou qu’on leur demande de faire des sacrifices dont l’utilité n’est pas prouvée, d’où les manifestations anti-vaccin de plus en plus fréquentes et violentes à travers le monde. En conclusion, force est de constater que la violence engendre la violence ; une violence exercée sur une victime suscite en retour une réponse violente de la part de cette dernière.

 

Par Caroline Meva

Écrivaine camerounaise